Dans les nécrologies médiatiques, Françoise a été amputée de la moitié de ce qui la passionnait dans la vie. L’astrologie a été extirpée de la photo iconique de la chanteuse ou réduite à une anecdote. Il ne faut pas un œil exercé pour quand même en repérer l’ombre, vu qu’elle est immense.
L’amie Françoise est morte mardi 11 juin 2024. Dès le lendemain, les médias ont bien entendu publié de longues nécros consacrées à la star de la chanson. Ceux qui ne se sont pas limités à sa carrière discographique et à ses anamours avec Jacques Dutronc, ou à ses opinions politiques droitières, faisaient alors référence à l’icône de la mode et l’égérie des grands couturiers Yves-Saint-Laurent, Paco Rabanne ou André Courrège qu’elle avait brièvement été dans les sixties. Ça permettait de mettre en page quelques photos vintage-sexy.
Plus rares ont été les médias qui se sont penchés sur sa maigre carrière cinématographique où elle n’a fait entre 1963 et 1976 que quelques apparitions mineures et eu deux rôles majeurs dans une douzaine de films sans succès, alors qu’elle trouvait que le métier d’actrice était pour elle “embêtant et fastidieux”. Elle n’avait donc plus fait l’actrice depuis 50 ans quand ont été écrits ces pensums nécrologiques. Autant dire que le cinéma n’avait occupé qu’une minuscule place dans sa vie.
Quant à l’astrologie… à part dans ce très court article du Huffington Post, elle ne récolte qu’une ou deux phrases par-ci ou par-là, où elle est presque toujours mélangée à du zozotérisme ou aux Tarots de Marseille, et généralement perçue comme une incongruité, une tache sur le tableau, un dada irrationnel de star capricieuse. Ce qui est à proprement parler scandaleux, étant donné que Françoise a été passionnée d’astrologie et astrologue pendant plus de 50 ans, écrit des livres et animé des émissions sur ce sujet, et infatigablement milité publiquement pour défendre une astrologie rationnelle, naturelle et contemporaine : l’astrologie conditionaliste.
L’anti-astrologisme médiatique a donc encore frappé. À l’occasion de la mort de Françoise, il l’a fait sournoisement, en choisissant le non-dit, l’évitement, la censure objective. On ne parle pas de “ça”. Ou alors on mentionne “ça” brièvement, au détour d’une phrase interloquée ou sarcastique, parce que quand même, ce “ça astrologique” est là, au vu et au su de tout le monde, dans les archives médiatiques.
Les portraits pseudo-journalistiques de Françoise à l’occasion de sa mort font penser à ces clichés de l’époque soviétique, dans lesquels tout personnage qui s’était attiré la disgrâce de Staline était gommé, souvent si maladroitement qu’il en restait quand même l’ombre ou un bout de corps incongru. Françoise a ainsi été amputée de la moitié de ce qui la passionnait dans la vie. L’astrologie a été extirpée de la photo iconique ou réduite à une anecdote. Il ne faut pas un œil exercé pour quand même en repérer l’ombre, vu qu’elle est immense. Il suffit d’être observateur et honnête. C’est quand même assez ignoble de faire un truc pareil dans des hommages nécrologiques. Ainsi va l’anti-astrologisme médiatique…
Françoise Hardy s’est pourtant intéressée à l’astrologie dès le début de sa carrière de chanteuse. C’est en effet en 1962 que paraît son premier disque dont la chanson Tous les garçons et les filles fait immédiatement de cette jeune fille de 18 ans une star ; et c’est en 1963 qu’elle expérimente pour la première fois l’astrologie lors d’une consultation avec André Barbault. “Ce que ce dernier m’a dit sur moi”, confiera-t-elle plus tard, “en particulier l’analyse de ma problématique affective, masochiste sur les bords, était tellement juste que j’en ai été troublée. J’étais déjà attirée par la psychologie, la psychanalyse, etc., et André Barbault venait de publier ‘De la psychanalyse à l’astrologie’”.
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Sa curiosité est piquée par ce premier contact et elle a bien envie d’approfondir ce savoir, mais elle est alors prise pendant six ans dans le tourbillon du showbiz. Enregistrement et promotion de disques, présence médiatique et tournées incessantes : rien qui favorise l’exploration studieuse de l’astrologie. En 1968, elle décide à 25 ans d’arrêter de se produire en public. La fin des tournées et des voyages incessants lui offrent enfin du temps libre. Elle le met à profit pour se plonger sérieusement dans l’étude de la psychologie, de la calligraphie… et bien entendu de l’astrologie.
Pendant quatre ans, elle suit donc assidûment des cours d’astrologie, d’abord traditionnelle, puis conditionaliste lorsqu’elle fait la rencontre de Jean-Pierre Nicola en 1973. Elle a 29 ans, Saturne boucle alors son premier cycle, et c’est ainsi qu’elle deviendra à partir de 1974 la figure de proue de l’astrologie conditionaliste, mettant à son service son talent et sa notoriété tandis qu’elle continue de se former auprès du fondateur de l’astrologie moderne.
À la fin des années 1970 sa carrière discographique bat un peu de l’aile et elle se demande si elle ne va pas se reconvertir dans l’astrologie. Elle se retrouve ainsi à travailler de 1980 à 1986 pour Radio Monte-Carlo (RMC), où elle est chaque matin en charge d’un horoscope et surtout où elle anime une émission de vulgarisation astrologique sérieuse, Les Signes du destin, où elle analyse les Thèmes astraux de célébrités, Jean-Pierre Nicola étant en charge des textes et commentaires astrologiques. Cette émission donnera lieu à la publication d’une série de 12 livres du même nom aux éditions RMC, consacré chacun à un Signe du zodiaque.
À la même époque, Françoise se passionne pour la graphologie. Elle présente une nouvelle émission hebdomadaire qui prend le relais des Signes du destin, intitulée Entre les lignes, entre les Signes, en compagnie de la graphologue Anne-Marie Simond. Elle est consacrée à la confrontation d’analyses du fonctionnement psychologique de célébrités sous les angles astrologique et graphologique, Jean-Pierre Nicola étant là aussi responsable des textes et commentaires astrologiques. Cette émission a elle aussi un vif succès, et sera suivie en 1986 à d’un livre du même nom, toujours publié par les éditions RMC.
La même année voit la parution du livre Françoise Hardy présente l’astrologie universelle aux éditions Albin-Michel. Cet ouvrage collectif a été rédigé par Bernard Blanchet, Jean-Pierre Nicola, Richard Pellard et Phillipe Pinchon. Françoise s’est bornée à accepter que son nom et sa notoriété soient mis au service du titre de ce livre, et à s’engager à en faire la promotion dans les médias. Pour la petite histoire, c’est moi qui avais proposé la publication de ce livre à un représentant d’Albin-Michel rencontré en 1985 lors d’un salon dont j’assurais la couverture radiophonique pour une station locale. Celui-ci se vantait d’être ouvert aux idées neuves, mais il avait refusé ma proposition… jusqu’au moment où je lui ai dit que Françoise Hardy serait associée au projet. Dès cette annonce, il se montra immédiatement très intéressé. Je courus alors téléphoner à Françoise (avec laquelle j’étais lié d’amitié depuis 1982) pour lui demander si elle était d’accord. Elle me dit que oui : la simple mention de son nom avait suffi, et le livre se vendit très bien (environ 35000 exemplaires).
Cette anecdote montre à quel point la notoriété de Françoise a souvent été indispensable à la diffusion de l’astrologie conditionaliste. Sans Françoise, elle serait restée encore plus marginale et méconnue. Et Françoise a vraiment fait le maximum militant pour assurer la promotion de ce livre, y compris en se déplaçant en province alors qu’elle déteste sortir de Paris. Pour l’anecdote toujours, la photo ci-dessous montre la présentation que Françoise et moi en avons fait à la FNAC de Dijon en novembre 1986.
En 1990-1991, Françoise collabore au journal suisse Le Matin, en compagnie de Jean-Pierre Nicola. Chaque semaine, ils y analysaient le Thème astral d’une personnalité.. Dans cette vidéo, Jean-Pierre Nicola rend compte de cette expérience.
Dans la même veine, dans le numéro de Paris Match du 4 au 10 janvier 2007, Françoise et moi avons proposé une analyse du duo Nicolas Sarkozy/Ségolène Royal qui s’affrontait alors pour la Présidence de la République.
Françoise a également collaboré, gratuitement, par amitié et par pure solidarité conditionaliste, à deux revues de vulgarisation astrologique à moyen tirage que j’avais créées et dont je dirigeais la rédaction : Astrologie naturelle (1997–1999) puis Astrologos (2001–2003). Elle y réalisait de multiples interviews de célébrités que nous avions préparées ensemble, dont celle, mémorable, de Michel Houellebecq. On peut retrouver la plupart des études de Thèmes et astro-entretiens de Françoise sur notre site ici. Et tout spécialement, bien entendu, l’analyse de son Thème natal ici.
En 2003 paraît le livre Les Rythmes du zodiaque (éd. Le Cherche midi). Il est cette fois entièrement rédigé par Françoise et fera l’objet de deux rééditions pat d’autres éditeurs en 2004 et 2006. Françoise Hardy s’est “mise en devoir” selon son expression, de faire comprendre qu’un Signe astrologique n’est pas une vue de l’esprit mais un rythme déterminé par le rapport spécifique entre la durée du jour et celle de la nuit, quand le Soleil en parcourt les trente degrés. À partir des théories modernes, elle explique ce que sont réellement les Signes du zodiaque et en quoi l’occupation significative d’un Signe à sa naissance, favorise chez un individu, une attitude de fond et des sensibilisations particulières. Pour clarifier son exposé et le rendre plus attrayant, elle prend comme exemples des situations vécues ou des propos empruntés à des personnalités diverses d’hier et d’aujourd’hui : politiciens, écrivains, musiciens, acteurs, etc. Elle nous permet ainsi, pour notre plus grand bonheur, de lever un coin du voile tant sur les personnalités en question, que sur les “rythmes du zodiaque”.
En conclusion
Vous l’aurez compris : réduire la vie de Françoise Hardy à sa carrière discographique en pimentant celle-ci des fringues de modistes qu’elle portait et des films qu’elle a tournés dans les années 1960-1970 s’apparente à une escroquerie médiatico-nécrologique. Françoise était aussi une astrologue, au moins autant qu’une chanteuse.
Le clash entre Françoise Hardy et Élizabeth Teissier.
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