“C’est un aquoiboniste, Un faiseur de plaisantristes, Qui dit toujours à quoi bon, À quoi bon, Un aquoiboniste, Un modeste guitariste Qui n’est jamais dans le ton, À quoi bon, Un aquoiboniste Un peu trop idéaliste Qui répèt’ sur tous les tons À quoi bon, Un aquoiboniste, Un drôl’ de je m’enfoutiste Qui dit à tort à raison À quoi bon. Un aquoiboniste Qui s’fout de tout et persiste À dire j’veux bien mais au fond À quoi bon, Un aquoiboniste Qu’a pas besoin d’oculiste Pour voir la merde du monde, À quoi bon, Un aquoiboniste Qui me dit le regard triste, Toi je t’aime, les autres ce sont Tous des cons” (L’Aquoiboniste, texte de Serge Gainsbourg chanté par Jane birkin).
Ce micro-portrait ne fait qu’esquisser une interprétation très simplifiée des configurations zodiaco-planétaires dominantes et de la planète la plus faible de ce Thème natal. Excluant par exemple l’interprétation des Aspects, cette étude succincte ne saurait remplacer une véritable analyse approfondie, mais elle en ouvre quelques-unes des pistes principales.
La configuration dominante du Thème natal de Serge Gainsbourg est une conjonction Vénus-Mercure en Poissons conjointe à Soleil-Jupiter-Uranus en Bélier au carré de Saturne en Sagittaire et opposée à la Lune en Vierge. Pluton en Cancer est la planète la plus faible.
Ses réponses aux questions devraient donc refléter les pôles hyper-dominants de sa personnalité :
▶ Vos qualités : vous avez une extrême aptitude à vous détacher de ce qui ne vous intéresse pas, ne vous séduit pas, ne suscite pas votre curiosité spontanée. Ouvert, sociable, disponible et communicatif pour peu que vous vous sentiez reconnu, vous faites obstinément la sourde oreille à l’égard de ceux qui ne vous disent rien d’emblée. Ludique, charmeur et décontracté, vous savez à merveille vous faire accepter par les interlocuteurs les plus variés et vous insinuer avec brio dans les milieux les plus différents grâce à l’indifférence courtoise et souriante dont vous faites preuve avec les étrangers et grâce à votre contact facile et détendu, à votre grande capacité d’écoute et d’adaptation paisible dès que vous vous sentez réellement concerné.
▶ Vos défauts : dans vos moments d’inadaptation, votre sociabilité détendue est bien souvent l’expression d’une profonde passivité qui vous incite à beaucoup trop attendre des autres, une manière de fuir sournoisement les dures réalités de l’existence, de démissionner de tout esprit de conquête. Dès que vous ne vous sentez pas attendu, admis, reconnu, vous devenez soudainement muet comme une carpe, en proie à un sentiment d’incommunicabilité d’autant plus douloureux qu’au fond, vous avez quand même le contact facile. Vous avez trop tendance à vous intéresser à n’importe quoi, à vous enthousiasmer de tout et de rien, à vous laisser séduire et entraîner par des êtres, choses ou situation qui au fond vous indiffèrent rapidement.
▶ Vos qualités : doté d’une grande force de caractère et mû par d’inattaquables certitudes que vous imposez avec conviction, vous savez ce que vous voulez et possédez au plus haut point l’art de faire des choix tranchés, impératifs, définitifs. Dynamique et exigeant avec vous-même et avec les autres, vous exercez votre autorité entraînante sans faiblir. D’une manière ou d’une autre, il vous faut imposer votre griffe sur les êtres et les choses, les marquer du sceau de votre personnalité puissante et entière, de vos ambitions ouvertes. Votre goût des projets fortement structurés, des organisations strictement hiérarchisées ne vous empêche pas quand il le faut de prendre des décisions-éclair dans l’urgence du moment.
▶ Vos défauts : vous risquez d’être la victime de votre autoritarisme agressif, de vos prises de positions trop souvent extrémistes, sans aucune nuance. Votre tempérament entier et intransigeant font qu’avec vous ça passe ou ça casse, “c’est comme ça et pas autrement” : il n’y a pas de demi-mesures, de diplomatie ni de concessions possibles. Pétrifié dans vos principes et certitudes que vous voudriez définitives, vous vous murez dans des systèmes de défense inertes dès qu’il vous faudrait se remettre en question, accepter souplement de reconnaître que vous faites fausse route, reconnaître qu’il est des situations contraires auxquelles il est vain d’opposer votre volonté impérieuse et intolérante.
Inversement, les réponses de Serge Gainsbourg aux questions devraient montrer qu’il ne correspond pas du tout au portrait suivant :
Vous êtes en contact direct avec la profonde complexité des êtres, des choses et situations. Mystérieux et multiple, insaisissable et énigmatique, ambivalent et inclassable, vous cultivez vos mystères, vos obscurs jardins secrets, arpente vos labyrinthes intérieurs, et préservez jalousement votre inviolable part d’ombre. Distant, froid, impénétrable, vous vous efforcez de garder votre esprit vide de toute certitude, votre cœur libre de tout attachement et de ne vous faire d’illusions sur rien ni sur personne. Votre subtilité est profonde, votre lucidité décapante, vos intuitions pénétrantes ; vous êtes doué pour peser silencieusement et insidieusement sur le cours des choses, et, vierge de tout a priori, vous vous réservez la possibilité d’imaginer tous les scénarios possibles pour cheminer dans la vie, non par opportunisme, mais parce que vous savez que rien n’est permanent. Discrètement dominateur, farouchement indépendant, ce n’est pas la volonté ni le désir qui vous animent mais une sourde, muette et profonde nécessité interne vous entraînant vers un avenir inconnu.
Vous êtes un sceptique intégral. Vous ne croyez en rien et n’êtes même pas sûr de ne croire en rien. Rien ou presque ne trouve grâce à votre esprit inquisiteur et soupçonneux qui est toujours persuadé qu’il lui faut découvrir la dimension cachée des êtres et des choses, les ressorts occultes des situations. Critique impitoyable, vous percevez avec acuité là où le bât blesse, là où toute explication ne veut plus rien dire, vous désacralisez, démystifiez, faites tomber les masques et voiles qui dissimulent la réalité profonde, indifférent à ce qu’une telle démarche peut avoir d’insupportable, d’angoissant et d’inquiétant pour l’esprit humain avide de certitudes et de faux-semblants rassurants, à moins que vous ne vous muriez dans un silence d’une insondable densité pour souligner à quel point vous n’adhérez à rien. D’une infinie patience, vous prenez vos distances vis-à-vis de tout, relativisez tout, dédramatisez tout, vos réussites comme vos échecs : pour votre conscience axée sur le très long terme, ce ne sont là que tribulations sur un parcours à l’issue lointaine et inconnue.
Françoise Hardy : Le Bélier, votre Signe solaire, a beaucoup de mal à couper le contact avec le monde extérieur, alors que les Poissons, votre signe Ascendant, auraient plutôt du mal à l’établir.
Serge Gainsbourg : …
Vous dites que la façon dont vous écrivez — je ne parle pas de votre style mais de la façon dont vous formez vos lettres — n’est absolument pas spontanée, or le Bélier est justement spontanéité pure…
Je n’ai pas envie de me battre en duel avec mon Ascendant. Ce serait sans merci. Ce n’est pas possible. Axons-nous plutôt sur le Bélier que sur les Poissons…
Le Bélier est donc un Signe qui porte à vivre au présent, à brûler son énergie, à être entièrement dans ce qu’on éprouve, dans ce qu’on fait. On peut schématiser son attitude par : “Ici et maintenant” ou “Tout, tout de suite”…
(Plaisantant) C’est Bélier… C’est reggae…
À l’inverse, les Poissons, par une faculté innée de détachement vis-à-vis de la vie en général et de leur vie en particulier, ont tout leur temps : “Pourquoi faire aujourd’hui ce qu’on peut aussi bien faire demain”, ont-ils tendance à penser…
Ça c’est inadmissible ! Ou alors votre formulation est mauvaise… il y a là quelque chose de… “méridional” que je ne peux pas accepter… Oublions “méridional”. Quelque chose de… disons de langoureux que je déteste. Si je peux baiser aujourd’hui, je ne baiserai pas demain !
Il y a une indécision chez les Poissons qui porte à remettre les choses à plus tard…
Indécision, j’accepte. Voilà. J’accepte cette autre proposition. Remettre les choses… à la limite des convenances… (Riant) Pas dégueulasse…
Pour que l’on tombe sur des formulations qui vous conviennent, je vais devoir vous dire les mêmes choses de façon différente. En voici une, empruntée à Thierry le Luron, né, comme vous, sous le signe du Bélier, qui illustre parfaitement ce signe : “Vivre la nuit, c’est vouloir vivre plus intensément, c’est grignoter des minutes éveillées sur la petite mort du sommeil, tenter d’avoir des journées de vingt quatre heures, pousser la machine à son maximum.”
C’est d’une platitude !
Il s’agit d’essayer de cerner un comportement, des attitudes…
Lui cerne ses yeux et moi je cerne… Qu’est-ce que je vais cerner ? Un comportement ? Des attitudes ?
Reconnaissez-vous comme vôtre, ce besoin Bélier de vivre vite et dangereusement ?
Oui d’accord, mais ne prenons pas de références comme ça…
Elles servent à illustrer concrètement ce que je vous dis…
Je déteste les bouquins illustrés. Je déteste les illustrations. Je préfère que les suggestions visuelles viennent de ma propre volonté, de mon propre gré.
Besoin de vivre vite, dangereusement, irretenue, manque de freins… Voilà des traits Bélier…
On peut même rouler sur la jante… Je suis conscient des dangers de la speederie…
Enfant, aviez-vous déjà besoin que les choses bougent et aillent vite ?
J’avais besoin de stridence.
Les Poissons donnent, au contraire, tendance à rester dans son coin, replié sur ses rêves. Il y aurait donc en vous à la fois un homme pressé et un contemplatif…
Le premier est pressé, l’autre imprécis…
Excellent !
(Content) C’est net… La rêverie, c’est vrai. Je m’évadais de ce monde avec les contes de Perrault, d’Andersen, de Grimm et d’Hoffmann, ça ce n’est pas Bélier…
Le Bélier est plutôt casse-cou. On vous imagine plus facilement en enfant timide et rêveur, qu’en enfant casse-cou. L’étiez-vous ? Faisiez-vous des bêtises ?
Je crevais les yeux des poupées de mes sœurs avec des aiguilles à tricoter…
En dehors de ça, par quoi se manifestait votre besoin de “stridence” ?
Toutes mes motivations ont été d’ordre sexuel…
Pas enfant quand même ?
Si. Instinctuellement. J’ai été initié très jeune au dessin, au fusain, à l’encre de chine et à la peinture.
Très jeune, ça veut dire ?
Treize ans. Il m’a donc été donné de voir des femmes, des modèles — on appelait ça des modèles vivants — et, tout en restant d’une grande pureté, j’étais perturbé animalement par cet inconnu — u, pas u-e — qu’était la femme…
Le Bélier est quelqu’un qui a des désirs et entend ne pas en différer la satisfaction. Quels sont les freins internes qui vous empêchent encore peut-être de vous laisser aller à tous vos désirs ?
Il y a cette dualité du travelling avant qu’est le désir et du travelling arrière qu’est… je ne dirai pas le cynisme… quoique le cynisme ne tarde pas à se pointer… mais la lucidité… Ça c’est une dualité.
La dualité Bélier-Poissons peut s’exprimer en termes de passion, d’exclusivisme, de désir moteur, dynamisant pour le Bélier et d’absence de désir, d’indifférence, de distance démotivantes pour les Poissons…
(Rendant les armes) Qu’est-ce que je peux ajouter à ça ? C’est vrai. C’est bien formulé. C’est ça. C’est exactement ça. Je suis cerné.
Comment vous débrouillez-vous de cette dualité ?
Difficile…
Vous m’avez dit lors d’une interview radiophonique que vous voulez être impliqué, tout en ne voulant pas l’être, ce qui est une autre forme de la même dualité… Par le Bélier, il y a le besoin de se polariser sur quelque chose de précis, alors que par les Poissons, il y a une certaine difficulté à savoir ce que l’on veut ainsi que la peur de tout engagement trop linéaire, trop exclusif…
L’engagement n’est pas linéaire mais abrupt. C’est comme un électrocardiogramme impliquant des extrasystoles hyper-dangereuses. (Content de lui) Jolly good, très jolly good ! Je note.
Vous n’avez rien de plus à me dire sur cette ambivalence implication-non-implication ?
Si l’on veut faire une allégorie, je serais en même temps le metteur en scène et l’acteur. Je me mets en scène. C’est la dualité de l’acteur qui déteste son metteur et du metteur qui déteste son acteur. De l’acteur qui déteste ses dialogues, du metteur qui les aime. Il faut aussi chercher les cadrages. J’ai été initié à la peinture, je connais les cadrages. Je sais ce qu’il ne faut pas faire, je ne sais pas ce qu’il faut faire. C’est une dualité for ever. C’est très bien comme ça. Ça implique des turbulences, des doutes, et si je n’ai pas de doutes, sans doute est-ce foutu quelque part. Je ne veux rien d’acquis. Je préfère être un looser qui baise les autres. Certainement pas un macho.
Vous dites que vous avez “maté votre destin à coups de cravache”…
J’en ai reçu aussi et ce n’est que justice, si justice il y a.
Abordons un thème qui vous est cher : la lucidité.
La lucidité est atroce. Quel degré de lucidité peut-on avoir quand on est un rêveur ? Et où est le rêve quand on est lucide, c’est-à-dire hypersensible ? On est toujours dans la dualité.
Le Bélier manque parfois de recul au point d’être naïf. J’ai cru, à plusieurs reprises, déceler chez vous une certaine naïveté — malgré votre lucidité.
Je crois avoir été initié tout au long de ma vie, à toutes les fourberies féminines et masculines possibles. Mais parfois je préfère la cécité. Puis je reprends mon acuité intellectuelle. Quand je le veux. De temps à autre, selon les informations esthétiques, j’oublie… Au départ, il y a quelque chose en moi de ce petit garçon, de ce petit Lulu, de ma première adolescence, et puis vient l’analyse. Alors là, attention, ça fait mal. Si j’écris sur la page de mon cahier d’écolier, je le fais au crayon ou à l’encre violette, mais si j’écris dans la marge, je le fais à l’encre rouge et je balance des zéros pointés.
L’un des traits du Bélier est de ne pas tirer de leçons du passé, de toujours, par conséquent, replonger dans les mêmes naïvetés.
C’est une faiblesse qui est une force. Il y a de l’ingénuité chez moi qui me préserve peut-être… d’être mécanique… Mécanique, c’est atroce !
Qui vous garde une jeunesse…
Ouais. Je serai toujours réceptif… — quand je le veux, sinon : rejet —, et toujours… dupe. Mais je peux aussi blesser profondément. C’est la balance entre le masochisme et le sadisme. Je peux être sadique quand je le veux et masochiste quand je ne le veux pas. L’inverse est également possible.
Les dissonances Vénus-Saturne et Mars-Lune-Neptune peuvent prédisposer au sadomasochisme.
Ce sont des pleins et des déliés. On en revient toujours au dessin classique : pleins et déliés. Il y a les caresses et il y a les coups. On est attiré inconsciemment par ce qu’on n’est pas, par ce qu’on n’a pas en soi… Peut-être pas… par l’inconnu — n-u — …
L’inconnu c’est précisément ce qu’on n’a pas en soi.
Absolument pas. C’est archi-faux. Vous avez un zéro pointé. Vous pouvez trouver votre sosie sans le savoir et passer à côté sans le voir.
Vous êtes attiré — consciemment ou inconsciemment — par les femmes solaires, celles qui ont un art et un besoin d’auto-représentation plus développé que la moyenne.
Il y a des arlequinades. Tiens ! néologisme : arlequinade. Je veux dire que chez une petite gamine, il y a des losanges noirs, oranges, bleutés et moi je ne suis peut-être que d’une seule couleur mais je ne sais pas laquelle. That’s the problem. Il y a des promiscuités dues au destin. Quand votre activité vous fait côtoyer des extraverties, vous trouvez des extraverties.
Le courage du Bélier relève souvent de son inconscience du danger.
Cela s’appelle l’intrépidité. Le vrai courage consiste à vaincre sa peur.
Y a-t-il de l’intrépidité chez vous ?
Certainement pas. Je n’ai pas été ce que je suis. J’ai été un garçon assez intrépide et je suis passé au courage. Je suis actuellement très courageux. On ne peut pas naître ainsi et disparaître ainsi. J’ai eu des peurs de gamin. J’avais peur du noir, des ogres, des sorcières, de tous les fantasmes que nous apportent les contes de fées. Comme beaucoup de gamins, j’étais un petit garçon craintif sur le plan de l’imaginaire. Je réalisais en esprit toutes sortes de dangers.
Une Lune angulaire en Vierge prédispose à avoir plus peur que la moyenne de tout ce qui menace la sécurité…
Ça a été valable pendant pas mal d’années. Je suis adulte maintenant. At last. Et tout ceci est effacé.
La peur peut engendrer la lâcheté…
Mes lâchetés ont été intellectuelles, jamais physiques…
Qu’est-ce que vous entendez par lâcheté physique ? Et parlez-moi de la lâcheté intellectuelle…
Il ne m’a jamais été donné dans ma destinée d’affronter le danger physique. La lâcheté intellectuelle implique un manque d’intégrité.
Donnez-moi un exemple.
J’ai déserté l’un des arts majeurs qu’est la peinture. C’est de la lâcheté intellectuelle. Je n’écris pas assez. Mais c’est aussi de l’insoumission.
Vous voulez dire que passer d’un art majeur à un art mineur relevait d’une insoumission de votre part ?
Oui. Et c’est là toute l’affaire.
Il y a peut-être aussi le fait que le Bélier n’est pas adapté aux efforts patients, aux tâches de longue haleine ? Un art majeur impliquerait-il plus de ténacité qu’un art mineur ?
Pour les non doués peut-être, mais pour quelqu’un d’hyper-doué comme j’étais, ça n’impliquait aucune volonté particulière. De la passion uniquement.
La peur de l’échec a-t-elle eu son mot à dire ? Il vous est arrivé de dire que vous n’étiez pas à la hauteur…
Non. Les questions que l’on se pose à soi-même restent toujours sans réponse. Aurais-je été un grand peintre ? Aurais-je été un grand architecte ? Qu’en sais-je ? Et puis, majeur, mineur, il faut oublier tout ça…
Je suis ravie de vous l’entendre dire !
Majeur, mineur… Ce sont des présomptions. C’est fini ces conneries. Les arts mineurs sont en train d’enculer les arts majeurs grâce au don d’ubiquité que nous avons par les médias. Nous faisons plus d’entrées avec le vinyle que l’Annonciation de Giotto ou autre Saint Sébastien… Où sont les vraies valeurs ? Et peu importe… Si les vraies valeurs impliquent de se survivre, se survivre est une notion dépassée. Ça c’est Bélier de ne pas se survivre, de brûler tout, de tout flinguer, tout détruire. J’ai le culte de l’inutilité. La seule façon de se survivre, la plus belle, c’est d’enfanter, c’est d’avoir un enfant. Ce que j’ai fait de plus beau, c’est ma petite fille Charlotte et tout le reste est inutile… Mais justement, on en revient au culte de l’inutile et je me rejoins moi-même…
Qu’entendez-vous par inutile ?
Les arts majeurs, les arts mineurs… Tout ce qui est abstrait, ce qui n’est pas vivant… C’est inutile… ça frôle le grotesque… on n’en a pas besoin. L’être humain n’a pas besoin d’informations esthético-intellectuelles. C’est faux. Mais, justement, le néo-dandysme, c’est de faire avec… Avec ou sans. S-a-n-g.
Voici ce que j’avais noté pour vous : “Les Poissons pour qui les contraires se rejoignent”…
Voilà, c’est parfait !
… prédisposent à voir de l’inutile dans l’utile et de l’utile dans l’inutile…
… c’est magnifique…
Alors que le Bélier porte à exclure les contraires : ce qui est utile n’est pas inutile et vice-versa. Peut-être est-ce l’une des clés de vos contradictions ?
Les structurations du cerveau n’impliquent pas le moment présent. Je peux vous dire ça aujourd’hui et demain autre chose, en étant aussi sincère.
Êtes-vous aussi autodestructeur que vous en avez l’air ? Votre apparente indiscipline cache-t-elle une certaine autodiscipline ?
La discipline peut être négative…
Développez-moi ça…
(Levant le doigt et sur un ton plaintif) Ouh… Monsieur, j’veux sortir… caca… (Reprenant son sérieux) Discipline négative, ça veut dire que c’est un trajet… positif en soi puisqu’il existe, mais négatif en fait parce que destructeur. J’en suis parfaitement conscient, j’ai pris mes risques, je les connais, mais il y a aussi les garde-fous…
Lesquels ?
Si je n’avais pas de garde-fous — c’est une collure sublime : garde… fou… — je sauterais du haut d’un building. Pourquoi suis-je sujet au vertige ? Parce que j’ai en moi un potentiel suicidaire. Sûrement. J’ai donc besoin du garde-fou. Sinon je saute. C’est physique et si c’est physique, c’est quelque part intellectuel.
Le Bélier a besoin d’agir, de bouger, de provoquer alors que les Poissons, plus passifs, se laissent porter par le courant…
J’en ai conscience… J’ai besoin de m’envoyer chier. Je m’envoie chier de temps en temps. Alors j’écoute le silence… Les silences… Les vibrations plutôt parce que le silence ça n’existe pas… Les vibrations de la vie, les oiseaux, les pots d’échappement, les coups de frein… L’inertie est constructive par le mélange qu’elle permet entre l’ancien et le nouveau cortex, par le cocktail de ce que j’ai acquis et de ce que j’ai à acquérir… du vrai, du faux, du réel et du… futur… De ces alambics sortent les fumerolles du Dr Jekyll et Mr Hyde et, ainsi, d’autres structures. C’est tout le trajet d’un créateur. Mais ça ne vaut pas pour les autres trips, pour l’équilibre personnel. j’ai le blé, j’ai la notoriété, j’ai tout. Quand on a tout, on n’a rien. (Prenant un temps de réflexion) Il y a aussi une certaine passion dans la création. On ne peut pas créer dans la désinvolture. Je me prétends néo-dandy. Ce n’est pas vrai. C’est faux. Je suis un passionné. Mais être passionné implique des blessures monumentales.
La facilité à vous passionner ne coexiste-t-elle pas avec la difficulté à vous passionner ?
Bien sûr qu’il y a les deux. Je dirai que les dés sont pipés. Ca veut dire que je garde ma lucidité. Si je veux me passionner, le patron du bistro c’est moi. Quand je dis on ferme, on ferme, c’est moi le boss.
C’est ce que vous voudriez.
Non. C’est ce que je suis. Actuellement, je suis sûr de ma lucidité. Hélas ! Car c’est un handicap d’être sûr. Je n’ai plus d’incertitudes. Ce n’est pas dégueulasse d’en arriver là. Il faut avoir fait un parcours du combattant assez éprouvant. Je me suis fait baiser, bien sûr. Mais j’ai toujours été le maître de ces affaires… glauques. J’ai eu les plus belles filles de la terre et… c’est bien ainsi. J’ai pleuré… Je ne sais pas si c’est Bélier ou Poissons de pleurer ?
Ce serait plutôt le masochisme de la dissonance Vénus-Saturne qui incite à avoir une demande tellement forte et complexe que, quelle que soit la personne en face, il ne peut y avoir que de la déception et de la douleur à la clé.
Mais vous oubliez mon côté salopard. Car j’ai aussi été un beau salaud et je le serai encore, I hope.
Astrologiquement, cela relève probablement de la dissociation entre l’amour qui met en danger et celui qui sécurise, à laquelle vous prédispose la dissonance Vénus-Lune.
Ce n’est absolument pas ça. Vous avez tout faux. J’exige que vous notiez qu’il y a le pôle tendre comme vous dites, ou le pôle esthétique, et le pôle animal. Comment associer les deux ? C’est impossible. C’est un cancer. Les pulsions sexuelles, c’est-à-dire animales, ne peuvent pas ne pas être en conflit avec les pulsions esthétiques. C’est une lutte contre moi et contre mon gré.
Nous pourrions finir par quelques réflexions sur votre ambition uranienne et jupitérienne de réussite et la dévalorisation tant plutonienne que saturnienne que vous en faites.
Ça prouve que je n’ai pas perdu ma lucidité. Je ne la perdrai jamais. La lucidité me conduira peut-être à des choses très dangereuses corporellement. Mais ne faisons pas de flash forward. J’ai abordé plusieurs disciplines que j’ai cernées très vite mais je n’ai pas toujours été très … rigoureux avec moi-même. Voilà le conflit : la rigueur contre l’arrivisme. En tant qu’adolescent, le speed de l’arrivisme c’était très bien, encore que j’étais quand même assez rigoureux. Arrivé à l’âge adulte, le constat est négatif.
Y a-t-il des réussites qui vous paraissent enviables ?
Qu’est-ce que ça veut dire “réussite” ? Je ne comprends pas… Je ne comprends pas !
Texte paru dans Entre les lignes, entre les Signes, Éd. RMC et dans Astrologos n° 5, juin 2001.
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