Le rythme du Soleil en Sagittaire repose sur l’écart maximal entre la nuit dominante qui continue d’augmenter, et le jour dominé qui continue de diminuer.
Croissance du pôle nocturne dominant : fonction associative moins polarisée, plus diffuse, qui s’applique à un champ beaucoup plus vaste qu’en Balance.
Lorsque, vu des latitudes nord moyennes de la Terre, la course du Soleil l’amène dans la zone de la sphère céleste qui correspond au Sagittaire, l’écart entre la nuit dominante et le jour dominé est devenu tel, qu’il n’est plus question, comme au Signe précédent, de concentration mais de diffusion de l’associativité automnale. Parce qu’à ce moment de l’année, la nuit bat ses records de durée, le champ d’application de la fonction associative bénéficie d’un élargissement considérable. Aussi le natif du Sagittaire est-il porté à dépasser les différences, incompatibilités, clivages sur lesquels le Scorpion incitait à se focaliser, au profit de ce qui relie entre eux les individus, sur les plans d’ordre collectif symbolisés par la nuit : social, culturel, économique, politique, historique, religieux et autres… Se référant à une échelle plus cosmique qu’au stade Balance, il s’intéresse d’emblée aux connexions de nature universelle qui rendent le proche indissociable du lointain, dans l’espace comme dans le temps.
Le natif de la fin de l’automne est citoyen du monde, un monde interactif qu’il a tendance à trouver trop petit, rien n’étant finalement assez vaste pour sa curiosité sans cesse en éveil et son aspiration à multiplier ses « connaissances », au sens propre comme au sens figuré. Cantatrice afro-américaine, mariée à un Suédois et vivant en Suisse, Barbara Hendricks a déclaré « Le monde est mon chez-moi ». « Ce n’est pas par hasard qu’il signera ses œuvres du pseudonyme d’Italo Svevo, d’Italien Souabe, comme pour réaliser une union inédite », a écrit sa traductrice française à propos de l’auteur de La Conscience de Zeno, dont le cosmopolitisme n’avait rien à envier à celui de l’écrivain autrichien Stefan Zweig qui tenait « … les idées nationales pour dangereuses comme toutes les limitations… ».
L’associativité maximale du Sagittaire fait mal supporter les discriminations, en particulier celles de nature raciale. Très jeune, Frank Sinatra soutenait déjà publiquement des associations antiracistes, telles que l’Association nationale pour les gens de couleur. En France, Harlem Désir, le premier président de SOS Racisme, est un Sagittaire lui aussi, tout comme Louis-Lazare Zamenhof, inventeur de l’utopique espéranto, langage qui se veut universel afin que les langues nationales ne constituent plus un obstacle au rapprochement entre les hommes. La plupart des natifs ont du reste une grande facilité à communiquer verbalement, jonglent avec davantage de mots, formulations, références, sont plus polyglottes aussi que ceux de la Balance. Excellents orateurs, jamais à court de reparties ni de sujets de conversation, ils font penser à la volubile Jane Birkin ou à Philippe Sollers au brio étourdissant.
L’adapté ne se laisse pas plus arrêter par les frontières ethniques et géographiques que par celles d’ordre culturel. « Il ne faut jamais se laisser enfermer dans un champ d’action réduit en musique, décrétait le compositeur-producteur Michel Berger après avoir rencontré Ira Gershwin, parolier et frère du compositeur George Gershwin, lui-même Balance Ascendant Sagittaire. Il faut écrire pour le cinéma, pour le théâtre, pour le ballet et même pour les orchestres philharmoniques, si l’occasion se présente. » « Je suis contre les barrières entre la culture élitiste et la culture populaire », soutient facteur-réalisateur Kenneth Branagh, né un 10 décembre.
Avec la culmination du Soleil, de Mercure et de la Lune en Sagittaire, Jacques Chirac est très représentatif du Signe. Un article de fin 1999 expliquait que le président de la République française de cette époque rêvait « … d’un monde ouvert, où circulent et se rencontrent sans frontières les savoirs, les informations, les personnes, ainsi que d’une jeunesse qui se serve de nouveaux instruments pour explorer de nouveaux territoires, pour créer, réaliser ses projets, exprimer toutes ses intelligences, inventer la fraternité ». La même aspiration à l’échange universel anime la plupart des natifs de la fin de l’automne, qui font preuve d’une plus grande ouverture et diversifient davantage encore les contacts que ceux du début de la saison. Associatifs avant tout, ils se plaisent à penser que les divergences comme les différences entre les hommes, contribuent à rendre le monde attrayant et doivent pouvoir coexister. Selon André S. Labarthe, John Cassavetes « … était un prince de la communication, qui donnait à chacun sa chance, fût-elle opposée à ses convictions [1] ».
À l’image de la nuit dont rien ne semble devoir arrêter le déploiement, l’adapté du Sagittaire est dans une dynamique d’expansion qui l’incline à étendre toujours plus loin et dans le plus grand nombre de directions possibles son rayon d’investigation et d’action, ce qui implique une grande mobilité du corps et de l’esprit. Sans être Jean Mermoz [2] qui a réussi la première liaison aérienne entre la France et l’Amérique du Sud, le natif est toujours prêt à sauter dans un avion pour aller à l’autre bout du monde établir de nouveaux contacts. « Il faut que j’aie le sentiment d’avancer ou de régresser, mais avant tout d’être en mouvement », a confié Alain Bashung qui a chanté les Grands Voyageurs. De fait, le natif du Signe ne reste entre ses quatre murs que s’il a la possibilité de voyager par l’esprit dans l’espace et dans le temps, comme Gustave Flaubert, qui bien que s’étant lancé avec enthousiasme dans deux expéditions au Moyen-Orient, tout en rêvant d’une troisième en Chine, a passé la majeure partie de sa vie dans sa campagne rouennaise [3] où il réunissait et étudiait sans relâche une faramineuse documentation historique sur les époques qui allaient servir de toile de fond à son œuvre.
L’associativité élargie porte aussi à enchaîner avec une enviable facilité des idées ou des activités différentes. « On ne grandit qu’en changeant, qu’en explorant de nouvelles voies. La répétition c’est l’ennui. Et l’ennui c’est la mort… », assure l’acteur américain Brad Pitt qui s’intéresse activement à la musique, à la photographie et à l’architecture. Nombreux sont les natifs qui aimeraient avoir plusieurs vies ou le don d’ubiquité, tant il leur est difficile de se contenter d’une seule voie ou de ne pas mettre la main à la pâte dans les divers secteurs qui relèvent ou découlent de leur activité première. Le musicien voudra souvent produire et chanter, comme Michel Berger qui a souvent déploré qu’une seule vie ne suffise pas pour accomplir tout ce qu’il avait en tête. « On a tous quelque chose en nous de Tennessee / ce désir fou de prolonger la nuit / ce désir fou de vivre une autre vie… », a-t-il écrit pour Johnny Hallyday. De même, l’acteur va passer à la réalisation comme John Cassavetes, Woody Allen ou Kenneth Branagh, et le réalisateur à la production et à la distribution comme Steven Spielberg [4]. L’homme d’affaires ambitionnera quant à lui de diversifier et multiplier au maximum ses responsabilités, à l’instar de Jean-Marie Messier.
L’adapté voit grand sur tous les plans, cumule allègrement les mandats et ne conçoit pas qu’on limite son temps de travail [5]. Dans la France du début du XXIe siècle, Ernest-Antoine Seillière, patron des patrons, a été un farouche adversaire des 35 heures qu’il considérait comme une entrave à la liberté et à la souplesse du travail. Conseillère du président Chirac lors du deuxième mandat de ce dernier, Blandine Kriegel considère que les 35 heures sont presque une atteinte aux droits de l’homme et en a parlé comme d’une « disqualification du travail par la gauche [6] ». Auteur de polars, Andréa H. Japp est, sous un autre nom, responsable à l’Inra de Jouy-en-Josas d’une équipe de vingt chercheurs sur les relations entre alimentation et cancers digestifs. Elle reconnaît travailler « 80 heures par semaine », « 20 heures par jour ». Le portrait qui lui a été consacré dans la presse, illustre parfaitement la dynamique sagittarienne. « Alors elle se lance dans des domaines qui débordent largement son cadre de recherches : écriture d’ouvrages de vulgarisation (Toxic Bouffe, Maisons toxiques) ; enseignement dans le public ou le privé ; expertises pour des organismes aussi divers que l’Assistance publique, la Nasa ou le CNES (Centre national d’études spatiales) et depuis trois ans, communication pour l’Inra. “Le chercheur, ça n’est pas tellement dans sa nature de communiquer, mais moi j’adore ça”, se justifie-t-elle [7]. »
Le Signe porte à s’impliquer dans des associations culturelles ou des organisations humanitaires à visée planétaire, ainsi qu’à ne pas dédaigner la compagnie de personnes influentes qui facilitent l’ouverture de nombreuses portes. On se souvient de l’engagement de Jane Fonda contre la guerre du Vietnam, de son mariage avec le politicien de gauche Tom Hayden engagé dans le même combat, suivi de celui avec le charismatique Ted Turner, propriétaire de CNN. Avant elle, Frank Sinatra, chanteur, acteur, réalisateur de films et propriétaire de l’hôtel Sands de Las Vegas, avait vainement œuvré pour se rapprocher du président JFK. Dans son esprit sagittarien, ses connexions avec la Mafia n’excluaient pas des relations plus honorables. Gustave Flaubert avait beau passer pour un ermite, il n’en fréquentait pas moins la cour de Napoléon III, connaissait très bien les frères Goncourt, Sainte-Beuve, Théophile Gautier, Victor Hugo, Tourgueniev, George Sand et autres grands esprits littéraires de son temps. « Je ne suis pas l’homme de la nature et je ne comprends rien aux pays qui n’ont pas d’histoire. Je donnerais tous les glaciers pour le musée du Vatican. C’est là qu’on rêve », avait-il confié à George Sand, résumant l’intérêt sagittarien pour les cultures d’époques et de pays divers. Plus près de nous, Alberto Moravia qui, dès l’âge de 16 ans, se passionnait pour les littératures étrangères, ne s’est pas contenté d’être un écrivain mondialement apprécié, il a aussi été député européen et a pris en charge un programme antinucléaire pour lequel il a mené des enquêtes au Japon, en Allemagne, en URSS, et interviewé des intellectuels, des bonzes, des militaires et des politiciens. En France, le chanteur populaire Enrico Macias, rendu célèbre par la chanson au titre évocateur d’Enfants de tous pays [8], est devenu ambassadeur de l’ONU avec pour mission de rapprocher des chefs d’État en conflit.
On trouve dans les rangs du Signe beaucoup d’hommes ou de femmes du monde dont l’art du relationnel sert des objectifs d’envergure d’où la dimension socioculturelle est rarement absente. C’est d’ailleurs ce qui distingue essentiellement le natif du Sagittaire, Signe de la nuit croissante la plus longue, de celui tout aussi multiple et polyvalent des Gémeaux, Signe du jour croissant le plus long, qui porte à être sociable sans être socialisé pour autant. « Il fait jouer avec un sens consommé de la diplomatie, ses innombrables relations dans la République internationale des Arts et des Lettres, afin que les livres circulent mieux, que les traductions se multiplient, que vivent les revues », apprend-on sur Stefan Zweig [9].
L’extraversion étant une propension à s’intéresser davantage au monde extérieur qu’au monde intérieur, à vivre sur une dimension plus horizontale que verticale, le natif du Sagittaire serait davantage un extra- qu’un introverti [10]. Les films de Steven Spielberg témoignent de cette extraversion tant par la nature que par la diversité des sujets traités. Ce sont généralement des films à grand spectacle et à gros budget. À l’inverse, Woody Allen [11] évoque davantage le type introspectif, bien que ses films restent avant tout une savoureuse caricature des travers et des conformismes de l’establishment. L’auteur de Pour en finir une bonne fois pour toutes avec la culture, ne se prive d’ailleurs pas de prendre pour cible ce qui est susceptible de dresser un mur entre les hommes, en particulier les religions. Que ce soit dans ses films ou dans ses interviews, Jean-Luc Godard [12] ne peut de son côté rien dire, rien écrire, rien tourner, sans références culturelles ou historiques, au point qu’un critique a écrit : « Sa démarche lui est dictée par son aliénation culturelle [13]. »
La Tradition représente le Signe par un centaure mi-cheval/mi-homme qui bande son arc. La partie animale souligne le besoin de mouvement, la partie humaine le besoin de communication, tandis que l’orientation de la flèche suggère Tailleurs, l’au-delà, le lointain qui aimantent irrésistiblement tous les natifs de la fin de l’automne. Philippe Sollers dit poétiquement qu’il est « … peu continental ou terrestre, et qu’être tourné de façon tout à fait spontanée vers le large, avec l’envie constante de prendre le large, est une façon d’être qui implique qu’on n’est pas d’abord dans la forêt… ». Certains natifs se réaliseront plutôt dans l’aventure physique, d’autres privilégieront la vie sociale, d’autres encore se consacreront à une forme ou une autre de transcendance, les plus doués actualiseront les trois plans.
Croissance du processus dominant : vitesse. Nuit : inhibition. Croissance de la nuit dominante : vitesse d’inhibition. Vivacité, mobilité des défenses.
En raison de la croissance de la nuit dominante, le Sagittaire, comme les deux autres Signes d’automne, favorise une défensive rapide permettant de sélectionner à bon escient les sollicitations du milieu. L’adapté repousse avec un à-propos aussi vif que subtil les risques de discordance ou d’atteinte à sa liberté. Il a beau se sentir fondamentalement un « citoyen du monde », savoir mieux que personne qu’il n’est qu’un maillon d’une chaîne gigantesque dont il dépend et qui s’insère elle-même dans un immense réseau où une infinité d’autres chaînes s’entrecroisent, évoluer avec facilité n’importe où, en n’importe quelle compagnie, il n’en est pas moins attentif à ne pas se laisser embrigader, ni entraîner là où il n’a pas envie d’aller. Tout-terrain, il évite adroitement ce qui pourrait rendre celui-ci impraticable, en repérant à temps les culs-de-sac ou les précipices. Sa solidarité, sa coopérativité de fond ne doivent en aucun cas aliéner son indépendance. « Je suis très bon enfant, jusqu’à un certain degré, jusqu’à une frontière—celle de ma liberté—qu’on ne passe pas [14] », écrivait Gustave Flaubert qui s’est toujours ingénié à échapper aux maîtresses envahissantes [15].
La socialisation maximale de la fin de l’automne offre la panoplie la plus complète des codes, formes, formules, astuces, ronds de jambe, feintes et autres artifices, dont l’homme civilisé a besoin pour écarter les gêneurs sans se les mettre à dos. Le natif s’entend à faire chatoyer l’argent de la parole et l’or du silence, en les alternant au gré du contexte et de ses multiples impératifs personnels. « Sa courtoisie suggère l’aristocratie du début du siècle dernier, a avancé une journaliste à propos de John Malkovich, si scrupuleusement étudiée, si soigneusement mimée, qu’il semble avoir fait sienne cette habitude de ne pas regarder dans les yeux [16]. » L’esquive opportune est d’autant mieux acceptée qu’elle se rabat officiellement sur des raisons indépendantes de la volonté et laisse entrevoir de meilleurs perspectives ultérieures. Quand le natif ferme sa porte, ce n’est jamais à double tour.
Chez les plus intelligents du Signe, cette facette donne vis-à-vis de la socioculture à laquelle la nuit caracolante sensibilise à l’extrême, une distance salutaire qui permet d’en être juge autant que partie [17]. C’est particulièrement flagrant chez des cinéastes dits « indépendants » comme Jean-Luc Godard, Woody Allen, John Cassavetes, dont on connaît le regard critique sur la société et sur le système dont ils participent. « En cette période de communication de masse, de communication instantanée, il n’y a plus de communication. On montre de plus en plus, mais on voit de moins en moins », déplorait John Cassavetes. « C’est parce qu’on communique trop, qu’on ne communique pas assez », a répété Godard en diverses occasions. Si par sa première facette, l’adapté semble ouvert à tout, par sa seconde il est bien plus critique et sélectif qu’il n’en donne l’air.
L’un des points forts de l’adapté est de pouvoir rapidement réviser son point de vue, modifier sa tactique, ne pas s’entêter dans une voie qui n’avance pas ou qui suscite trop d’hostilité, corriger le tir en faisant les concessions dictées par la conjoncture. « Il faut comprendre, exposait Steven Spielberg à James Lipton et aux élèves de l’Actors Studio dans l’émission du même nom, que souvent les compromis sont pour le mieux. C’est parfois ce que vous avez à faire de mieux pour le film. Quand vous avez un grand rêve, que vous abattez tous les obstacles, que rien ne vous arrête, vous devenez rigide, parce que vous ne voyez que ça. Vous oubliez les milliers de détails auxquels il faut penser sans arrêt en tournage pour prendre des décisions. Parfois, il vaut mieux y aller tranquille et si un truc ne marche pas, en y réfléchissant à deux fois, on peut gagner au change. Je chéris le deuxième train de pensées. Il donne souvent les meilleures idées. »
Écart maximal entre la durée de la nuit dominante et celle du jour dominé : esprit de synthèse. Sur fond d’associativité et de sensibilisation socioculturelle : synthèses ouvertes mais référencées…
C’est la durée de l’écart entre la nuit dominante et croissante et celle du jour dominé et décroissant qui distingue les trois Signes d’automne. Au début de la saison, l’écart est minimal, un pôle domine l’autre, mais de si peu, que l’associativité Balance intègre les contraires en tant que dualités qui se comparent et se complètent. Avec l’écart devenu moyen, un pôle domine nettement l’autre et la concentration Scorpion de l’associativité incite à tenir compte des rapports de pouvoir et à repérer les points précis où convergent les intérêts de chacune des parties. L’écart devenu maximal au Sagittaire élargit l’associativité au point qu’il n’y a plus ni contraires, ni rapports de force, mais juste une vision panoramique qui cherche et trouve ce qui donne son homogénéité à une discontinuité, son unité à une pluralité, sa cohérence à une diversité.
Intellectuellement, l’adapté troisième facette perçoit et raisonne en termes de « tout », bien plus qu’en termes de « parties ». Son sens des ensembles l’attire d’abord vers le général, et ne le pousse à se pencher sur le particulier que dans la mesure où celui-ci est significatif de la globalité dont il procède. La forêt que cache l’arbre intéresse davantage que l’arbre lui-même et il fallait un natif du Signe, l’astrophysicien Hubert Reeves, pour considérer l’être humain comme une « poussière d’étoiles [18] ». L’esprit sagittarien de synthèse cherche à reconstituer la perspective pluridimensionnelle dans laquelle il lui faut situer tout élément singulier. Cela suppose d’examiner les choses d’assez loin. L’anthropologue Claude Lévi-Strauss [19] qui a, entre autres, écrit Le Regard éloigné, était un adepte du « structuralisme », « courant de pensée visant à privilégier d’une part la totalité par rapport à l’individu, d’autre part la synchronicité des faits plutôt que leur évolution, et enfin les relations qui unissent les faits, plutôt que les faits eux-mêmes dans leur caractère hétérogène et parcellaire [20] ».
« Faire un roman en péplums dans lequel on essaie de faire passer tout le christianisme, c’est une ambition démesurée », admet le très cultivé Michel Tournier [21] qui « … a cherché à faire passer Platon, Aristote, Spinoza et Kant dans des histoires et des contes… ». « Jean m’apportait des feuilles et des feuilles de textes, dans lesquelles je reconstituais mon puzzle, révèle Alain Bashung à propos de sa collaboration avec son parolier attitré. J’entrechoquais des mots, des phrases qui n’avaient a priori rien à voir entre elles et ça donnait des paroles surprenantes qui fonctionnaient très bien, mais qu’aucun de nous deux n’avait envisagées au départ [22]. » Sa première facette incitait le natif à jeter ses filets aussi loin que possible dans l’espace et dans le temps. Avec l’apport de la sélectivité de la deuxième, sa troisième lui fait regrouper les produits divers et variés de sa pêche en un ensemble où tout se tient, mais qu’il est toujours possible de modifier et d’agrandir. Les synthèses sagittariennes restent aussi ouvertes que celles des Gémeaux, mais s’en distinguent par leur coloration socioculturelle marquée.
L’Union européenne est une synthèse à la mesure du sens des ensembles de la fin de l’automne. En 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Winston Churchill rêvait d’ores et déjà que les ennemis d’hier deviennent les alliés de demain. « Si les pays européens parvenaient à s’unir, affirmait-il, leurs 300 à 400 millions d’habitants connaîtraient, par le fruit d’un commun héritage, une prospérité, une gloire, un bonheur qu’aucune borne, qu’aucune frontière ne limiterait. Il nous faut ériger quelque chose comme les États-Unis d’Europe. Le premier pas à accomplir est la constitution d’un Conseil européen. »
De nombreux écrivains ou cinéastes du Signe se sont attachés à reconstituer une époque, témoigner d’une société, d’un monde, du monde, tel Alexandre Soljénitsyne qui aura lutté toute sa vie en faveur de la démocratie et dont l’œuvre « … jette sur l’histoire de la Russie un éclairage éblouissant [23] ». Gustave Flaubert a inventé « la figure moderne de l’écrivain-chercheur… », lit-on dans un article qui lui est consacré. Et l’auteur de l’article de poursuivre : « Salammbô est la première étape d’un itinéraire où la quête des savoirs n’a cessé de s’élargir à de nouveaux champs d’investigation : penser le politique avec L’Éducation sentimentale, et pour cela relire tous les journaux de 1847–1850, tous les témoignages historiques… replonger dans l’histoire des religions pour exposer les croyances avec La Tentation, puis, sur un autre mode, avec Trois contes, et enfin, avec Bouvard et Pécuchet, penser la pensée elle-même, ses processus et ses errances, ses ambitions encyclopédiques et ses limites logiques, en dépouillant pour y parvenir plus de deux mille volumes [24]. » Comment ne pas faire un parallèle avec ce que Dominique Rolin a écrit sur Philippe Sollers, surnommé Jim pour la circonstance : « Sous la coupole du palais-cerveau sont regroupés avec un soin fantastique les grands livres de l’histoire du monde. Jim s’en sert depuis l’adolescence, romans, essais, poèmes, théâtre dont il connaît l’essentiel par cœur : il les a lus et relus si souvent que les reliures et les pages sont rognées d’usure, il les a annotés, il continue à en tirer de nouveaux passages qui lui serviront tôt ou tard. Une autre galerie contient les chefs-d’œuvre de la peinture, de la sculpture, de l’architecture, et l’étrangeté de ce monument de la science mathématique, pure expression de la beauté, tient au fait que tout se tient, se mêle, se confond, s’amalgame au point d’atteindre un seul feu, celui de la création qui n’a jamais cessé de naître, et qui poursuivra sa quête longtemps encore : les livres écrits par Jim y sont consignés bien entendu [25]. »
Qu’il soit ou non musicien, l’intellect sagittarien est doué pour « orchestrer », c’est même son réflexe majeur. Le commentaire d’un mélomane anonyme à propos de Beethoven, l’un des compositeurs les plus représentatifs du Signe par la diversité de son inspiration, l’ampleur et la prolificité de son œuvre, est un parfait résumé de l’esprit de synthèse de haut niveau que favorise cette facette. « Beethoven pouvait à partir de chaque note, chaque phrase ou passage, nous amener vers la suivante et la suivante pour, à la phase ultime, former un tout unifié, créer tout un univers où l’individu se sente transcendé…, écrit cet amateur éclairé. Au cours des cinq derniers siècles, nul n’a pu aussi bien que lui maîtriser l’architecture musicale à grand déploiement [26]. »
Forts de la conviction qu’on est tous dans le même bateau et que l’union fait la force, certains natifs ont la faculté de réunir leurs contemporains autour d’un thème ou d’un objectif fédérateurs. En raison de l’associativité maximale qui caractérise le Signe, la conception sagittarienne du monde est en elle-même fédératrice. Lors des élections présidentielles de 2002, la mise en péril de la démocratie française a amené à Jacques Chirac les voix de la droite comme de la gauche. Au regard de l’astrologie moderne, il n’est pas anodin que cette unanimité forcée soit allée à un natif du Sagittaire, Signe le plus rassembleur du zodiaque.
Qu’il soit ethnique ou culturel, le métissage est toujours privilégié par le natif de la fin de l’automne. « Tes rêves sont toujours trop clairs ou trop noirs / alors viens faire toi-même le mélange des couleurs… », chante Francis Cabrel. « Il faut participer à ce brassage qui abolit les styles et autorise toutes les expériences », préconisait Michel Berger qui au début des sixties rêvait de marier le rock’n roll avec le piano classique et a imposé ainsi un style très personnel. « Chez moi, les racines musicales n’étaient pas claires et je me disais que plutôt que de se caler derrière les étalons or de chaque style — Dylan, Lennon, Hendrix ou James Brown —, je n’avais pas d’autre solution que le métissage… », raconte Bashung à propos de ses débuts [27]. « Le métissage est un plus », a proclamé l’homme d’affaires Jean-Marie Messier — Sagittaire Ascendant Sagittaire —, qui en faisant fusionner des sociétés aussi différentes que Vivendi, Havas, Universal, Seagram, etc. s’est avéré pendant quelque temps le champion français de la mondialisation, autre vaste synthèse s’il en est, à la mesure de la capacité de l’adapté du Signe à dépasser les clivages, voir grand et opérer des regroupements d’envergure.
« Ceux qui survivent, affirme Steven Spielberg, sont ceux qui apprennent à s’unir, en eux-mêmes d’abord, aux autres et à la nature ensuite. » La première et dernière synthèse à laquelle devrait tendre chaque être humain, est contenue tout entière dans le symbole par lequel la Tradition représente le dernier signe d’automne. Il s’agit d’unir le cavalier et son cheval, autrement dit de maîtriser — sans les refouler — les pulsions animales grâce à la conscience, pour mieux accéder aux hauteurs que suggère la flèche qu’envoie le centaure vers le ciel.
Décroissance du jour maximal du Cancer : instinct d’autoprotection, sens des limites à ne pas dépasser. Décroissance du jour minimal du Sagittaire : carence de l’instinct d’autoprotection et du sens des limites.
Les tendances qui favorisent l’inadaptation sagittarienne reposent sur une déficience de ce qui constitue la force tant du Capricorne, le Signe suivant, que du Cancer, le Signe inverse. Il manque au natif de la fin de l’automne dans ses mauvais jours, l’aptitude capricornienne à s’abstraire du monde extérieur, à se « débrancher » comme à se « verticaliser » ainsi que l’instinct cancérien d’autoprotection qui incite à trouver refuge et se ressourcer dans le cercle paisible de l’intimité. La première facette de ce profil fait considérer comme limitatif et rédhibitoire tout ce qui assied, installe et enracine : les encadrements, les normes, les appartenances… Contrairement au natif du Cancer, celui du Sagittaire redoute d’être l’otage des traditions familiales, dont Woody Allen a fait remarquer qu’elles ne servent qu’à maintenir l’« illusion de la permanence », tout en signalant que l’institution du mariage date d’une époque où l’espérance de vie ne dépassait pas l’âge de trente ans.
Quel que soit son degré d’adaptation, le natif n’arrive pas à goûter longtemps aux joies du foyer. Indifférent aux soucis domestiques, il perçoit le confort douillet du « home sweet home » comme un confinement qui bloque le dynamisme et empêche le renouvellement sur tous les plans. « Le quotidien ne m’intéresse pas, reconnaissait Michel Berger. Les maisons, la cuisine, les objets sont des domaines qui ne me concernent pas… Je ne supporte pas de perdre une seconde pour choisir une moquette ou entrer dans un magasin… » « Il y a des bonheurs bien tempérés qui sont plus exaspérants que le malheur. (…) La satiété ne tourmente pas moins que la faim, et cette existence protégée, dépourvue de risques, lui donnait des envies d’aventure », trouve-t-on sous la plume de Stefan Zweig.
« Ce n’est pas seulement à la paresse, que les rapports d’homme à homme doivent d’être indiciblement monotones, de se reproduire sans nouveauté, a dénoncé Rainer Maria Rilke que Stefan Zweig vénérait, c’est à l’appréhension par l’homme d’un nouveau dont il ne peut prévoir l’issue et qu’il ne se sent pas de taille à affronter. » Certains natifs se croient précisément de taille à tout affronter et répondent à l’appel de l’inconnu que symbolise la nuit, sans se munir de la moindre ceinture de sécurité. « Je ne cherche pas le port, écrivait Gustave Flaubert à l’un de ses amis, mais la haute mer. Si j’y fais naufrage, je te dispense du deuil. » Plus encore que l’inadapté de la Balance, celui du Sagittaire se complaît dans le déracinement. « Il a passé sa vie, a écrit Leila Shahid [28] à propos de son ami Jean Genet, à la tisser à travers des continents, des peuples, des cultures, des langues. Un va-et-vient incessant qui détruisait espace et temps… »
On a parlé pour Jean-Marie Messier d’… expansion sans frein, d’internationalisation folle et d’appétit de Gargantua… », autant de comportements propres à cette facette et qui allaient entraîner la chute de l’homme d’affaires. « En trois ans, précise un journaliste, il dépense près de cent milliards de dollars pour faire son marché en Europe et aux États-Unis. » Lancé dans une course folle, l’inadapté va où sa soif inextinguible de découvertes et d’expansion le mène, toujours plus haut, toujours plus loin, comme s’il était éternel et disposait de forces et de moyens illimités. Jamais rassasié ni à bout de fatigue, il brûle sa vie par tous les bouts. « J’avais 18 ans de moins qu’elle, a révélé Georges Moustaki [29] à propos d’Édith Piaf, mais je suis parti au bout d’un an parce qu’elle m’épuisait. Elle n’avait pas d’horaires, déployait une activité incessante avec une passion constante. »
La patience, la prudence, la stabilité et l’instinct de conservation qui font la force de l’adapté du Cancer, sont carencés chez bien des natifs. L’accident d’avion qui a coûté la vie à John Kennedy Jr, à sa femme et à sa belle-sœur, en est la tragique illustration. Sans doute consciente des défauts de son fils, sa mère lui avait interdit de piloter, et ses propres cousins s’étaient juré de ne jamais monter dans son avion. Le jour de l’accident, J. K. Junior avait obtenu d’un médecin peu consciencieux que le plâtre qu’il avait au pied soit prématurément ôté. Plus grave encore, il avait refusé d’avoir un copilote alors qu’il n’avait pas les brevets requis pour piloter seul [30]. L’inadapté ne se conçoit au fond que projeté dans une forme ou une autre de démesure par laquelle il se laisse aspirer, à l’image du jour de plus en plus happé par la nuit. « Tout me happe… », chante Alain Bashung, dont le dernier album s’intitule L’Imprudence et dont les collaborateurs lui savent gré de toujours les mettre en danger.
Jour dominant mais qui commence à décroître du Cancer : lenteur d’excitation adaptée. Jour minimal et décroissant du Sagittaire : lenteur d’excitation inadaptée.
La diminution du jour dominant va de pair au Cancer avec ce que l’astrologie moderne appelle la lenteur d’excitation adaptée qui se traduit par le besoin de prendre son temps avant de passer à l’action et par l’aptitude à progresser de façon programmée, tranquille et sûre vers son but. La diminution du jour très réduit du Sagittaire se traduit par une lenteur d’excitation inadaptée. Certains natifs persistent dans des entreprises que l’occultation des limitations tant personnelles qu’extérieures, voue d’avance à de sérieux déboires. Les avertissements leur indiquant clairement qu’ils font fausse route ont beau se multiplier, ils ne lâchent pas prise.
Bien qu’il s’agisse d’une fiction, celle des personnages de Bouvard et Pécuchet, sortis du foisonnant cerveau de Gustave Flaubert, illustre assez bien cette deuxième facette. Bouvard et Pécuchet se lancent avec l’enthousiasme, la curiosité et l’appétit insatiables du Signe de l’auteur, dans tous les grands domaines que la société de l’époque leur offre, ce qui va de l’agriculture moderne à la religion, du spiritisme à l’élévation des masses ignorantes par la pédagogie, en passant par l’amour. Malgré les échecs cuisants qui couronnent chacune des opérations qu’ils mènent avec beaucoup de sérieux pourtant, y compris le ratage de leur tentative de suicide lors d’une brève crise de découragement, ils repartent chaque fois de plus belle dans d’autres projets à visée universaliste, sans s’appesantir sur le fait que leur manque de recul et de freins les condamne d’avance à de nouveaux fiascos.
Pas assez de jour décroissant et trop de nuit croissante. Phase ultraparadoxale : confusion des contraires et des extrêmes…
L’écart maximal entre la nuit dominante et le jour dominé donne à l’adapté du Sagittaire le sens des synthèses qui bien qu’ambitieuses restent cohérentes. Sur fond d’ignorance ou de refus persistants des limites, la disproportion du rapport jour/nuit prédispose l’inadapté à ne pas faire suffisamment le distinguo entre ce qu’il est possible ou non d’intégrer dans une vision ou une opération d’ensemble.
Dans ses moments de faiblesse, le natif jongle avec des idées ou des options qui s’excluent, adopte simultanément ou alternativement des positions sans lien évident entre elles, si bien que personne ne sait sur quel pied danser, lui moins que quiconque. Une relation de Jacques Chirac l’a décrit « idéologiquement multiforme » et ses ennemis lui reprochent de jouer tous les projets politiques en même temps, parce qu’il n’en a aucun. « Winston a cent idées par jour ; dont trois ou quatre sont bonnes, le malheur, c’est qu’il ne sait pas lesquelles », avait ironisé Franklin Roosevelt à propos du cerveau en perpétuelle ébullition de Winston Churchill. « Tout choix est un suicide », assurait André Gide. « Toutes les voies sont bonnes, pensait Eugène Ionesco. (…) Il faut n’en choisir qu’une. Moi je les choisis toutes, mais comme je ne peux les suivre toutes à la fois, je n’en adopte qu’une, bien sûr pour deux minutes, puis je change d’avis, je choisis l’autre, puis je choisis la troisième et ainsi de suite. Alors, je suis bien embarrassé [31]… » « Le problème qui m’a toujours préoccupé mais que je ne me pose pas pendant le tournage, c’est : pourquoi faire un plan plutôt qu’un autre ? » a confié Godard. « Après s’être rasé la tête, avoir déchiré la photo de Jean-Paul II en direct à la télévision en 1992, rejoint un ordre catholique traditionaliste et récemment avoué qu’elle était lesbienne, la chanteuse irlandaise dit avoir retrouvé “foi et courage” et se consacrer de plus en plus à l’éducation de son fils de 13 ans et de sa fille de 4 ans », lit-on au sujet de la chanteuse irlandaise Sinéad O’Connor, dont l’existence décousue illustre le méli-mélo sagittarien.
Dans leur aspiration à tout embrasser, l’inaptitude ou la réticence de certains natifs à différencier, hiérarchiser, trier, exclure, débouche sur d’invraisemblables magmas. L’inadapté troisième facette est le spécialiste des melting-pots sans queue ni tête, qui n’ont rien à envier à ceux des Gémeaux ou du Cancer, avec la différence que la surabondance des références culturelles, historiques, politiques et autres, les rend plus pédants et plus difficiles à démystifier par ceux qu’un tel jargon impressionne. « J’aurais pu coller aux Rois mages des mobylettes ou de la musique pop », rêve Michel Tournier [32]. Philippe Sollers ne se contente pas de rêver à des mixtures abracadabrantes, il les effectue. Il passe par exemple dans une même page de Baudelaire à Bacon, de Velázquez à Picasso, de saint Augustin à Jean-Paul II, etc. [33], au point que le lecteur moins agile que lui est aussi vite désorienté qu’excédé. « Ce que je voudrais, a expliqué Jean-Luc Godard dont le moins qu’on puisse dire est que ses films sont souvent difficiles à suivre, eux aussi, c’est qu’aux gens d’IBM, je puisse dire : voilà, j’ai un bouquin de Françoise Dolto sur la religion et la psychanalyse, j’ai deux personnages, Joseph et Marie, j’ai trois cantates de Bach, un bouquin de Heidegger, faites-moi un programme qui m’arrange tout cela. » Après que Jean-Marie Messier eut effrayé les actionnaires et déboussolé les analystes par le mélange détonant résultant de la transformation « … d’une vénérable compagnie chargée de la distribution de l’eau en un conglomérat planétaire spécialisé dans la gestion des déchets et de l’eau, les télécommunications et les médias… », on lui a reproché son amalgame entre la culture et les affaires, ainsi que sa tendance à trop mélanger les rôles, en particulier à confondre « … dans un fou artistique permanent les métiers de la communication et le job de communicateur [34] ». Dans le registre de d’inadaptation, le natif du Sagittaire est le roi de la confusion des extrêmes et des collages aléatoires qui en sont l’expression.
Soit dit en passant, la tendance à accoler des mots, des concepts ou des réalités sans aucun rapport les uns avec les autres, peut être une mine inépuisable de cocasserie pour les personnalités du Signe dotées du sens de l’humour. « Il ne fait aucun doute qu’il existe un monde invisible, écrit Woody Allen. Cependant, il est permis de se demander à quelle distance il se trouve du centre-ville et jusqu’à quelle heure il est ouvert. » « Le yaourt est excellent pour l’estomac, les reins, l’appendicite et l’apothéose », lit-on dans La Cantatrice chauve d’Eugène Ionesco, qui s’est montré aussi doué que Woody Allen à un jeu dont l’effet de surprise et d’hilarité est garanti.
La disproportion du rapport jour/nuit en défaveur du jour ne facilite guère une conscience très définie de soi-même. Alors que sous l’emprise du jour maximal, le natif des Gémeaux croit que tout le monde est comme lui, sous celle de la nuit maximale, celui du Sagittaire a le sentiment d’être comme tout le monde. Le premier a une conscience d’autant moins précise de ce que la société fait de lui et en attend, que c’est là le cadet de ses soucis. Le second, en revanche, a tendance à penser que l’individu est le produit de son environnement social ou que les intérêts de ce dernier sont aussi les siens. Les personnalités faibles du Signe s’avèrent des stéréotypes encore plus caricaturaux que ceux du début de l’automne, de la culture ou de la contre-culture dominantes. Woody Allen a illustré avec beaucoup d’originalité la difficulté inhérente à cette facette à se définir et à se démarquer du conformisme ambiant, d’abord avec Zelig dont la morphologie change au gré des variations du milieu social, ensuite avec l’acteur de Harry dans tous ses états devenu physiquement flou. La perception que Gustave Flaubert avait de lui-même aide à comprendre autrement la problématique identitaire du Sagittaire : « Il me semble que j’ai toujours existé, a-t-il rapporté. Et je possède des souvenirs qui remontent aux Pharaons. Je me vois à différents âges de l’histoire, très nettement, exerçant des métiers différents et dans des fortunes multiples. Mon individu actuel est le résultat de mes individualités disparues [35]… » Laissons le dernier mot à Jean-Luc Godard : « Tout à coup vous vous apercevez que “je” est un autre, constate-t-il tristement. Alors si Je est un autre, qui est Je ? Et qui est cet autre ? On n’en sort pas tout de suite, il faut passer à autre chose [36]. »
[1] André S. Labarthe, « John Cassavetes », Cahiers du cinéma.
[2] Cancer Ascendant Vierge, Saint-Exupéry avait l’axe Gémeaux-Sagittaire très valorisé. Georges Guynemer, autre célèbre pionnier de l’aviation, était un Sagittaire.
[3] À la naissance de Flaubert, la Lune se situait dans le Signe casanier du Cancer.
[4] Cette remarque pourrait s’appliquer à Stanley Kubrick ou Luc Besson, deux Lions qui, comme Spielberg, avaient également le Bélier et le Sagittaire occupés à la naissance.
[5] Les 35 heures ont été imposées sous le gouvernement d’un Premier ministre, Lionel Jospin, né sous le Signe du Cancer qui sensibilise justement aux limites à ne pas dépasser. Elles ont été assouplies sous la présidence et à l’instigation de Jacques Chirac, né sous le Sagittaire. Pour l’astrologie moderne, le Cancer est le Signe inverse du Sagittaire.
[6] Pascal Nivelle, Libération, novembre 2002.
[7] Sandrine Cabut, Libération, juin 2001.
[8] Enrico Macias, Sagittaire Ascendant Cancer. (Le Cancer sensibilise au monde de l’enfance.)
[9] Gérard Rudent et Brigitte Vergne-Cain, Magazine littéraire.
[10] S’intéresser davantage au monde intérieur qu’extérieur, ou vice versa, ne va pas forcément de pair avec la retenue ou l’expansivité. Certains extravertis sont timides et réservés, certains introvertis n’ont pas de difficulté à s’extérioriser à partir du moment où ils se trouvent en milieu porteur.
[11] La Vierge comme Signe ascendant et Saturne dans les dominantes — c’est le cas de Woody Allen — portent davantage à l’analyse introspective que le Signe du Sagittaire.
[12] À la naissance de Jean-Luc Godard, tous les Signes d’automne étaient occupés, mais l’axe Cancer-Capricorne de grande fermeture était également valorisé. Noter la nette dominante solsticiale.
[13] Roger Boussinot, Encyclopédie du cinéma, Bordas.
[14] Le Sagittaire fait éviter ce qui limite l’indépendance, le Cancer ce qui menace la sécurité et le confort.
[15] Henri Troyat, Gustave Flaubert, Flammarion.
[16] Judith Perrignon, Libération, octobre 2002.
[17] Ce sont les autres dominantes planétaires ou zodiacales qui favorisent ou non la distance critique, ainsi bien sûr que le degré d’intelligence sur lequel l’astrologie n’informe pas.
[18] Hubert Reeves, astrophysicien canadien et auteur de Poussière d’étoiles, est Cancer Ascendant Sagittaire.
[19] Claude Lévi-Strauss, Soleil Sagittaire et les trois autres Signes de solstice occupés. Ascendant Vierge.
[20] Définition du Dictionnaire Larousse.
[21] Interview de Gilles Lapouge publiée dans Écrire, lire et en parler, de Bernard Pivot, Robert Laffont.
[22] Interview de Marc Besse, Les Inrockuptibles, octobre 2002.
[23] Commentaire d’Henri Troyat, lui-même d’origine russe.
[24] Pierre Marc de Biaisi, Magazine littéraire, septembre 2001.
[25] Dominique Rolin, Journal amoureux, Gallimard.
[26] Beethoven était né non seulement avec le Soleil, la Lune et Mercure en Sagittaire, mais trois planètes en Capricorne et une en Gémeaux, autrement dit sous une dominante solsticiale très accusée.
[27] Interview de Pascal Bertini, Les Inrockuptibles, juillet 1990.
[28] Leila Shahid, connue en tant que porte-parole en France de Yasser Arafat, a bien connu Jean Genet qui s’est intéressé de près aux souffrances du peuple palestinien.
[29] Auteur-compositeur-interprète, Georges Moustaki est né sous le Signe du Taureau qui incite à prendre le temps de profiter des joies simples de la vie, de la beauté de la nature surtout, ainsi qu’à doser effort et récupération.
[30] La faiblesse dans le ciel natal de J. K. Jr des planètes Mars, Jupiter et Saturne, qui favorisent la maîtrise des réalités concrètes, était un facteur aggravant.
[31] Eugène Ionesco : Sagittaire Ascendant Sagittaire.
[32] Interview de Gilles Lapouge, Écrire, lire et en parler, Bernard Pivot, Robert Laffont.
[33] Philippe Sollers, La Divine Comédie, Desdée de Brouwer. Philippe Sollers : Soleil, Mercure et Jupiter en Sagittaire, Lune en Gémeaux.
[34] Alain Jennotte.
[35] Henri Troyat, Gustave Flaubert, Flammarion.
[36] Jean-Luc Godard a la Balance comme Signe Ascendant, ce qui aggrave d’autant la problématique identitaire à laquelle prédispose le Sagittaire.