Pendant plus de 2500 ans les astrologues n’ont eu qu’une notion intuitive et empirique de ce qu’est la réalité objective d’un Aspect. Ils se bornaient à en constater empiriquement certains effets réels et à en imaginer d’irréels. Très rares et très embryonnaires ont été les tentatives de conceptualisation et donc de théorisation, comme celle exposée par Ptolémée au IIe siècle et celle proposée par Kepler au XVIIe. Toutes deux ont débouché sur des explicatives erronées et des échecs. Ce n’est qu’au XXe siècle que le concept d’Aspect a commencé à être véritablement élaboré, permettant de distinguer le vrai du faux dans les antiques et traditionnelles notions et de formuler une théorie explicative rationnelle à travers une conception d’ensemble de l’astrologie. La conception et la représentation graphique contemporaines des Aspects sont le produit d’une longue histoire, et l’idée même d’Aspect a évolué au cours des millénaires.
Aux débuts conjoints de l’astrologie et de l’astronomie il y a quelques millénaires, les savants-prêtres babyloniens ne prêtaient attention qu’à un seul Aspect : la conjonction (≈ 0°), phénomène céleste majeur parce que le plus visible. Les tablettes astronomico-astrologiques du XVIIIe au XVIe siècle AEC qui ont été retrouvées en attestent. Cet intérêt pour la seule conjonction semble avoir duré au moins mille ans, et ce n’est que très progressivement que fut introduit l’Aspect d’opposition chez les astrologues moyen-orientaux. Pour l’intégrer aux connaissances, il fallait en effet que la science des calculs astronomiques se fût assez développée pour permettre de savoir puis prévoir quand une planète au-dessus de l’horizon (donc visible) formait un angle de ≈ 180° avec une autre sous l’horizon, donc invisible. Et ce n’est que beaucoup plus tard encore que furent identifiés et définis les Aspects de quadrature (≈ 90°), de trigone (≈ 120°) et de sextile (≈ 60°).
La vidéo ci-dessous (4′ 27″) est une animation commentée de la notion d’Aspect chez les sumériens et babyloniens.
L’astrologie occidentale classique, fruit de l’intégration de ces savoirs et observations babyloniens par la culture grecque vers le Ve siècle AEC, est l’héritière de ces découvertes puis de leur élaboration progressive. Concernant les Aspects et leurs orbes, l’astrologie classique dite “traditionnelle” ne dispose pas de théorie permettant d’en expliquer systématiquement la nature, le nombre et les principes de fonctionnement.
Dans son Tetrabiblos, rédigé au IIe siècle EC, l’astronome, astrologue, géographe et mathématicien Claude Ptolémée présente sa propre vision de l’astrologie, mais surtout recense et présente encyclopédiquement les savoirs astrologiques de son époque tels qu’ils étaient conçus par les Gréco-Romains. Cet ouvrage est donc une référence historique majeure, en ce qu’il témoigne des sources et fondements de l’astrologie occidentale contemporaine.
D’un point de vue terminologique, il est remarquable de constater que jamais Ptolémée n’utilise le terme “Aspect” dans ce livre. Il ne consacre à ce qu’on appellera des siècles plus tard les Aspects dits “majeurs” (conjonction, opposition, carré, trigone, sextile) que trois paragraphes dans la section intitulée Les configurations des Signes zodiacaux du chapitre consacré au zodiaque. Voici l’intégralité de ce texte qui est censé définir ce que sont les Aspects depuis presque deux millénaires :
“Les premières affinités qui existent entre les Signes du zodiaque sont celles qui sont produites par leurs configurations réciproques. Sont en configuration mutuelle : tous les Signes qui se trouvent dans des positions diamétralement opposées et incluant deux angles droits, c’est-à-dire six Signes ou 180° ; ceux qui sont en position triangulaire incluant un angle droit plus un tiers d’angle droit, c’est-à-dire quatre Signes ou 120° ; puis ceux qui sont dits en carré et qui contiennent un angle droit, c’est-à-dire trois Signes ou 90° ; enfin ceux qui sont en position hexagonale et qui incluent deux tiers d’un angle droit, c’est-à-dire deux Signes ou 60°.
Pour quelle raison a-t-on traditionnellement accepté ces seuls intervalles ? On le comprendra aisément avec ce qui suit. Pour l’opposition diamétrale, l’explication est évidente en elle-même, car les deux Signes zodiacaux se rencontrent sur une seule et même ligne droite. Ensuite, si nous prenons les deux fractions majeures et superfractions que l’on trouve en musique, et si nous appliquons les fractions de 1/2 et 1/3 à l’opposition diamétrale constituée de deux angles droits, nous obtiendrons, avec la première, la figure 1/2 du carré et avec la seconde (1/3) la figure du sextile et du trigone. Des superfractions, si nous appliquons maintenant le sesquialtère (3/2) et le sesquitierce (4/3) à l’intervalle de 90° d’un angle droit, le sesquialtère produira la figure du carré respectivement au sextile, et le sesquitierce la figure du trigone respectivement au carré.
Toutefois, parmi ces configurations, les triangles et les hexagones sont appelés harmoniques, parce qu’ils sont composés de Signes de même genre, soit entièrement féminins, soit entièrement masculins. Mais les carrés et les oppositions diamétralement disharmoniques, car ils constituent un rapport fondé sur l’opposition de Signes du même genre.”
Du point de vue terminologique toujours, remarquons que le mot “planète” n’apparaît pas dans cette description, alors que pour un astrologue contemporain, le mot “Aspect” lui est automatiquement associé. Il faut donc se rendre à l’évidence : ce texte ne traite pas des Aspects interplanétaires, mais des distances angulaires entre Signes zodiacaux. Pour éviter tout anachronisme et risque de confusion sémantique, il est donc préférable d’attribuer des noms différents à ces deux objets distincts. On appellera donc ici “angles zodiacaux” les pseudo-Aspects définis par Ptolémée il y a plus de 1800 ans, et on réservera la dénomination “Aspect” aux Aspects interplanétaires tels qu’ils sont conçus depuis environ le XVIIe siècle.
Dans sa définition des angles zodiacaux, Ptolémée fait à la fois référence à l’espace (par la géométrie) et au temps (par la musique). Les “angles droits” appartiennent au référentiel spatial : ce sont les côtés ou les sommets de polygones réguliers géométriquement inscrits dans le cercle écliptique du zodiaque. Ces figures appartiennent à la géométrie plane élémentaire dont Euclide a exposé systématiquement l’axiomatique vers –300 AEC. Les “intervalles”, eux, relèvent du référentiel temporel : ils font référence à la théorie arithmosophique pythagoricienne selon laquelle les harmonies musicales procèdent de rapports étroits entre notes et nombres, rapports mathématiques se traduisant en fréquences. En effet un son se caractérise par sa fréquence ou le nombre de ses vibrations par unité de temps : les fréquences élevées sont en rapport avec les sons aigus, et les fréquences basses avec les graves. En musique, un intervalle définit ainsi l’écart entre deux hauteurs de son émis simultanément ou successivement.
Cette référence à la musicologie aurait pu l’amener à donner une dimension temporelle (fréquence, simultanéité, chronologie) à sa conception des Aspects, et ainsi à quitter le cercle pour le cycle. Mais Ptolémée ne l’a pas fait, préférant géométriser les intervalles musicaux plutôt que d’envisager les Aspects comme des phases inscrites dans une durée comme le sont les notes. En cela il était fidèle à l’héritage culturel des mathématiciens grecs, qui plaçaient la géométrie à la fois au cœur et au-dessus de toutes les sciences. Mais cet aveuglement lui a interdit de développer une conception cyclique et donc cinématique des Aspects. Cette cécité temporelle a aussi frappé tous ceux qui se sont référés à la Tetrabible pendant les 18 siècles suivants.
S’il ne développe pas dans la Tetrabible, traité astrologique, cette corrélation entre angles zodiacaux et intervalles musicaux (donc fréquences simultanées ou successives), il le fait clairement dans le livre IIIe de son ouvrage Les Harmoniques, traité de musicologie mathématique où il expose les théories des écoles pythagoriciennes ainsi que le fruit de ses propres recherches originales dans ce domaine.
Il faut savoir que pour les anciens savants grecs l’âme ou la structure du monde était d’essence à la fois géométrique, mathématique et musicale, la musique étant considérée comme la plus parfaite expression de l’harmonie cosmique. Les sept notes “naturelles” de la musique occidentale sont en effet en rapport avec les sept planètes (ce terme incluant le Soleil et la Lune) connues dans l’antiquité. Notons au passage que la musique indienne, pourtant très différente, utilise également sept notes basiques appelées svaras. Depuis Platon, il avait été considéré que ce septénaire, après des traitements astronomico-arithmosophiques variables selon leurs auteurs, formait par ses proportions numériques une gamme musicale nommée “harmonia”, aujourd’hui désignée comme “musique des sphères”.
Enfin, précisons que les penseurs de l’Antiquité grecque employaient une terminologie identique pour l’ensemble de leurs disciplines, en raison du système de pensée analogique qui prévalait alors. Il n’est donc pas étonnant que Ptolémée ait ainsi pu mélanger géométrie, musicologie, astronomie et astrologie.
Ce qui est par contre étonnant, c’est que Ptolémée se soit focalisé sur le zodiaque plutôt que sur les planètes pour évoquer les angles-intervalles, que ce soit dans la Tetrabible ou dans les Harmoniques. Dans ce dernier ouvrage, les corrélations entre les positions planétaires et la gamme musicale sont pourtant brièvement exposées à la fin du livre IIIe. Il y évoque certes les distances angulaires entre planètes (donc leurs “Aspects”), mais il ne les définit qu’en tant qu’angles zodiacaux. Et quand il établit des correspondances analogiques directes (sans référence explicite au zodiaque donc) entre planètes et fréquences musicales, il ne fait pas référence à ces angles calculés sur l’écliptique et donc dans la sphère céleste, mais, et très brièvement, aux positions planétaires dans la sphère locale. Ainsi pour lui, les planètes dans la zone de leur lever (Ascendant) et de leur coucher (Descendant) sont en rapport avec les notes graves, et celles en culmination supérieure (Milieu-du-Ciel) avec les aiguës. Il ne fait pas mention du Fond-du-Ciel, ce qui est probablement un oubli très… grave.
Cette analogie repose, si on la transpose aux tessitures des voix, sur des correspondances entre les “voix de tête”, aiguës et donc analogues aux planètes également élevées dans le ciel et les “voix de poitrine” (plus ou moins basses) et donc analogues aux planètes proches de l’horizon ou carrément en dessous. Les sopranos et contreténors seraient ainsi des voix “Milieu-du-Ciel”, les mezzo-sopranos, barytons et ténors des voix “Ascendant” s’ils savent monter dans les aigus ou “Descendant” s’ils sont plus doués pour descendre dans les basses, et enfin les contraltos et les basses des voix “Fond-du-ciel”.
La vidéo ci-dessous (6′ 32″) est une animation commentée de la notion d’Aspect chez Ptolémée.
Revenons à présent sur le texte de référence de Ptolémée sur les angles zodiacaux qui n’ont, nous allons le voir, qu’un très lointain rapport avec la notion contemporaine d’Aspect. Pour en expliquer et justifier la nature et les caractéristiques, il fait certes référence à la fois à l’espace géométrisé (les “angles droits”) et au temps (les “intervalles” musicaux qui peuvent être simultanés ou successifs), mais l’espace est nettement privilégié puisqu’il n’y est pas question de cinématique : aucun mouvement tel que la rotation d’une planète n’est signalé, or tout mouvement s’effectue dans une temporalité. La notion d’“intervalle” semble donc ici devoir être davantage comprise dans sa définition mathématique d’ensemble compris entre deux valeurs… ce qui en fait alors un synonyme d’angle droit.
Les attributs du zodiaque dans le Tetrabiblos sont très différents de ceux résultant de l’introduction de la doctrine des 4 Éléments vers le XVIe siècle. Les 12 Signes étaient classés par leur genre alternativement “masculin” ou “féminin” à partir du Bélier et par leur position saisonnière : “équinoxiaux” (Bélier-Balance) et “solsticiaux” (Cancer-Capricorne) en début de saison, “solides” en milieu de saison (Taureau-Lion-Scorpion-Verseau) et “bicorporels” en fin de saison (Gémeaux-Vierge-Sagittaire-Poissons).
Les angles zodiacaux sont “harmoniques”, (trigone, sextile) quand ils associent des Signes de même genre et “disharmoniques” quand ils relient des genres différents (carré) ou des Signes de même genre mais diamétralement opposés (opposition). La conjonction n’est pas expressément mentionnée, mais étant donné que selon ces définitions elle ne peut exister que dans un même Signe et qu’elle est le symétrique inverse de l’opposition, elle est considérée comme “harmonique”.
Les angles zodiacaux majeurs
Le caractère harmonique ou disharmonique de ces angles zodiacaux est déterminé par les polygones réguliers qui peuvent s’insérer dans le cercle zodiacal et dont ils sont, soit les côtés (sextile, carré, trigone), soit les sommets (conjonction, opposition) :
▶ Hexagone : polygone harmonique, il réunit les 6 Signes d’un même genre masculin ou féminin. Les angles zodiacaux correspondants sont ses côtés, les sextiles (360/6 = 60°).
▶ Triangle : polygone harmonique, il réunit 3 Signes d’un même genre, et occupant chacun une position différente dans sa saison. Les angles zodiacaux correspondants sont ses côtés, les trigones (360/3 = 120°).
▶ Carré : polygone disharmonique, il réunit 4 Signes de genre opposé, et occupant chacun la même position dans sa saison. Les angles zodiacaux correspondants sont ses côtés, les carrés (360/4 = 90°).
▶ Conjonction-Opposition : la conjonction se produit dans le même Signe ; l’opposition réunit 2 Signes diamétralement opposés, donc de même genre. Les angles zodiacaux correspondants sont les sommets du carré (360/1 = 0° ou 360° et 360/2 = 180°).
Ces angles zodiacaux fondés sur les fractions de nombres entiers 1/1, 1/2, 1/3, 1/4 et 1/6 sont à l’origine de ce qu’on appellera ultérieurement les 5 Aspects dits “majeurs” (conjonction, opposition, trigone, carré, sextile). Ils sont appelés “majeurs” à la fois parce que leurs effets sont les plus forts, et parce que ce sont les seuls auxquels Ptolémée fait référence, ce qui les distingue de deux Aspects “mineurs”, le semi-sextile (30°) et le quinconce (150°) qu’il évoque mais ne nomme pas dans la section intitulée Les Signes sans lien :
“Les Signes du zodiaque qui ne présentent entre eux aucune relation d’affinité sont appelés sans lien et étrangers ; […] ils ne participent d’aucune des quatre configurations déjà évoquées, à savoir opposition diamétrale, trigone, carré, sextile, mais sont distants l’un de l’autre d’un ou cinq Signes. Les Signes qui sont contigus se repoussent quasiment l’un l’autre et, tout en étant deux, ils embrassent un angle unique ; ceux qui sont séparés par cinq Signes divisent le cercle entier en parties inégales ; et les autres configurations produisent une division égale de la circonférence.”
Ce très court paragraphe est d’une importance capitale pour comprendre la nature des angles zodiacaux majeurs. Ceux-ci n’existent que dans le cadre d’une géométrie statique et la division binaire du zodiaque en Signes alternativement “masculins” et “féminins” dicte leur condition de possibilité et en même temps leur impose une incohérence majeure. Précisons ici que dans la manière grecque de compter, le point de départ est toujours inclus, ce qui implique que deux Signes contigus sont considérés comme “distants l’un de l’autre d’un Signe”.
Les angles zodiacaux mineurs, “sans lien et étrangers”
Cette condition de possibilité est décrite dans la dernière phrase : pour qu’un angle zodiacal soit acceptable, il doit être le produit d’une “division égale de la circonférence”, sinon les Signes qu’il relie sont considérés comme “sans lien et étrangers”. Or Ptolémée déroge lui-même à cette règle dans le cas des Signes contigus.
1) Le semi-sextile : les Signes contigus sont en effet toujours d’un genre différent en raison de l’alternance masculin-féminin qui définit basiquement la conception ptoléméenne du zodiaque, et pour cette raison “se repoussent quasiment l’un l’autre”, ce qui est logique du point de vue de cette théorie du genre. Ptolémée ajoute que “tout en étant deux, ils embrassent un angle unique”, ce qui est logique du point de vue géométrique puisqu’étant contigus, ils forment effectivement un angle unique.
Mais il est par contre totalement illogique d’éliminer l’angle zodiacal qu’ils forment en invoquant ces deux raisons alors que cet angle de 30° ne déroge pas à la règle de la “division égale de la circonférence” puisqu’il est le côté d’un polygone régulier, le dodécagone (360/12 = 30°). Cet angle, résultat de la division en deux du sextile, est harmonique, mais il relie deux Signes de genres opposés, donc disharmoniques. Ptolémée s’est trouvé là devant une aporie : ou bien le masculin et le féminin ne sont pas disharmoniques, et dans ce cas il peut retenir le semi-sextile harmonique de 30°, ou bien ils sont disharmoniques, et il doit alors éliminer cet angle zodiacal. Il a choisi la deuxième solution, qui est de privilégier la logique des genres zodiacaux contre celle des polygones réguliers. C’est la (dé)raison pour laquelle le semi-sextile est absent de la liste de ces distances zodiacales privilégiées que sont les “Aspects” ptoléméens.
2) Le quinconce : deux Signes séparés par une distance zodiacale de 150° sont également considérés comme “sans lien et étrangers”. C’est par ex. le cas du Bélier et de la Vierge. Or ces deux Signes sont de genre opposé : masculin pour le premier, féminin pour le second, donc disharmoniques. Mais l’angle de 150°, produit de (360/2,4) ne permet pas d’inscrire un polygone régulier dont il serait l’un des côtés dans le cercle zodiacal. Le quinconce a été éliminé pour cette raison, alors qu’il appartient à la famille des semi-sextiles (150/5 = 30°) et qu’à ce titre il serait une configuration harmonique… Ici aussi Ptolémée était confronté à une aporie, mais cette fois pour la résoudre, il a choisi de privilégier le critère de la “division égale de la circonférence”, c’est-à-dire celui des polygones réguliers. C’est la (dé)raison pour laquelle le quinconce est absent de la liste de ces distances zodiacales privilégiées.
3) Le semi-carré : cette distance zodiacale a posé à Ptolémée un autre type de problème logique, un problème si insoluble qu’il a décidé de ne pas mentionner, même implicitement, cet angle de 45°, produit de la division en 2 du carré. Le semi-carré (360/8 = 45°) est en effet le côté d’un polygone régulier, l’octogone. À ce titre, il n’aurait pas dû être exclu, mais il l’a été en raison d’une tare majeure : ses 45° permettent à la fois une liaison entre Signes harmoniques (de même genre, par ex. Bélier & Gémeaux) et disharmoniques (de genre opposé, par ex. Bélier & Taureau). C’est la (dé)raison pour laquelle le semi-carré est absent de la liste de ces distances zodiacales privilégiées.
L’éviction du semi-sextile, du quinconce et du semi-carré aurait pu faire une victime logique colatérale, l’opposition, si Ptolémée avait été systématiquement fidèle à l’un de ses critères de sélection des distances zodiacales privilégiées. L’opposition, angle disharmonique appartenant à la famille du carré dont il est avec la conjonction l’un des sommets, relie en effet deux Signes de même genre donc harmoniques. Mais dans ce cas il a préféré sagement passer outre la règle du genre… et tant pis si l’opposition, selon celle des affinités zodiacales, aurait du être considérée comme un angle harmonique !
Comme on le voit, les planètes et leurs distances angulaires réelles sont totalement absentes de cette nomenclature des distances zodiacales privilégiées. Cette absence ne peut être le produit d’une ignorance : en tant qu’astronome, Ptolémée savait parfaitement mesurer et calculer ces distances indépendamment des Signes. Mais en tant qu’astrologue, il s’est cru obligé par la tradition de ne pas les dissocier de ceux-ci. Ce n’est que dans un chapitre ultérieur du Tetrabiblos, intitulé Les caractéristiques de l’âme, qu’il se livre à une interprétation systématique des interactions entre les couples des planètes connues à son époque.
Harmonies, disharmonies, bénéfices et maléfices
Il décrit ces relations en utilisant toujours les termes équivalents de “bénéfique” ou “harmonique” et “maléfique” ou “disharmonique”. Ces notions étant identiques à celles qu’il utilise par ailleurs pour qualifier les angles zodiacaux, on pourrait penser qu’il décrit alors implicitement les effets d’Aspects interplanétaires, alors qu’il n’en est rien, même si ces interprétations ressemblent à des versions archaïques de celles qu’on peut usuellement trouver dans les manuels d’astrologie classique.
Le caractère “bénéfique” ou “maléfique” des “rapports” entre planètes est déterminé, non par leurs Aspects au sens actuel de ce terme, auquel il substitue le terme plus vague de “rapports”, mais par leur “position honorable” ou “peu honorable”. Les critères de l’honorabilité et de son contraire sont selon Ptolémée un complexe, éclectique et confus mélange de paramètres composé principalement des positions des planètes en Signes et des angles zodiacaux ainsi induits, des Maîtrises planétaires, du mouvement direct ou indirect (rétrogradation), de la présence planétaire en “secteurs-clés” (Angles AS-MC-DS-MC), ainsi que la configuration orientale (ascensionnelle, du FC au MC) ou occidentale (descensionnelle, du MC au FC), diurne ou nocturne (sur ou sous l’horizon).
Chez Ptolémée donc, la notion d’angle zodiacal privilégié se substitue à celle d’Aspect interplanétaire. Le fait qu’il décrive ces angles en termes de géométrie plane montre qu’ils sont exclusivement calculés en longitudes écliptiques. Enfin, dans un tel système, une planète peut être dans un rapport d’angle zodiacal avec presque toutes les autres puisque la notion d’angle planétaire précis en est absente. En effet, quelles que soient leurs distances angulaires réelles et précises, deux planètes sont considérées comme étant :
▶ En conjonction si elles se trouvent dans le même Signe, mais pas si elles sont dans deux Signes adjacents, donc de genre différent. Ex : deux planètes distantes de 29° en longitude écliptique en Bélier sont “conjointes”, alors qu’elles ne le sont pas si elles sont distantes de 2° mais situées à cheval sur le Bélier masculin et le Taureau féminin.
▶ En opposition si elles se trouvent dans deux Signes diamétralement opposés (180°), mais pas si ces deux Signes ne le sont pas, ce qui signifie qu’un angle de 182° entre une planète à 29° Bélier et une autre à 1° Scorpion n’est pas considéré comme une opposition. Elle sont donc “sans lien” ou “étrangères” l’une à l’autre (alors qu’elles sont en “quinconce zodiacal”).
▶ En carré si elles se trouvent dans deux Signes à 90° l’un de l’autre (par ex. Bélier & Cancer), ce qui signifie qu’un angle de 59° entre une planète à 1° Bélier et une autre à 29° Lion n’est pas considéré comme un carré, mais comme un trigone.
▶ En sextile si elles se trouvent dans deux Signes à 60° l’un de l’autre (par ex. Bélier & Gémeaux), ce qui signifie qu’un angle de 58° entre une planète à 1° Bélier et une autre à 29° Taureau n’est pas considéré comme un sextile.
▶ En trigone si ces Signes sont séparés par un angle de 120° (par ex. Bélier & Lion), ce qui signifie qu’un angle de 92° entre une planète à 29° Bélier et une autre à 1° Lion est considéré comme un trigone, mais que le même angle de 92° entre une planète à 29° Bélier et une autre à 27° Lion est considéré comme un carré.
Des orbes de 30°… ou inexistants
Dans un tel système, le problème des orbes (nombre de degrés admis avant et après l’Aspect exact pour qu’il soit jugé effectif) ne se pose pas. Ou plus exactement, cet orbe est implicitement défini par l’étendue d’un Signe, c’est-à-dire 360/12 = 30°. Cela signifie par ex. qu’une planète en Bélier, quelle que soit sa position précise dans ce Signe, est automatiquement considérée comme étant en angle zodiacal de 60° (valeur d’un Aspect de sextile) avec une autre en Gémeaux ou en Verseau, de 90° (valeur d’un Aspect de carré) avec une autre en Cancer ou en Capricorne, de 120° avec une autre en Lion ou en Sagittaire, (valeur d’un Aspect de trigone), et enfin de 180° avec une autre en Balance (valeur d’un Aspect d’opposition).
Le Thème ci-dessous est celui d’Arthur Rimbaud. La carte du ciel de gauche représente les angles zodiacaux privilégiés entre Signes masculins ou féminins, celle de droite les Aspects réels. On observe que l’opposition entre le Soleil en Balance et Pluton en Taureau à 6° 12′ d’orbe n’y est pas admise car ces deux Signes ne sont pas diamétralement opposés. La carte du ciel de droite représente les Aspects. L’opposition Soleil-Pluton y est cette fois admise. On observe aussi que le Thème de droite, “non-ptoléméen”, comprend beaucoup moins d’Aspects que celui de gauche d’angles zodiacaux ptoléméens.
Cette doctrine astrologique des angles zodiacaux est absurde en regard des phénomènes astronomiques auxquels elle est censée correspondre : les distances angulaires réelles entre planètes. Ptolémée, aussi astronome qu’astrologue, ne pouvait bien entendu pas l’ignorer. Du point de vue astronomique, il ne pouvait par exemple que constater et admettre que deux planètes séparées par 2° de longitude écliptique sont en orbe de conjonction, quels que soient les Signes où elles se situent. Il le fait d’ailleurs implicitement quand il évoque les phases lunaires, donc les distances angulaires Soleil-Lune qui peuvent se produire exactement à la limite entre deux Signes. La Lune est en effet par ex. à son premier ou second quartier quand elle est à 90° du Soleil, et pas à un angle zodiacal quelconque compris entre 60 et 120° déterminé par les Signes solaire et lunaire. Mais sur ce sujet (comme sur bien d’autres mais pas tous) Ptolémée l’astronome est en discordance avec Ptolémée l’astrologue.
La doctrine des angles zodiacaux géométriques explique pourquoi Ptolémée n’a pas jugé utile de formuler un système ou une théorie des orbes. En effet, en admettant ceux-ci, les angles zodiacaux privilégiés qui tiennent lieu d’Aspects dans la Tetrabible ne formeraient plus de polygones réguliers dans la carte du ciel natale, qui est une représentation statique, un instantané figé des positions zodiaco-planétaires pour un lieu et un moment donnés. Or les polygones irréguliers que ne manqueraient pas de former ces orbes étaient considérés comme des formes imparfaites par la géométrie grecque, donc impossibles à accepter pour Ptolémée.
Mais dans sa présentation des techniques et méthodes prévisionnelles comme les transits planétaires, il a bien été obligé de s’approcher de la notion d’orbe, sans la formuler, en faisant référence au mouvement d’une planète avant et après sa distance zodiacale exacte. Lors d’un Transit qui ne peut être que cinématique, la planète transitante est ainsi décrite comme en “application” quand elle se rapproche de la planète qu’elle va transiter, et en “séparation” quand le transit a eu lieu et qu’elle s’en éloigne. L’application et la séparation impliquent la notion d’orbe : quand commence l’application (combien de degrés en arrière), quand finit la séparation (combien de degrés en avant) ? À ces questions Ptolémée ne répond pas.
Par contre c’est en évoquant les transits qu’il fait deux des rares mentions des latitudes écliptiques contenues dans la Tetrabible. Il écrit en effet à propos des planètes transitantes qu’il est “opportun d’observer leur latitude pour ne considérer que les transits qui ont lieu du même côté de l’écliptique” que les planètes transitées, ou encore, dans le chapitre La durée de la vie, que “cette action néfaste [des planètes destructrices] est également entravée si, toutes les deux étant des corps célestes, la rencontre de la planète de la direction vitale avec la planète interférente ne se produit pas à la même latitude.” Mais il ne donne pas la raison de cette recommandation, sur laquelle il n’insiste pas.
Voilà où en était la conception des Aspects il y a de cela plus de 1800 ans : ce n’étaient pas des Aspects interplanétaires, c’étaient des formes géométriques (une droite, un carré, quatre triangles et un hexagone), les côtés ou sommets de polygones réguliers tracés à partir de n’importe quel point de chaque Signe et déterminées par les longitudes écliptiques de ces points et dans un cas particulier, le Transit, par les latitudes. Les rapports consonants ou dissonants des Planètes entre elles n’étaient que les conséquences de ceux entre les Signes qu’elles occupaient, et la notion de latitude écliptique en rapport avec une telle conception des Aspects du ciel natal n’avait bien entendu aucun sens.
▶ Théorie et pratique des aspects
▶ Les aspects, phases d’un cycle
▶ Aspects : existe-t-il un modèle traditionnel ?
▶ Aspects : théorie et bilan conditionaliste
▶ Introduction à l’interprétation des aspects
▶ Les Aspects planétaires et leurs orbes
▶ Les Aspects kepleriens
▶ Les “aspects” aux Angles
▶ Chronologie des Aspects et Transits
▶ Les Aspects planétaires
Les significations planétaires
par
620 pages. Illustrations en couleur.
La décision de ne traiter dans ce livre que des significations planétaires ne repose pas sur une sous-estimation du rôle des Signes du zodiaque et des Maisons. Le traditionnel trio Planètes-Zodiaque-Maisons est en effet l’expression d’une structure qui classe ces trois plans selon leur ordre de préséance et dans ce triptyque hiérarchisé, les Planètes occupent le premier rang.
La première partie de ce livre rassemble donc, sous une forme abondamment illustrée de schémas pédagogiques et tableaux explicatifs, une édition originale revue, augmentée et actualisée des textes consacrés aux significations planétaires telles qu’elles ont été définies par l’astrologie conditionaliste et une présentation détaillée des méthodes de hiérarchisation planétaire et d’interprétation accompagnées de nombreux exemples concrets illustrés par des Thèmes de célébrités.
La deuxième partie est consacrée, d’une part à une présentation critique des fondements traditionnels des significations planétaires, d’autre part à une présentation des rapports entre signaux et symboles, astrologie et psychologie. Enfin, la troisième partie présente brièvement les racines astrométriques des significations planétaires… et propose une voie de sortie de l’astrologie pour accéder à une plus vaste dimension noologique et spirituelle qui la prolonge et la contient.
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Pluton planète naine : une erreur géante
par
117 pages. Illustrations en couleur.
Pluton ne fait plus partie des planètes majeures de notre système solaire : telle est la décision prise par une infime minorité d’astronomes lors de l’Assemblée Générale de l’Union Astronomique Internationale qui s’est tenue à Prague en août 2006. Elle est reléguée au rang de “planète naine”, au même titre que les nombreux astres découverts au-delà de son orbite.
Ce livre récapitule et analyse en détail le pourquoi et le comment de cette incroyable et irrationnelle décision contestée par de très nombreux astronomes de premier plan. Quelles sont les effets de cette “nanification” de Pluton sur son statut astrologique ? Faut-il remettre en question son influence et ses significations astro-psychologiques qui semblaient avérées depuis sa découverte en 1930 ? Les “plutoniens” ont-ils cessé d’exister depuis cette décision charlatanesque ? Ce livre pose également le problème des astres transplutoniens nouvellement découverts. Quel statut astrologique et quelles influences et significations précises leur accorder ?
Enfin, cet ouvrage propose une vision unitaire du système solaire qui démontre, chiffes et arguments rationnels à l’appui, que Pluton en est toujours un élément essentiel, ce qui est loin d’être le cas pour les autres astres au-delà de son orbite. Après avoir lu ce livre, vous saurez quoi répondre à ceux qui pensent avoir trouvé, avec l’exclusion de Pluton du cortège planétaire traditionnel, un nouvel argument contre l’astrologie !
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