Je ne suis pas un historien et la lecture des historiens de l’astrologie ne m’a, jusqu’ici, nullement convaincu de l’utilité de l’être, tant l’abondance complexe des faits se prête à la monomanie des interprètes. Je témoigne seulement, par prudence et rigueur, de ce que je sais, ce que j’ai lu. Mais si ma lecture des modernes est insuffisante devant l’absolu qu’il faudrait savoir, j’ai suffisamment lu pour dire que je ne connais pas de meilleur auteur qu’Henri Selva dont le Traité Théorique et Pratique d’Astrologie Généthliaque (Chamuel éditeur, 1900), vaudrait d’être imposé à la réflexion de tous les astrologues… traditionalistes et conditionalistes. Recommandation perfide pour les premiers s’ils sont traditionalistes-contemporains : H. Selva est rationnel, logique, analytique, cohérent, même en parlant d’Eau, Terre, Air et Feu… autant de traits qui expliquent son fait d’être peu connu. Conseil utile pour ceux d’entre nous qui ont besoin de références historiques dans leurs débats sur les fondements du zodiaque :
“Enfin, les effets élémentaires d’une Planète sont d’autant plus puissants qu’elle demeure plus longtemps au-dessus de l’horizon, ce qui revient à dire, que sa déclinaison boréale ou australe est plus grande, selon la disposition géographique du lieu d’où on l’observe.”
Combien connaissez-vous de traditionalistes au courant de ce postulat, fondement des zodiaques conditionalistes : la puissance varie avec la durée de présence au-dessus de l’horizon, donc selon les fonctions déclinaison céleste et latitude terrestre ?
À quoi bon l’astrologie moderne pour confondre notre critique désinformé ? Sortez votre Selva 1900. Et vous pouvez ajouter, lorsque l’interlocuteur réticent appuie sa tradition sur Gauquelin, que ce statisticien a effectivement prouvé la puissance des effets planétaires au-dessus du plan d’horizon, comparativement à ceux du dessous, mais que ni lui, ni les traditionalistes “compétents” ne citent ce précepte en grosses lettres chez Ptolémée. Serait-ce parce que systématisé, il conduit aux zodiaques conditionalistes ? De la part de Gauquelin et de ses supporters transparents, on ne saurait imaginer tant de vilaine malice. Enfin, quoi ! Ces gens ont bien prouvé à quel point ils aiment la vérité, non ?
Précurseur des grilles ordinales, Ptolémée a fait état d’autres critères que celui de la puissance déduite de la présence au-dessus du plan d’horizon.
Toujours selon mes modestes connaissances en histoire de l’astrologie, Dane Rudhyar est le premier à avoir donné une explicative du zodiaque à partir du jour et de la nuit, ainsi que de leurs rapports respectifs. Il l’a fait en métaphysicien, analogiste, symboliste abstrait, désignant le jour par “force-de-jour” personnalisante, la nuit par “force-de-nuit”, dépersonnalisante. Le jour ne nous montre que le Soleil, la nuit dévoile la multitude des étoiles. Telle est la corrélation analogique fondamentale. Or, pour les conditionalistes, le jour et la nuit ne concernent que le cas particulier du Soleil, sa présence (jour) ou son absence (nuit) au-dessus du plan de l’horizon local. La Lune ou un astre quelconque peuvent décrire leur arc diurne (au-dessus de l’horizon) aussi bien dans la lumière du Soleil (jour) que parmi les étoiles, sans lui (de nuit). Un Jupiter en Gémeaux pendant que le Soleil est en Sagittaire, parcourt son arc diurne la nuit, sur fond d’étoiles. C’est la durée de son arc, son sens croissant, qui caractérise l’influence Gémeaux et non la “force-de-jour” attribuée par Rudhyar à ce Signe.
Pour ces raisons et bien d’autres, on ne peut pas dire qu’il y a ressemblance, filiation, entre le zodiaque de Dane Rudhyar et le conditionaliste. Nous avons traité des mêmes phénomènes par des concepts différents pour des conclusions peu comparables. En 1954, je n’avais pas lu Ptolémée, je n’avais pas lu H. Selva, mais j’avais lu D. Rudhyar. Tout en tenant sa pensée en estime (ce que les conditionalistes ont toujours fait), avec le groupe astro-psychanalytique de Paris (indifférent, voire hostile à son égard) il n’appartenait pas davantage à ma recherche d’une astrologie rationnelle et naturelle (dans mon esprit, les deux étaient confondus).
L’ébauche du zodiaque photopériodique est née de la représentation schématique des 4 saisons : un cercle blanc rayonnant pour le printemps, un cercle blanc pour l’été, un cercle noir rayonnant pour l’automne, un cercle noir sans rayon pour l’hiver. J’y voyais 4 Soleils qui se sont spontanément baptisés : Energie pour l’image du premier, Espace pour le deuxième, Temps pour le troisième et Structure pour le quatrième. Leur logique (cycle : + +, + −, − +, − −) n’est apparue qu’après.
Pour différencier les Signes, il y avait certes les inévitables proportions de blanc et noir, faciles à visualiser par des cercles de grand, moyen, petit rayon et dont j’exprimais les rapports en termes de relation d’ordre avec :
a) Égal ou sensiblement égal, pour les Signes aujourd’hui dénommés Égalitaires ou de Sens des Contraires (Bélier, Vierge, Balance, Poissons).
b) Comparatif, plus grand et moins grand que… pour les Signes Paradoxaux ou de Sens des Combinaisons (Taureau, Lion, Scorpion, Verseau).
c) Superlatif, le plus grand et le plus petit, pour les Signes Ultraparadoxaux ou de Sens des Ensembles (Gémeaux, Cancer, Sagittaire, Capricorne).
Il y a des nuances entre ces relations d’ordre et les phases, mais les définitions se recoupent bien.
Toujours sensible au langage mathématique et aux nombres entiers, les Signes se trouvaient également définis avec 1 pour le Feu, 2 pour la Terre, 3 pour l’Air, et 4 pour l’Eau. À ces chiffres correspondaient des figures simples, ouvertes et fermées :
1. Le Cercle et le Point pour le Feu, parce que le point est un cercle ouvert et le cercle un point fermé.
2. Le Carré et la Croix pour la Terre, le carré étant une croix fermée, la croix un carré ouvert.
3. Le Triangle et l’Étoile pour l’Air, parce que l’étoile ouvre le triangle comme le triangle ferme l’étoile.
4. La Lemniscate (huit couché) et la Spirale pour l’Eau, parce que la spirale ouvre le huit comme le huit ferme la spirale.
Avec les proportions, les chiffres et les figures ouvertes et fermées, il y avait de quoi réécrire le Zodiaque en donnant à l’Energie-Espace-Temps-Structure des formes variées. Tel était mon projet sur ces bases assez surréalistes. Elles n’étaient pas destinées à consolider les Éléments mais à leur substituer une logique structurale.
Que restera-t-il de ces correspondances (troublantes ?) dans l’esprit de ceux qui me reprochent de négliger l’essence symbolique de l’astrologie ? Probablement rien… Ce qui me permettra, notamment dans les années à venir, de leur rafraîchir la mémoire sur la liberté conditionaliste (elle fait partie de mes “diktats”) de traiter le réel autant par le symbole que par le signal.
J’étudiais donc les ouvertures et fermetures de ce Zodiaque géométrisé lorsque, début 55, une collègue de bureau m’informait d’une typologie pavlovienne fondée sur 24 possibles. L’année précédente, un ami m’avait conseillé de lire Pavlov, persuadé, disait-il, que j’en retirerai grand profit. Là-dessus, j’avais acquis Œuvres Choisies sans les lire… mais après le dernier avis je me précipitai sur ses chapitres. Il aurait fallu être vigoureusement bouché pour ne pas comprendre d’excitation-inhibition, irradiation-concentration, décrivaient aussi bien les variations du zodiaque photopériodique que force, grandeur, mobilité, équilibre des processus fondamentaux de l’activité nerveuse. Il paraît que ce n’est toujours pas évident ?! Le noir sur blanc est peut-être ce qu’il y a de moins clair en symbolique. Pour moi, cette rencontre entre la forme (le photopériodique était dessiné) et les mots qui lui manquaient, renvoyait le zodiaque structural à plus tard.
Ses empreintes réduites subsistent dans La Condition Solaire. Et puis, au fil des années, loin de s’effacer, elles réapparaissent. Dès les premiers numéros d’Astrologique, j’ai précisé aux réfractaires de l’option neurophysiologique : “C’est Pavlov qui a découvert — sans le savoir — un zodiaque réflexologique. Le mien est philosophique.”
Comme de tout conditionalisme connu d’un public élargi, au-dessus des obstructions du parisianisme symbolo-magiste, c’est grâce à Françoise Hardy que le Zodiaque structural a commencé à s’exprimer dans certaines émissions (Les Signes du Destin) de Radio Monte-Carlo. Je ne vous apprends rien : historiquement, sans le soutien de Françoise que resterait-il des œuvres conditionalistes ? Des polycopiés pour initiés au maximum… Depuis, de même que je refuse d’être jugé comme un anti-symboliste, je ne sais plus tellement d’où vient, qui a créé le courant conditionaliste. On est plusieurs. Il n’y a que l’Intégration de vraie, à la condition de ne pas l’envahir de son Sujet, car c’est là que le Diable commence, dans la tentation de prendre l’Intégration pour Soi. J’y reviendrai avec l’histoire du S.O.R.I..
Les Signes du Destin, ce qu’ils imposent en vulgarisation, m’ont conduit à préciser ce que l’on pouvait retirer de l’Energie, de l’Espace, du Temps et de la Structure, autant de langages symboliques différents pour décrire les comportements spécifiques aux Signes inclus dans les quartes correspondantes. Autrement dit : l’Energie nous offre des analogies adaptées au Printemps, celles de l’Espace le sont pour l’Eté, le Temps porte à décrire les psychologies automnales, la Structure est bien venue, en tant que langage, pour parler des hivernaux. C’était un progrès dans la clarté : il y a des classes de symboles, des façons de s’exprimer qui différencient les Signes. Le langage que le Signe appelle ou conçoit le caractérise… C’est un moyen de se singulariser qui synthétise autant le symbole que le signal. En langage-symbolique, le Cancérien a besoin de limites et de son jardin secret, en langage-signal il construit un cirque (Barnum) ou un dirigeable (Zeppelin), autre façon, non-symbolique, de cerner un univers. Voie de synthèse et réunion des deux langages : Cancer, vous êtes comme un cirque, et vous, Barnum, votre cirque est un jardin secret…
L’Energie-Espace-Temps-Structure a tout du corps calleux qui arbitre l’oreille et les yeux ou qui permet d’entendre la musique avec ses yeux, voir la peinture avec ses oreilles.
Il vient qu’une série de tests sur les Signes devra utiliser les symboliques (formes) autant que les mots et les référentiels saisonniers, ce qui nous changera de la psychologie scientiste ou bornée par le Sujet.
Les rubriques quotidiennes de RMC de 1984 jettent le bouchon plus loin : la fonction dominante de la saison (en V+, L+, V−, L−) doit créer un terrain de perception sélective : les V+ sont plus doués que d’autres pour retenir des informations multiples du réel, les plus mobiles, les plus changeantes, les plus ressemblantes à elles-mêmes. En conséquence, si Energie V+, alors : Espace L+, Temps V−, Structure L−. Le vœu de Pavlov de réunion du Subjectif et de l’Objectif serait accompli. Il y a au moins deux façons de comprendre la complicité de ce couple. La plus répandue en astro-psychologie affirme : “Parce que vous êtes de Terre vous ne pouvez voir le monde qu’en matérialiste-positiviste…”, ce qui reviendrait plutôt en conditionaliste : “…vous êtes plus apte que d’autres à voir la part de matière dans le monde.” En moins gentil, il y a le choix entre “Parce que vous êtes un méchant boiteux, vous croyez que le monde boite méchamment…” et “En tant que méchant boiteux vous pouvez percevoir quand, en quoi et comment le monde ne va plus que sur une jambe”. Les deux applications sont possibles, mais que l’on puisse trouver dans le ciel natal celle qui l’emporte me paraît douteux. Il était fatal que les partisans de l’Horoscope-Sujet choisissent la réduction de l’objet au sujet comme solution unique.
Nos 4 référentiels se modulent sans contrainte avec les phases. Pour l’Espace et le Temps, images et exemples viennent facilement. L’espace infini du Cancer (un îlot sur l’océan), n’en n’est pas moins une voûte protectrice qui devient la cuirasse du Lion, son domaine d’action, avant de s’amenuiser en enveloppe corporelle, épiderme étroit, espace collant, étouffant quelquefois ou maîtrisé, domestiqué du Signe de la Vierge. Des modes et alternances de la Balance, des durées et échéances du Scorpion, des trajectoires temporelles du Sagittaire, il n’est pas difficile, non plus, de montrer les enchaînements, en vulgarisateur ou en philosophe. L’illustration des phases, pour l’Energie et la Structure, bien que l’on ait M. Planck Taureau (quantum d’action). Mendéliev Verseau (tableau des éléments chimiques), m’a semblé moins évidente. Il faut sans doute des connaissances poussées, d’une spécialisation qui éloigne des images sensibles.
Certains cas justifieraient un échange de plans de références entre Signes opposés, les mécanismes respectifs étant conservés, mais il doit y avoir alors deux planètes pour relier les Signes par un aspect d’opposition. Enfin, il m’est arrivé d’expliquer ces changements de référentiel (passage des “mutables” aux “cardinaux” en terminologie traditionnelle) par des problèmes qui n’ont de solution possible qu’au prix d’une mutation. Quand on ne peut pas être partout à la fois, ici et là-bas, on choisit d’être d’abord ici, ensuite là-bas (succession temporelle). Le choc des contraires de la Vierge se résoud en alternance de la Balance. Lorsqu’une civilisation, une ethnie, une plante terminent leur cycle de développement, on peut étudier leurs structures internes comme un arbre généalogique. Une orbite planétaire s’analyse avec rigueur au terme de son cycle. Tout ceci pour le passage du Sagittaire au Capricorne. J’imagine que le mouvement du Bélier libère des structures fermées et que l’espace commence où s’arrête l’énergie diffuse des Gémeaux.
Voilà un nouveau champ d’exploration extra-psychologique, plus flou pour le moment que les formules pavloviennes mais qui motive l’application de nos méthodes et concepts aux œuvres et personnalités représentatives du réel dit objectif, scientifiques, penseurs, découvreurs, généralement trahis par les interprétations réductives de l’astro-psychologie.
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