L’astrologie est née en Chaldée, au bord du Tigre et de l’Euphrate, il y a environ 5000 ans. Or l’astrologie babylonienne ignorait totalement la doctrine des 4 Éléments. Ces derniers n’ont en quelque sorte été “greffés” sur le corpus du savoir mésopotamien qu’aux environs du IIIe siècle avant J.-C., lorsque s’est produite la rencontre entre la vision du monde grecque et le savoir babylonien.
En ce sens, la doctrine Élémentale n’est absolument pas consubstantielle de la pensée astrologique originelle. Ce fait historique n’est pas, en soi, je vous l’accorde bien volontiers, un argument pour s’en méfier, la réformer ou la rejeter. Après tout, les éléments de psychanalyse freudienne que l’astrologue A. Barbault a lui-même greffés sur les théories astrologiques traditionnelles (1) étaient inconnus et inimaginables pour les Grecs comme pour les Babyloniens. Il en est de même pour Dane Rudhyar et l’astrologie humaniste, qui a tenté de faire la synthèse des doctrines astrologiques anciennes et des concepts de Carl-Gustav Jung (2). Et c’est encore plus vrai en ce qui concerne l’astrologie conditionaliste développée par J.-P. Nicola : la reformulation radicalement moderne et originale qu’il a entreprise à travers le R.E.T., la Théorie des âges et les zodiaques réflexologique et photopériodique était impensable pour nos ancêtres Chaldéens.
Tout savoir est amené à s’enrichir et se complexifier avec le temps qui passe et les progrès des connaissances. L’astrologie n’échappe pas à cette loi de l’évolution, n’en déplaise à ceux qui croient qu’elle est apparue d’un seul coup, parfaite et complète pour l’éternité.
Ceci dit, chaque époque, chaque culture produit ses paradigmes, ses grilles de lecture du réel. Traduction : on a les connaissances qu’on peut selon l’endroit et l’époque où l’on vit. Pour un médecin, un astrologue ou un philosophe grec de la grande époque hellénistique, la doctrine des quatre Éléments et son organisation interne à base de Froid-Chaud-Sec-Humide, offrait à l’intelligence et à l’observation un cadre conceptuel concret et structuré pour décrire et penser les réalités sensibles, le monde phénoménal.
C’est probablement Empédocle (−490/−420) qui le premier a imaginé la doctrine des 4 Éléments. Laquelle a permis à Hippocrate (−460/−377) de définir ses 4 “Tempéraments saisonniers” (Bilieux-Nerveux-Sanguin-Lymphatique). Plus tard et à sa suite, Aristote (−384/−322) a enfin théorisé la nature des Éléments en combinant les concepts de chaud, froid, sec et humide. Un peu avant ou sensiblement en même temps, Bérose (vers −320 selon les connaissances historiques actuelles) introduisait l’astrologie babylonienne dans le corpus du savoir grec classique.
Fig. 1 : en couplant chacune des 4 qualités élémentales (chaud, froid, sec & humide) avec une autre, on obtient les 4 Éléments (Feu, Air, Terre et Eau). Nombre de savoirs antiques (physique, chimie par ex.) se référaient à cette doctrine qui constituait une vision du monde largement partagée par les savants… mais pas l’astrologie ! Ptolémée dans sa Tetrabible ne se réfère qu’aux 4 qualités élémentales, et les 4 Éléments ne commenceront à être attribués aux Signes et aux Planètes qu’à partir du XVe siècle EC.
À partir du milieu du IIe siècle AEC, astronomes, médecins, physiciens et philosophes grecs pensent pour la plupart le monde à travers ces catégories Élémentales. Et c’est probablement à cette époque que s’opère la fusion entre, d’une part, le zodiaque babylonien primitif et la doctrine Élémentale, et d’autre part, l’identification des dieux-planètes chaldéens aux dieux du panthéon grec.
Si l’on s’en tient à la vision du monde physique, encore relativement simple et peu élaborée, qui régnait à cette époque, la doctrine des 4 Éléments paraît alors pleine de sens et de bon sens : il nous faut effectivement du Feu pour nous réchauffer, de l’Air à respirer, de la Terre pour nous nourrir et de l’Eau pour nous faire naître et nous abreuver. Hors de ces 4 Éléments physiques donc, point de salut ?
Fig. 2 : à partir des Ve-IIIe siècles AEC, les Chinois ont élaboré leur propre vision du monde, très différente et totalement indépendante de la doctrine hellénistique. Elle n’était pas fondée sur 4 Éléments, mais sur 5 Phases (wuxing) ou effets : Feu, Eau, Bois, Métal et Terre. Ces Phases se combinaient au taijitu taoïste : chacune avait un pôle Yin et un pôle Yang. Cette cosmologie très élaborée était elle aussi très largement partagée par les savants et les chronomanciens (équivalents lointains des astrologues occidentaux).
Ce n’est pas ce que penaisent les Chinois. Depuis très longtemps, avant même les Grecs, ils ont développé une autre doctrine Élémentale composée de 5 “agents” : le Feu, la Terre, le Métal, le Bois et l’Eau. Les Chinois n’ont donc pas jugé utile d’adjoindre l’Élément Air, pourtant physiquement indispensable à la survie. En manquaient-ils jusqu’à étouffer ? Respiraient-ils, en ces lointaines contrées peuplées d’“étranges étrangers”, du Métal ou du Bois ?
Ainsi, au moins deux doctrines Élémentales, conçues et imaginées par deux des plus grandes civilisations, sont-elles en compétition pour décrire le réel. A priori, rien ne permet d’affirmer qu’une des deux théories est “plus vraie” ou “meilleure” que l’autre. Pourtant, chacune peut légitimement prétendre à l’universalité, du point de vue de la logique interne de sa vision du monde.
Pour éventuellement les départager, seule la confrontation de cette logique interne de la théorie avec la logique en soi des phénomènes observés est adéquate. Autrement dit : c’est l’expérimentation qui permet de déterminer quelle est la théorie qui décrit et prédit le plus fidèlement les réalités objectives.
Que serait-il arrivé à la doctrine Élémentale appliquée à l’astrologie, et plus spécifiquement au zodiaque, si les Grecs avaient adopté le système chinois ? Il n’y aurait à coup sûr pas de triplicité d’Air. Mais alors, que deviennent Gémeaux, Balance et Verseau ? Sont-ils de Bois ou de Métal ? Enfin, sachant que les 12 Signes Élémentaux grecs s’obtiennent en multipliant par 3 les 4 Éléments, combien aurions-nous de Signes avec 5 Éléments ? 10 ? 15 ?
Cela fait déjà quelques siècles que plus aucun médecin, astronome, philosophe ou physicien sérieux ne se réfère à la doctrine des 4 Éléments pour décrire et penser le réel.
Sur le plan de la physique pure, la conception atomiste et même sub-atomiste s’est imposée et a démontré son efficacité pour comprendre la matière animée et inanimée. Sur le plan de la biologie, ces mêmes atomes s’organisent en molécules. Et les progrès inouïs qu’a connu en quelques années la médecine grâce à la biologie moléculaire démontrent très bien à quel point cette vision du monde est légitime et justifiée par l’expérimentation. Dans ce domaine, seuls des masochistes ou des candidats au suicide accepteraient aujourd’hui de se faire soigner par Galien (130/200 après J.-C.), apôtre de la médecine “Tempéramentale” et “Élémentale” hippocratique, dont les méthodes ont sévi jusqu’à la fin du Moyen-Age, avec les désastreux résultats que l’on sait.
Bref, tout être informé des connaissances actuelles sait que le réel n’est pas fait de 4 Éléments, mais d’une multitude de particules sub-atomiques qui s’organisent en atomes, lesquels en s’inter-organisant donnent naissance à des molécules, etc., chacun de ces différents niveaux de réalité ayant ses propres structures.
Fig. 3 : tableau périodique des 118 éléments chimiques connus (mise à jour officielle du 28/11/2016), ordonnés par numéro atomique croissant et organisés en fonction de leur configuration électronique. On doit la conception de ce tableau en 1869 au chimiste Mendeleïev. 118, c’est 29,5 fois les 4 Éléments traditionnels… qui ne figurent même pas dans ce tableau !
De même, les travaux et découvertes de la psychologie des profondeurs, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, ont modifié en profondeur notre conception de l’Homme et de son fonctionnement. Les “Tempéraments” hippocratiques ne permettent de le décrire que d’une manière simpliste et caricaturale. C.G. Jung l’a bien compris lui qui, le premier depuis très longtemps, a entrepris de reformuler une typologie psychologique à base de quaternaires (Sensation-Sentiment-Pensée-Intuition) plus subtils, plus dialectiques et, en un mot, plus complexes que ceux d’Hippocrate.
Chacun sait aujourd’hui que l’Homme n’est pas fait de Feu, de Terre, d’Air ou d’Eau, et que sa constitution psycho-physiologique ne saurait être exhaustivement décrite en termes de chaud-froid-sec-humide. Et il n’est nullement besoin d’être un astronome fanatique d’anti-astrologie pour pointer son télescope par exemple dans la direction du Signe du Taureau (ne pas confondre avec la constellation du même nom !), et découvrir que les 30° d’écliptique qui le définissent ne sont pas faits de Terre. Johannes Kepler, astronome-astrologue (1572–1630) a d’ailleurs été le premier à rejeter catégoriquement la doctrine des Éléments appliquée au zodiaque : “Pour moi, voilà dix ans que je rejette complètement la division en douze signes égaux, les maisons, les dominations, les triplicités”, écrit-il dans son Harmonia Mundi.
À la suite de Kepler, nombreux sont désormais les astrologues qui pensent que la doctrine des 4 Éléments, qui pendant des siècles a été le fondement de l’astrologie, est désormais dépassée. Les physiciens, les astronomes, les philosophes et les médecins l’ont abandonnée depuis la Renaissance, en constatant objectivement son faible pouvoir descriptif et prédictif. Pourquoi les astrologues devraient-il être les seuls à la maintenir ?
Un seul argument peut justifier cette position. Celui selon lequel “l’étude scientifique de la connexité observable entre les phénomènes célestes et les changements plus ou moins caractérisés dans la vie de groupes ou d’individus” (2) n’est pas du ressort de l’astrologie, laquelle “devrait être considérée comme un grand mythe capable d’inspirer et de favoriser de grandes réalisations psycho-spirituelles” (2).
Effectivement, si l’astrologie n’est jamais qu’un mythe, comme le Père Noël, pourquoi pas le décorer avec les antiques 4 Éléments ? Cela lui fait une belle barbe blanche et une hotte remplie de cadeaux symboliques… Mais c’est mépriser, et l’astrologie, et des générations d’astrologues-chercheurs, que de réduire l’astrologie à un conte de fées. L’astrologie n’est pas un mythe, c’est une science ignorée qui décrit les relations entre l’Homme et le système solaire auquel il appartient.
La grande majorité des astrologues continue donc de pratiquer une astrologie… élémentaire. L’un des plus fameux d’entre eux, André Barbault (3), justifie ainsi cette adhésion à la doctrine des éléments : “Je crois d’autant plus… à la catégorie des éléments que ce sont justement les valeurs des quatre Tempéraments hippocratiques dont rendent compte — avant tout ! — les bilans statistiques de Gauquelin. Il y a là une vérité têtue qui agit. Tel est mon réalisme.”
Rappelons que Michel Gauquelin, psychologue de formation, avait entrepris, au cours des années 50, de démontrer à l’aide des statistiques que l’astrologie n’était qu’un discours sans réalité (4). Sans y parvenir : en fait, à sa grande surprise, ses statistiques ont mis en évidence les effets sur l’être humain de cinq astres : Lune, Mars, Jupiter, Saturne et peut-être, selon lui, Vénus. Bref, selon Gauquelin, seules quatre planètes sur les dix utilisées par les astrologues auraient une véritable influence ; par ailleurs, ses études statistiques n’ont permis de mettre en relief aucun effet zodiacal.
Mais passons… Lorsque A. Barbault fait référence au bilan statistique de Gauquelin, c’est pour une simple raison : à l’époque où il écrit, seuls quatre astres du système solaire semblent avoir une influence certaine sur l’individu selon les statistiques… et justement, il y a quatre Éléments et Tempéraments. Or l’astrologie traditionnelle affecte une qualité Élémentale à chaque planète (5)… n’y aurait-il pas anguille analogique sous roche ?
Depuis, les statistiques Gauquelin ont aussi montré une influence de la Lune et de Vénus, ce qui a amené Barbault à formuler un système de correspondance plus général entre Planètes et tempéraments hippocratiques. Il s’est pour ce faire fondé (sans le dire) sur les 4 qualités élémentales (Chaud, Froid, Sec & Humide) auxquelles Ptolémée faisait référence pour tenter d’expliquer les influences planétaires. Dans sa Tetrabible, ce dernier décrivait ainsi, par exemple, l’influence de Jupiter comme “Chaude et Humide”, mais plus Chaude qu’Humide - ce qui la différenciait de l’influence de Vénus, elle aussi “Chaude et Humide”, mais plus Humide que Chaude. Barbault en a conclu, en adaptant Hippocrate à Ptolémée, que les tempéraments planétaires pouvaient être de types mixtes, par exemple “Bilieux-nerveux” ou “Sanguin-flegmatique”...
Si l’on n’est pas trop exigeant et rigoureux au plan des définitions, on peut en effet considérer que le “type” lunaire est analogue au “Lymphatique”, le marsien au “Bilieux”, le jupitérien au “Sanguin” et le saturnien au “Nerveux”. Mais les recherches de Gauquelin ayant quand même mis en valeur l’existence statistique probable d’un “type” vénusien, dans quelle catégorie faut-il ranger ce dernier ? Selon A. Barbault, ce serait un type mixte, “Sanguin-Lymphatique”. Et dire qu’avec les cinq Éléments chinois, tout serait tellement plus simple : cinq planètes statistiques, cinq Éléments…
Si l’on accepte qu’il y a analogie entre les Tempéraments hippocratiques (et par extension avec les Éléments) et les fonctions planétaires, il est indispensable de faire preuve de la même rigueur qu’Hippocrate et Aristote pour traiter de ce phénomène. En cela, à chaque type “pur” et à chaque type “mixte” devrait correspondre une fonction planétaire.
Fig. 4 : correspondances entre les 4 tempéraments dits “Hippocratiques” et les 10 Planètes selon André Barbault. Ce modèle implique des types planétaires mixtes. Exemples : Soleil, Uranus et Mars y sont tous trois “Bilieux” donc “Chauds et Secs”, mais le Soleil et Uranus sont plus Secs que Chauds : ce sont donc des Bilieux à tendance Atrabilaire, alors que Mars, plus Chaud que Sec, serait un Bilieux à tendance Sanguine. Rappelons ici qu’Hippocrate (Ve siècle AEC) était un médecin qui ne se souciait pas d’astrologie, et pour cause : à son époque, l’astrologie était absente des corpus de savoirs grecs.
Classer chaque planète dans la case Tempéramentalo-Élémentale hippocratico-ptolémaïque n’avait rien d’une partie de plaisir. C’est sans doute pour cette raison qu’Adndré Barbault ne fait que de brèves allusions, dans son Traité pratique d’astrologie, aux types mixtes de sa typologie hippocratico-ptolémaïque, qu’il se recentre sur les Éléments purs pour définir les Planètes et qu’il se réfère aux catégories de Le Senne lorsqu’il s’agit de définir le profil caractérologique des trois plus lointaines planètes. Ainsi Uranus serait-il un “Passionné (Émotif-Actif-Secondaire)”, Neptune un “Émotif sous-Actif”, tandis que Pluton n’a droit à aucune rubrique “caractérologie”, ce qui est pour le moins étrange… Serait-ce la preuve inavouée et inavouable que le système des Éléments et des Tempéraments ne s’applique pas vraiment aux fonctions planétaires ?
Tableau 2 : correspondances entre les facteurs astrologiques, les 4 Éléments et les tempéraments hippocratiques. Les descriptifs des Planètes sont des extrapolations logiques de la fig. 2. André Barbault n’en est pas l’auteur, mais l’inspirateur, et c’est à ces descriptifs qu’il serait arrivé s’il avait été au bout de sa logique… ce qu’il n’a pas fait.
L’affaire se complique encore si l’on prend en compte les Maîtrises qu’exerceraient les planètes sur les Signes. On se retrouve alors confronté à une accumulation de contradictions illogiques.
Tableau 3 : récapitulation de la doctrine des Maîtrises zodiaco-planétaires, de ses contradictions, illogismes et absurdités. La dernière colonne renseigne sur le degré de logique interne de chaque Maîtrise. Un “+” signifie que la Maîtrise est logique (la Planète et le Signe sont de même Élément). Un “–” signifie que la Maîtrise est illogique (la Planète et le Signe ont des Éléments antagonistes). Un “±“ signifie que la Maîtrise moyennement logique (la Planète et le Signe ont au moins un point comun Chaud, Froid, Sec ou Humide). Sur un total de 15 Maîtrises, seules 7 sont logiques, 4 le sont moyennement et 4 sont illogiques.
Ça ne colle que pour la Lune, le Soleil et Neptune. Toutes les autres Maîtrises produisent, à des degrés divers, des résultats logiques aberrants. Recordman absolu : Jupiter. Cette planète “Air-Sanguin” ne maîtrise aucun Signe d’Air, ce qui est quand même un comble ! Par ailleurs, il serait logique d’avancer que les planètes qui gouvernent deux Signes, donc deux Éléments-Tempéraments, devraient être des “types” Élémentaux mixtes. Ce n’est pas le cas pour la plupart d’entre elles, et les astrologues partisans des Maîtrises se sont bien gardés de s’engager dans cette voie compliquée et hasardeuse. Il est par exemple difficile d’imaginer un type mixte Feu-Eau pour Mars qui gouverne à la fois le Bélier (Feu) et le Scorpion (Eau), ces deux Éléments étant antinomiques...
Ces quelques réflexions sur les Maîtrises nous conduisent tout naturellement à nous pencher sur l’application des Éléments aux Signes du zodiaque. Chacun d’entre eux appartenant à une saison solaire, il en découle, en astrologie traditionnelle, que chaque saison a elle aussi une qualité Élémentale fondée sur des principes plus météorologiques qu’astro-tempéramentaux.
Fig. 5 : correspondances entre les 4 Éléments et les saisons solaires. Ces correspondances fondées sur des principes météorologiques sont bien sûr idéales : dans la réalité, il y a des débuts de printemps froids et humides, des automnes et des étés pluvieux, et des hivers peu froids et sans neige. De plus ces analogies ne valent que pour les latitudes tempérées de l’hémisphère Nord, et encore : même sans évoquer les conséquences sur les saisons des dérèglements climatiques actuels, les saisons astronomiques sont décalées par rapport aux saisons météorologiques.
▶ Le Printemps, Humide et Chaud, appartient à l’Élément Air (Tempérament Sanguin).
▶ L’Été, Chaud et Sec, appartient à l’Élément Feu (Tempérament Bilieux).
▶ L’Automne, Froid et Sec, appartient à l’Élément Terre (Tempérament Nerveux).
▶ L’Hiver, Froid et Humide, appartient à l’Élément Eau (Tempérament Flegmatique).
Fig. 6 : les saisons astronomiques et météorologiques commencent à des dates différentes. En France par ex., les températures moyennes maximales sont enregistrées vers la mi-juillet, qui est donc considéré comme le milieu de l’été. Ce qui explique pourquoi pour la météorologie, l’été commence début juin et s’achève fin août. Même raisonnement pour l’hiver, qui commence le début décembre et s’achève fin février. Entre ces deux saisons s’intercalent le printemps et l’automne. Ne serait-ce que pour ce décalage, les principes astro-météorologiques ne sont pas pertinents pour définir les caractéristiques des Signes.
On remarquera tout d’abord que l’automne, saison de “Terre-Nerveuse”, ne comporte strictement aucun Signe de Terre. De quoi rendre un brin… “Nerveux” les esprits logiques ! Ainsi, selon A. Barbault, la Balance serait “construite sur l’équilibre de deux tempéraments opposés : un Nerveux (Saturne)… et un Sanguin (Vénus)”. Notons en passant que Vénus a perdu dans l’histoire sa moitié de Tempérament Lymphatique. Par contre, le Maître de ce Signe d’Air, donc Sanguin, est une planète Sanguine. C’est toujours ça.
Ça se gâte avec le Scorpion. Ce Signe d’Eau devrait en toute logique hippocratique être un Lymphatique. Mais selon A. Barbault, il aurait un “tempérament Bilieux”. Donc une nature de Feu, sans aucun rapport avec la Saison à laquelle il appartient... ni avec l’Élément Eau, antinomique avec le Feu. Ce doit être la faute à son Maître Mars, planète de “Feu-Bilieux”. Bilan Élémentalo-Scorpionnesque : le Feu Bilieux gouverne donc l’Eau Lymphatique dans une Saison de Terre Nerveuse. Quant au Sagittaire, c’est un Signe de Feu, donc Bilieux. Mais il est gouverné par une planète d’Air, Jupiter, ce qui le rend pour le moins Sanguin, tandis que sa seconde Maîtrise traditionnelle sur les Poissons ajoute une touche de Lymphatisme. C’est beaucoup pour un seul Signe !
Il faut reconnaître que la plupart des astrologues, probablement déjà interloqués par les incohérences et contradictions des Maîtrises planétaires, se sont rarement aventurés dans l’interprétation systématique d’une typologie astro-psychologique saisonnière fondée sur les 4 Éléments. Ils se contentent généralement, pour les plus honnêtes, d’en signaler l’existence en se gardant bien de l’exploiter dans leurs interprétations, sous peine de graves traumatismes neuronaux...
Il est décidément bien difficile de comprendre la mystérieuse logique interne du zodiaque des Éléments avec ses Maîtrises. C’est du bric-à-brac. Comme le disait l’astronome-astrologue Kepler quelques siècles plus tôt : “Il n’y a rien de plus honteux que le souci pratiquement unique de certains astrologues de distribuer douze Domiciles entre les sept planètes par une sorte de crédulité puérile faisant fi de toute réflexion solide et philosophique… C’est là l’origine de toute superstition magique et astrologique.” Et ce n’est pas tout !
Le zodiaque Élémentaire semble exister depuis toute éternité. Nombre d’astrologues font de ses 12 Signes qui alternent quatre fois le Feu, la Terre, l’Air et l’Eau, des principes quasi-métaphysiques et l’essence même d’une Tradition astrologique primordiale. Pourtant on n’en trouve nulle mention dans la Tetrabible de Ptolémée parue au IIe siècle EC. Ce livre de ce grand savant qu’ils appellent le “prince des astrologues” - la plupart du temps sans l’avoir lu - est pourtant entre autre une encyclopédie qui compile les savoirs astrologiques traditionnels. Si l’application de la doctrine des 4 Éléments au zodiaque et aux Planètes avait été connue à son époque, nul doute qu’il en aurait fait état.
De même, dans sa propre explicative du zodiaque, jamais il ne fait appel aux 4 Éléments. Pour Ptolémée, les influences des Signes sont définies par leur situation astronomique (déclinaisons équinoxiales, solsticiales et médianes, et les rapports diurne-nocturne que celles-ci induisent), par leur positionnement successif à l’intérieur des quatre quartes ainsi définies (état cardinal, fixe, mutable) ainsi que par leur genre (alternativement Masculin et Féminin).
La raison de cette absence des 4 Éléments chez Ptolémée est simple : avant lui et de son temps, la doctrine Élémentaire ne faisait pas partie des références de l’astrologie. Ce que l’on désigne aujourd’hui couramment sous le terme d’astrologie “classique” ou “traditionnelle”, et qui se caractérise avant tout par l’application systématique de la théorie des 4 Éléments à la fois au zodiaque et aux Planètes pour en définir l’identité et en expliquer les significations, est donc une invention très récente. Cette application systématique, élevée au rang de doctrine, n’a en effet au mieux que 5 siècles d’existence, ce qui est peu comparé à l’histoire multimillénaire de l’astrologie.
Fig. 7 : le zodiaque des 4 Éléments et ses Maîtrises planétaires tel qu’il n’apparaît nulle part dans la Tetrabible de Ptolémée. Dans ce livre il n’évoque les 4 Éléments qu’une seule fois dans les 220 pages de l’édition de 2000… mais c’est pour s’en démarquer.
Cette apparition tardive d’une astrologie Élémentale est probablement une conséquence de la redécouverte simultanée des œuvres d’Aristote et de Ptolémée. Il est probable que peut-être un mais plus certainement plusieurs astrologues, entre le XIIe et le XVe siècle EC, ont eu l’idée de croiser et mélanger les 4 Éléments d’Aristote avec l’astrologie selon Ptolémée, sans se soucier de leurs incompatibilités manifestes et sans aucun égard pour l’originalité des conceptions de ce dernier et de son souci constant d’associer astronomie et astrologie. L’identité de ce ou ces astrologues est inconnue et le restera probablement compte tenu des archives connues. C’est un indice qui incite à penser que cette invention n’est pas l’œuvre d’un unique personnage : il est presque certain que celui-ci aurait tenu à imprimer sa marque personnelle sur une telle innovation, et que les chroniqueurs contemporains s’en seraient fait l’écho. Or il n’en n’est rien.
En bref : ce n’est qu’à partir du XVe siècle et de la Renaissance qu’on trouve des documents de plus en plus nombreux faisant état du zodiaque des 4 Éléments. Celui-ci est donc une invention, un collage récent dans la longue histoire de l’astrologie : au début du XXIe siècle, il n’a guère qu’environ 500 ans d’existence.
Tableau 4 : récapitulation des composants qui structurent le zodiaque traditionnel, les Maîtrises étant mises à part. On observe ici l’absence des saisons solaires : celles-ci ne sont en effet jamais utilisées dans les interprétations astro-psychologiques qui peuvent être réalisées à partir de ces données.
L’astrologie traditionnelle a également attribué des qualités Élémentales aux quatre quadrants de la sphère locale (AS/MC, MC/DS, DS/FC, FC/AS). La plupart des astrologues n’utilise jamais ces attributions, et pour cause : ils ont déjà largement assez à faire avec les illogismes et contradictions des 4 Éléments appliqués aux Planètes, aux Signes, aux saisons et aux Maîtrises pour ne pas en rajouter encore !
Fig. 8 : les 4 Éléments appliqués à la sphère locale. Cette répartition est une conséquence d’une analogie avec le zodiaque solaire : lorsque le Soleil est au FC, c’est minuit et il fait donc plus froid que quand il est au MC, à son midi, moment à partir duquel sa chaleur va croître l’après-midi (quart MC-DS de Feu). (Ana)logiquement, les 2 Éléments Chauds (Air & Feu) sont au-dessus de l’horizon (axe AS-DS) et les 2 Éléments Froids (Terre & Eau) en-dessous.
On pourrait déjà se questionner sur le pourquoi de ces attributions arbitraires. Pourquoi l’AS serait-il Humide ? “À cause de la rosée du matin”, répondront les analogistes. Pourquoi pas. Mais pourquoi avoir attribué le Sec au DS ? “Parce qu’il n’y a pas de rosée au crépuscule”, soutiendront les mêmes. Et s’il tombe une bonne averse au coucher du Soleil ou d’une quelconque planète ? Attribuer le Chaud au MC et le Froid au FC semble apparemment logique. C’est en effet lorsque le Soleil passe au MC, à midi, qu’il fait le plus chaud (en fait environ une heure après), tandis que les températures les plus froides apparaissent… non pas vers minuit, lorsque l’astre du jour est au FC, mais une ou deux heures avant le lever du Soleil. Oui, mais lorsque c’est Pluton qui, en plein hiver, est au MC, alors que le Soleil est au FC, Pluton envoie-t-il de la Chaleur ? Non, bien entendu…
On sait que la pensée purement symboliste fonctionne selon le principe de la loi d’analogie. Ainsi existe-t-il une analogie entre le zodiaque (cycle annuel du Soleil dans le plan écliptique) et la sphère locale (parcours des astres autour de l’horizon au cours du mouvement diurne-nocturne de 24 heures). Cette analogie est patente lorsqu’on aborde les significations traditionnelles des Maisons : la Maison I a des valeurs Bélier, la II des valeurs Taureau, etc.
Fig. 9 : analogie entre les 12 Signes et les 12 Maisons. L’astro-symbolisme Élémentaire n’a pas été jusqu’à attribuer un Élément à chaque Maison, mais il n’en est pas passé loin en faisant cette analogie fumeuse, que de très nombreux astrologues reprennent malheureusement à leur compte.
Dans le registre des analogies primaires, on constate également que la Maison X, au plus haut de l’hémisphère diurne (MC = Chaud) est analogue au Capricorne et donc au solstice d’hiver, alors que le Capricorne est “Froid et Sec” (Signe de Terre). Miracle symboliste : le Chaud est analogue au Froid ! Réaction “réaliste” devant un tel phénomène : quand le thermomètre dépasse +40° à l’ombre, enfilez votre anorak.
Idem pour la Maison IV, analogue au Cancer, mais en un peu plus compliqué : le Cancer, Signe d’Eau, est Froid et Humide, tandis que sa proximité du solstice d’été en fait un Chaud, et que son appartenance à la quarte d’été le rend Chaud et Sec. Autrement dit, le Cancer est Froid, Humide, Chaud et Sec.
Un véritable tour de force, et un nouveau miracle de l’analogisme symboliste. Réaction “réaliste” conseillée si vous croyez encore aux Éléments, Maîtrises et Tempéraments appliqués à l’astrologie : vers 23 h entre le 21 juin et le 21 juillet, lorsque le Soleil se trouve en Cancer et en Maison IV, habillez-vous chaudement d’un slip de bain pour éviter un refroidissement, et mettez un imperméable pour vous protéger de la sécheresse.
L’analogisme, c’est comme le cœur… il a ses raisons que la raison ignore. On sait que l’astrologie traditionnelle, Élémentale, a largement puisé dans le panthéon de la mythologie grecque pour justifier les significations planétaires. Quelques exemples suffiront : Zeus (Jupiter chez les Romains) gouverne entre autre “la foudre, le tonnerre, la lumière” (6). Toutes choses qui font irrésistiblement penser à l’élément Feu… alors que le Jupiter astro-Élémental relève de l’Air-Sanguin. Ça ne colle pas. La déesse Vénus, quant à elle, protégeait “les potagers, assurant la fécondation es fleurs et la maturation des plantes” (6). Il y a dans ce cas analogie avec l’Élément Terre… alors que la Vénus astro-Élémentale est “Air-Eau”. En revanche, Saturne, dont l’Élément est la Terre, présidait aux semailles et moissons. Ouf. Aucune cohérence, aucune homogénéité dans ces liaisons analogiques. Il y a de quoi douter fortement de leur pertinence.
Le zodiaque symbolico-Élémental est donc essentiellement structuré par le quaternaire Élémental combiné au ternaire Cardinal-Fixe-Mutable. Les Maîtrises peuvent être mises à part, puisqu’elles concernent les Planètes.
Si l’on oublie les réalités astronomiques qui fondent le zodiaque et si l’on range au rayon des accessoires les caractéristiques Élémentales de chaque saison, le système n’a rien de fondamentalement dérangeant. À chaque Signe est attribuée une qualité Élémentale. La succession et la répétition à l’identique, selon un ordre arbitraire, du quaternaire Feu-Terre-Air-Eau permet d’obtenir les grands trigones des triplicités Élémentales, tandis que la division en Signes Cardinaux, Fixes et Mutables rend efficacement compte de leur situation en début, milieu ou fin de saison.
Par contre, si l’on se réfère aux réalités astronomiques, c’est-à-dire naturelles, qui fondent le réel zodiacal, le zodiaque traditionnel se caractérise par une profonde indigence. À l’exception de la succession des Signes et de leur position dans chaque saison solaire, aucune des réalités observables ne transparaît dans ce zodiaque symboliste. Nous allons le démontrer dans les sections suivantes.
Le zodiaque Élémental se caractérise tout d’abord par la succession des 12 Signes structurée par les 4 Éléments à partir du Bélier, selon l’ordre Feu, Terre, Air & Eau. Cette succession est elle-même structurée par une alternance : celle des Éléments dits “masculins-actifs” (Feu & Air) et “féminins-passifs” (Terre & Eau). C’est cette alternance de genre que nous allons d’abord examiner.
Bien avant que la théorie des 4 Éléments ne soit systématiquement appliquée au zodiaque, les 12 Signes avaient chacun reçu une assignation de genre sexuel qui constituait une part essentielle de leur identité. Ces attributions étaient bien entendu purement analogiques et symboliques : rien, absolument rien dans la définition astronomique et naturelle du zodiaque solaire, ne permet de penser que les 360° de l’écliptique seraient divisées en 12 parties sexuellement genrées. Quelles sont alors les raisons ou déraisons de cette alternance ?
Ptolémée explique dans la section 12 du Livre I de sa Tétrabible la raison pour laquelle le Bélier est considéré comme le premier Signe. Elle est à la fois saisonnière et météorologique : “même si le zodiaque en tant que cercle n’a pas un point de départ naturel et défini, on est convenu que le Signe qui commence avec l’équinoxe de printemps, le Bélier, est aussi le point de départ de tous les autres Signes zodiacaux. On fit de la surabondance d’humidité du printemps la cause initiale du zodiaque, comme s’il s’agissait d’un être vivant, et on plaça à la suite les autres saisons”.
Ptolémée accordait en effet la plus grande importance aux saisons astro-météorologiques et, comme on l’a vu, le printemps était régi par l’Élément Air, chaud et humide. Ce qui n’est guère compatible avec l’attribution du Feu chaud et sec au Bélier, Signe inaugurant cette saison. C’est peut-être l’une des raisons qui a pu l’inciter à dédaigner les 4 Éléments dans son explicative des Signes, et à lui préférer l’alternance masculin-féminin, qui était en quelque sorte “neutre” vis-à-vis des saisons.
Quant à cette alternance elle-même, Ptolémée en explique la raison dans la section 13 du même Livre : “la tradition a assigné six des douze Signes à la nature masculine et diurne et autant à la nature féminine et nocturne. Elle a donné aux Signes un ordre alterné, car le jour est toujours couplé à la nuit et proche d’elle et la femelle toujours liée au mâle et proche de lui. Comme le point de départ se prend au Bélier […] et que le mâle domine et a la première position, puisque ‘l’actif’ est toujours supérieur au ‘passif’, les parties du zodiaque que sont le Bélier et la Balance sont tenues pour masculines et diurnes”. Une autre raison est que le cercle équinoxial qui passe en elles accomplit le premier et le plus puissant mouvement de l’univers entier”. Le mouvement en question est celui déterminé par le passage du Soleil sur les deux points équinoxiaux : l’équinoxe de printemps voit la durée des jours devenir supérieure à celle des nuits, tandis que c’est l’inverse qui se produit à l’équinoxe d’automne.
Ptolémée n’explique donc l’alternance des Signes que par une assignation machiste de la “tradition” : étant donné que le masculin domine le féminin, le premier Signe (dont il rappelle que ce n’est qu’une convention) ne pouvait être que masculin, le féminin Taureau (qui aurait dû être une vache ?) étant prié de le suivre docilement. Cela d’autant plus que le Bélier jouissait du privilège de voir le triomphe du jour croissant sur la nuit décroissante, du diurne sur le nocturne. Or justement, la même “tradition” postulait que le masculin était diurne et le féminin nocturne… Toutes ces causes s’emboîtaient donc presque parfaitement dans cet univers mental dominé par l’analogisme et le symbolisme.
L’application systématique tardive de la théorie des 4 Éléments au zodiaque n’a pas fondamentalement changé les termes et la signification de cette alternance genrée, le Feu du Bélier étant un Élément masculin et la Terre du Taureau un Élément féminin, etc.. On ne saura jamais si Ptolémée n’aurait pas préféré que le Taureau fût un Signe d’Eau, afin d’ajouter un peu d’humidité dans le printemps qui ne compte qu’un Signe humide, les Gémeaux (Signe d’Air, chaud et humide, comme la saison où il occupe la troisième et dernière place).
Ajoutons pour finir que l’explicative de l’alternance par l’invocation de la “tradition” ne relève pas d’une causalité naturelle et/ou rationnelle. Il est néanmoins raisonnable de penser que les observations accumulées par les astrologues au cours des siècles les ont amenés à constater que le zodiaque semblait faire alterner des Signes plutôt “actifs, excités” et d’autres “passifs, inhibés”. Ce qui aura été traduit, selon les canons analogiques de la pensée de ces époques, par l’alternance du “masculin” et du “féminin”.
Notons au passage une énorme contradiction qui n’a pas semblé gêner Ptolémée : il qualifiait ainsi la Balance de Signe “masculin et diurne”… alors qu’à partir de l’équinoxe d’automne dans l’hémisphère Nord, le nocturne l’emporte pour la première fois sur le diurne, puisque la durée des nuits devient dominante. Le même type de contradiction ne semble pas non plus gêner les tenants du zodiaque Élémental, puisque la Balance, Signe d’Air chaud et humide, succède à l’été de Feu chaud et sec, et inaugure l’automne de Terre froide et sèche. Mais qu’il soit celui de Ptolémée ou celui des 4 Éléments, le zodiaque est comme ça : bourré d’incohérences, d’illogismes et de contradictions internes.
Bilan : l’alternance des Signes du zodiaque des 4 Éléments, comme celle du zodiaque de Ptolémée, est fondée sur le binaire symbolique diurne-nocturne. Elle est contradictoire avec la réalité des rapports diurne-nocturne qui fonde le zodiaque naturel, astronomique. Deux exemples suffisent à illustrer cette contradiction majeure. Le Cancer est selon cette classification un Signe d’Eau nocturne ; mais les durées diurnes sont très supérieures aux durées diurnes quand le Soleil est en phase Cancer. De même, le Sagittaire est un Signe de Feu symboliquement diurne… mais quand le Soleil est en phase Sagittaire, les durées nocturnes son très supérieures aux diurnes. Il faut donc chercher ailleurs que dans les 4 Éléments et leurs genres les raisons de l’alternance des Signes.
Commençons par la succession des Signes et l’appartenance de chacun d’entre eux, dans l’ordre successif à l’intérieur d’une saison (pour le zodiaque solaire) ou d’un quadrant (pour la Lune et les planètes, qui ont leurs propres zodiaques).
Tableau 5 : la colonne “Quadrants” correspond aux 4 trios successifs de Signes. Pour les Signes solaires et pour eux seuls, elle correspond aux 4 saisons. On observe que les 4 quadrants, qui devraient renseigner sur ce qui réunit leurs trios zodiacaux (les 3 Signes d’une même saison pour le zodiaque solaire), ne le font pas. En effet, seul l’un des Éléments des 3 Signes qui le composent est identique à celui de de leur quadrant (quadrants Feu, Air et Eau). Quant au quadrant Terre, aucun de ses 3 Signes n’a le même Élément que lui, ce qui est un comble d’illogisme. Les quadrants traditionnels mettent donc en relief ce qui divise leurs composants, alors qu’ils devraient montrer ce qui les unit. C’est de cette unité dont font état les phénomènes astronomiques des 2 colonnes de droite… et qui fonde en réalité la pertinence naturelle du zodiaque.
Bilan du tableau 5 : la composition des 4 trios de Signes des quadrants “saisonniers” n’est pas pertinente pour rendre compte des phénomènes astronomiques concrets, naturels et observables qui fondent le zodiaque. Exemple : les 3 Signes du premier quadrant (printemps pour le zodiaque solaire) ont en commun une croissance diurne (jour pour le Soleil) dominante en durée. Ce phénomène se traduit chez l’être humain, sur un mode adapté, par la “vitesse d’excitation” (vivacité, mobilité, ouverture au quart de tour, disponibilité immédiate). La conception Élémentaire du zodiaque interdit la prise en compte de ce mode de fonctionnement, pourtant commun au Bélier, au Taureau et aux Gémeaux.
Pour qu’elle devienne pertinente, il faudrait que la conception Élémentaire du zodiaque abandonne toute référence aux 4 Éléments. Ce qui est bien entendu une impossibilité logique et serait un suicide épistémologique.
Son aptitude à rendre compte de la dynamique des phénomènes astronomiques concrets, naturels et observables qui fondent les 12 Signes n’est pas meilleure si l’on considère le zodiaque traditionnel sous l’angle de ses 4 Modes ou États (Cardinal, Fixe & Mutable) plutôt que sous celui des 4 Éléments, ce que montre bien le tableau suivant.
Tableau 6 : les 3 quatuors d’État, dont chacun réunit 4 Signes d’Éléments différents en fonction de leur situation à l’intérieur d’un quadrant (saisons pour le zodiaque solaire), sont l’un des piliers du zodiaque traditionnel. Cette catégorisation peut sembler pertinente : comment contester le fait que toute chose a un début, un milieu et une fin et que ces trois étapes ont des sens différents ? Mais elle n’est pas pertinente si on confronte les 3 quatuors aux phénomènes astronomiques qui les sous-tendent. En effet, elle occulte deux phénomènes majeurs : les phases équinoxiale (Poissons, Bélier, Vierge, Balance) et solsticiale (Gémeaux, Cancer, Sagittaire, Capricorne). Ces deux phases, en dépit de leurs très fortes dissemblances (sensible égalité diurne-nocturne pour les Signes équinoxiaux, inégalité diurne-nocturne maximale pour les Signes solsticiaux) sont pourtant incompréhensiblement associées dans les quadrants des Cardinaux et des Mutables.
Bilan du tableau 6 : les 3 quatuors d’État sont donc composés des Signes Cardinaux, Fixes et Mutables. Ces trois statuts sont en rapport avec des caractéristiques astro-psychologiques bien définies, lesquelles peuvent être agonistes ou antagonistes avec celles que chaque Signe doit à son Élément.
Pour le vérifier on peut consulter le Dictionnaire astrologique de Henri Gouchon (Dervy-Livres 1974). Concernant les Signes Cardinaux par exemple, Signes des débuts, on y lit que “une majorité de planètes dans ces Signes est un indice de mouvement, d’initiative, d’action, d’esprit d’entreprise. […] Par contre, tendance à l’impulsion, à la précipitation”. Ce descriptif est quasi identique à celui que l’Élément Feu confère au Bélier : “l’initiative, le progrès, l’action rapide et souvent même précipitée, l’esprit d’aventure, le désir de découvrir”. Mais il est contradictoire avec l’Élément Eau du Cancer : “Activité faible et irrégulière, manque de réalisme, […] peu de courage, d’initiative et de confiance en soi, […] tendance au laisser-aller, à la rêverie”, avec l’Élément Air de la Balance : “L’effort sous toutes ses formes est très pénible, […] il a peu d’initiative et a souvent besoin d’être poussé, aidé par un collaborateur pour agir”, et avec l’Élément Terre du Capricorne : “Activité lente mais régulière, assidue, méthodique et consciencieuse. […] Parfois le sens exagéré des responsabilités entrave ou retarde l’action. […] Pas spécialement doué pour innover, mais bien pour agir selon des directives précises et dans un domaine parfaitement connu”.
Inutile de continuer avec d’autres exemples : dans le même dictionnaire on trouve très fréquemment les mêmes contradictions entre les caractéristiques attribuées aux Signes Fixes et Mutables et celles des Éléments. Ces contradictions permettent sans doute aux astrologues de toujours avoir raison, mais elles suggèrent aussi un défaut systémique : les qualités & défauts attribués aux trois États sont peut-être tout simplement illusoires.
Mais le plus grave est que les 3 quatuors d’État ne rendent pas compte de ce qui caractérise astronomiquement - et donc astrologiquement - les Signes équinoxiaux et solsticiaux. Très rares sont d’ailleurs les astrologues traditionnels qui interprètent les Signes en fonction du rapport de leurs durées diurnes et nocturnes (jours et nuits pour le Soleil). Dans le dictionnaire précité, il n’y a d’ailleurs pas d’entrées spécifiques pour les mots “équinoxial” et “solsticial”, et les mots “équinoxe” et “solstice” renvoient à l’entrée “Cosmographie”.
Les mentions équinoxiales ou solsticiales des Signes n’étaient pourtant pas absentes dans la Tétrabible de Ptolémée (qui n’avait que faire des 4 Éléments, répétons-le). Dans cet ouvrage les États n’étaient pas 3 mais 4 : “Équinoxiaux, Solsticiaux, Solides, Bicorporels”. Selon cette classification, seuls les Signes situés après les équinoxes (Bélier et Balance) étaient catégorisés en tant qu’Équinoxiaux et ceux après les solstices (Cancer et Capricorne), en tant que Solsticiaux. Ces Signes, lorsqu’ils sont solaires, marquent le début des 4 saisons. Suivent les Signes Solides de milieu de saison (Taureau, Lion, Scorpion, Verseau) lesquels, situés entre le début et la fin, “nous touchent avec plus d’intensité”. Puis les Signes Bicorporels (Gémeaux, Vierge, Sagittaire, Poissons) qui selon Ptolémée “sont ainsi désignés parce qu’ils sont placés entre les Signes Solides et les Signes Solsticiaux et Équinoxiaux et participent donc aux propriétés naturelles […] des deux conditions”. Ce qui signifie que les Signes Bicorporels, en fin de saison, ont une fonction transitionnelle et synthétique (préparation de la saison suivante à partir de l’actuelle).
Le problème de cette classification réside dans le fait que les Signes Bicorporels sont en fait un groupement de Signes équinoxiaux et solsticiaux situés avant les équinoxes (Vierge, Poissons) et solstices (Gémeaux, Sagittaire). Bref, contrairement à ce que théorisait Ptolémée, les Signes Équinoxiaux ne sont pas 2 (Bélier, Balance), mais 4 (Poissons, Bélier, Vierge, Balance) et ils ont en commun des déclinaisons proches de l’équateur et donc une sensible égalité des durées diurnes et nocturnes (jours et nuits pour le Soleil). De même, les Signes Solsticiaux ne sont pas 2 (Cancer, Capricorne), mais 4 (Gémeaux, Cancer, Sagittaire, Capricorne) et ils ont en commun des déclinaisons proches des tropiques et donc une extrême inégalité des durées diurnes et nocturnes.
En bref : si l’on considère, ce qui est astronomiquement indubitable, que les Signes Équinoxiaux et Solsticiaux sont définis par le fait qu’ils se situent de part et d’autre des 2 axes équinoxial et solsticial (que ce soit avant ou après), les Signes Bicorporels de Ptolémée n’ont pas de raison d’être. Ne restent alors plus que 3 États ptoléméens : Équinoxial, Solsticial et Solide entre les deux. Mais malheureusement, cette erreur de Ptolémée s’est perpétuée et reproduite au cours des siècles suivants.
On ne sait pas quand les 4 Modes ou États de Ptolémée se sont transformés en les 3 Modes ou États “Cardinal, Fixe, Mutable”. Cette transformation est très probablement récente, peut-être contemporaine de la mise en vedette du zodiaque Élémental. Ces nouvelles dénominations ont eu pour (néfaste) conséquence de faire disparaître le caractère équinoxial et solsticial des Signes Cardinaux, qui ne sont plus que des “débuts de saisons” caractérisés par le “dynamisme” prêté abusivement aux commencements (alors qu’il en est d’amorphes). Les Signes Solides de Ptolémée sont devenus les Fixes, ce qui n’a rien changé aux valeurs de stabilité et de persévérance qu’on leur accorde. Enfin, les Signes Mutables se sont substitués aux Bicorporels, en conservant le caractère ambivalent et instable parce qu’adaptable qui leur est attribué.
En bref, l’astrologie traditionnelle, celle des 4 Éléments et des 3 États, s’est révélée incapable de considérer, comme ils auraient dû l’être, les 4 Signes équinoxiaux et les 4 Signes solsticiaux comme deux ensembles ayant chacun de majeures caractéristiques communes. C’est là un très grand échec, un de plus.
Mais alors, comment se fait-il que cette conception Élémentale de l’astrologie ait pu perdurer pendant des siècles en dépit de toutes ses erreurs, ses errances, ses inaptitudes et ses insuffisances ? Son système, ses théories et les pratiques qui en découlent sont-ils en conséquence incapables de saisir et de décrire le réel ? L’astrologie Élémentale a-t-elle “tout faux” ? Bien sûr que non. Des générations d’astrologues l’ont utilisée en n’ayant pas d’autre modèle pour décrypter la complexe relation de l’être humain avec les astres du système solaire. Certes, les astrologues et astrologisants sont pour la plupart des êtres crédules et irrationnels, mais il y a aussi parmi eux nombre d’êtres ayant de grandes qualités de rigueur intellectuelle qui ont quand même étudié et pratiqué l’astrologie traditionnelle en en tirant d’utiles et pertinents diagnostics et pronostics.
La doctrine des Maîtrises peut rendre fous certains astrologues. C’est ce qui est arrivé à André Barbault dans son livre L’Univers astrologique des quatre Éléments, paru en 2004. Choqué après 60 ans de carrière par le fait que les Éléments attribués aux Signes et à leurs Planètes Maîtresses ne coïncident pas systématiquement, il a décidé de changer les Éléments attribués à certains Signes afin qu’ils soient identiques à ceux de leurs Planètes Maîtresses. Ce faisant, il a détruit l’harmonie qui présidait à la répartition des Éléments dans le zodiaque traditionnel. Voici ce qu’il écrivait :
“Le zodiaque des Éléments est le zodiaque planétaire. Chaque Signe est doté de l’Élément de la planète rectrice. Ainsi, le Feu règne dans les Signes marsiens du Bélier et du Scorpion, comme dans le Signe solaire du Lion ; la Terre dans les Signes mercuriens des Gémeaux et de la Vierge, ainsi que dans les Signes saturniens du Capricorne et du Verseau ; l’Air dans les Signes vénusiens du Taureau et de la Balance, ainsi que dans le Signe jupitérien du Sagittaire ; et l’Eau dans le Signe lunaire du Cancer et le Signe neptunien des Poissons. C’est le planétarisme que nous retrouvons ici, prolongé dans une reconstitution zodiacale, et c’est lui qui doit servir de référence pour nos interprétations de type tempéramental.”
Fig. 10 : à gauche, le zodiaque des Éléments et ses Maîtrises traditionnelles. Ce zodiaque a sa logique interne, fondée sur l’alternance des Signes “masculins” et “féminins” à partir du premier Signe “masculin”, le Bélier, et sur l’alternance systématique des Éléments Feu, Terre, Ai et Eau. Rendu fou par le problème des Maîtrises, Barbault massacre (à droite) ce zodiaque en pulvérisant ces alternances. Il massacre par la même occasion les Maîtrises traditionnelles en introduisant arbitrairement parmi elles une seule Planète trans-saturnienne, Neptune.
Les figures ci-dessus représentent, à gauche, les Éléments traditionnels des Signes zodiaque et les Maîtrises planétaires correspondantes, et à droite les nouveaux Éléments affectés aux Signes par Barbault. On remarquera la redoutable logique et la parfaite cohérence d’André Barbault : tous les Signes sauf les Poissons (pourquoi ?) héritent de l’Élément de leur planète “Maîtresse” traditionnelle (avant la découverte des transsaturniennes). Le “Maître” traditionnel du Poissons étant Jupiter, le Poissons aurait dû être un Signe d’Air. Mais André Barbault en a décidé autrement, sans doute parce que cela le gênait qu’il n’y ait qu’un seul Signe d’Eau, le Cancer. Il a donc décidé arbitrairement d’inclure Neptune dans la Tradition et d’exclure Uranus et Pluton… tout en continuant à utiliser les Maîtrises de ces deux Planètes non-traditionnelles sur le Verseau et le Scorpion dans sa pratique. Admirez la rigueur…
André Barbault se considère comme un génie de l’astrologie ayant produit une œuvre prodigieuse. Comme il l’écrit lui-même sur le site qui lui est consacré, “Je me serais toutefois bien gardé d’en faire un rappel sélectif si — mon Uranus en 1 est à la fois maître d’Ascendant et conjoint à lui, étant au surplus à la pointe supérieure d’une figure de cerf-volant, le situant à la plénitude de l’ensemble de ses cycles planétaires — mon langage n’avait pas exprimé un verbe particulier qui me différencie de l’ensemble de la production astrologique, le lecteur étant assuré, avec moi, de ne point tomber dans la répétition, moins encore dans la banalité, sûr qu’il est même de rencontrer de l’inédit.”
Et tant pis si pour faire de l’inédit il faut pondre du n’importe quoi.
Si le Verseau est un Signe de Terre puisque sa Planète Maîtresse traditionnelle Saturne l’est aussi, pourquoi Barbault fait-il quand même d’Uranus, Planète de Feu (angulaire dans son Thème à l’Ascendant), la Maîtresse de ce Signe, en contradiction avec ses propres affirmations ? Parce que Barbault raconte n’importe quoi. À moins qu’il considère qu’Uranus est une Planète de Terre, mais ça, il ne le dit nulle part, pas plus qu’il n’évoque. Admirez la rigueur…
À la décharge d’André Barbault, reconnaissons qu’il est un des rares astrologues traditionnels à avoir été si gêné par la totale incohérence de la doctrine des Maîtrises planétaires dans le cadre de celle des quatre Éléments, et à en avoir tiré la conclusion qu’il fallait donc changer quelque chose (même si la solution qu’il impose ne change rien sur le fond) pour sortir de cet irrationnel fatras. La plupart des astrologues s’accommodent des illogismes flagrants de cette mauvaise théorie sans que cela semble les gêner le moins du monde.
Une bonne théorie se doit en effet de décrire, refléter et expliquer aussi fidèlement que possible les diverses facettes et structures du réel observé. Le zodiaque Élémental s’en montre incapable. À ce titre, il est à ranger sur un rayon du musée des savoirs, en compagnie de quantités d’autres croyances révolues et doctrines obsolètes.
Il n’en reste pas moins que quelles que soient les époques et civilisations, l’Homme s’est toujours représenté le monde qui l’entoure à travers des nombres entiers symboliques : l’Unique (comme par exemple l’absolu d’un Dieu dont tout procède et dont le Tout n’est qu’un reflet), le Duo-Duel (les diverses formes de pensées fondées sur le conflit ou la complémentarité d’antagonismes, comme la philosophie Cathare ou le Taoïsme)… ou la dualité onde-corpuscule de la physique quantique selon laquelle les électrons, les atomes, les molécules ou même les photons sont tout à la fois de petits corps et des ondes, le Trine (7) (cf. le triumvirat Brahma-Shiva-Vishnou de l’hindouisme ou la Sainte Trinité catholique)… ou les trois états de la matière (solide, liquide, gazeux), etc.
Et dans ce domaine des premiers nombres entiers naturels, le Quaternaire figure lui aussi en bonne place. D’Empédocle à Hippocrate, d’Hippocrate à Socrate, les exemples ne manquent pas : le quaternaire est séduisant pour l’esprit humain. Et les Éléments ou Tempéraments sont sans aucun doute des symboles, images ou représentations de cet “instinct de la quaternité” qui semble consubstantiel aux constructions intellectuelles de l’Homme à travers siècles et civilisations… Ainsi, le graal actuellement poursuivi par les physiciens est-il celui qui permettrait de comprendre la liaison entre les quatre interactions élémentaires responsables de tous les phénomènes physiques observés dans l’Univers, qui se manifestent par les forces fondamentales que sont l’interaction nucléaire forte, l’interaction électromagnétique, l’interaction nucléaire faible et la gravitation.
Le grand psychologue C.G. Jung a remis au goût du jour la vieille structure quaternaire à travers son système typologique permettant de décrire le fonctionnement psychique à travers les catégories “Sensation-Sentiment-Pensée-Intuition”. Simple habillage moderniste des Tempéraments hippocratiques ? Rien n’est moins sûr. Même s’il existe des analogies relatives, le type “Sensation” tel que décrit par Jung ne saurait se confondre avec le “Bilieux”, le “Sentiment” avec le “Sanguin”, le “Pensée” avec le “Nerveux” et l’“Intuition” avec le “Lymphatique”. Les quaternaires se suivent et ne se ressemblent pas nécessairement, si ce n’est au niveau de la structure.
En soi, un quaternaire est un contenant vide (ou un archétype en langage jungien). Ce n’est qu’une structure numérique, peut-être ésotérique, apparemment indispensable à nos constructions intellectuelles, que nous remplissons de contenus variables selon les lieux, les époques, l’évolution de nos savoirs et les domaines d’application. Ainsi Jung a-t-il apporté de nouveaux contenus à la structure vide du quaternaire qu’Empédocle, Hippocrate et Aristote avaient “empli” de Feu-Terre-Air-Eau et de Froid-Chaud-Sec-Humide.
Comme Aristote, Jung ne s’est pas satisfait d’un quaternaire trop simple : il l’a décomposé en fonction de structures binaires (Extraversion-Introversion), ce qui renvoie plus ou moins aux binaires de la tradition astrologique (Signes alternativement “Masculins” et “Féminins” (8)). Plus tard et dans la même veine, l’astrologue Jean Carteret et le philosophe Raymond Abéllio ont également largement usé du quaternaire dialectisé en binaires pour échafauder leurs théories ésotériques.
On peut s’interroger sur le pourquoi de cette obsession du quaternaire dans la pensée humaine. Le 4 est-il une structure ésotérique incontournable, inhérente à la Nature, ou n’est-ce qu’une projection de l’esprit ?
En fait, même les Chinois n’y échappent pas : en dépit de leurs cinq Éléments ou parallèlement à eux, ils n’ont pu s’empêcher de développer une pensée binaire qui renvoie au quaternaire : je veux parler du Yin et du Yang, décomposés en Jeune Yin et Vieux Yin, Jeune Yang et Vieux Yang dans le Tao-Tö-King. En adoptant le signe ‘+’ pour le Yang (= “masculin”) et le ‘−’ pour le Yin (= “féminin”), le signe ‘+’ pour le Jeune et le signe ‘−’ pour le Vieux, on arrive ainsi, par exemple, à la structure quaternaire suivante : Yang jeune = + + ; Yang vieux = + − ; Yin jeune = − + et Yin vieux = − −.
La même structure abstraite ‘+ −’ peut être utilisée pour les Éléments : le Chaud (C) apporte un ‘+’ de température et le Froid (F) un ‘−’. L’Humide (H) apporte un ‘+’ de fertilité et le Sec (S) un ‘−’. D’où la structure abstraite suivante : Air (Chaud et humide) = + + ; Feu (Chaud et Sec) = + − ; Eau (Froide et Humide) = − + et Terre (Froide et Sèche) = − −. Cette progression structurée (du ‘+ +’ au ‘− −’) met à mal la structure des Triplicités Élémentales basées sur une succession Feu-Terre-Air-Eau, mais aussi les analogies Élémentales des Saisons (progression Air-Feu-Terre-Eau).
Mais revenons au Yin/Yang : le Yang est analogue à l’extraversion selon Jung et aux Signes diurnes (du Bélier à la Vierge incluse, le jour domine au printemps et en été) de l’astrologie traditionnelle, et le Yin à l’introversion et aux Signes nocturnes (de la Balance aux Poissons inclus, la nuit domine en durée en automne et en hiver). La jeunesse du Yang ou du Yin serait alors analogue à la croissance dominante en durée (‘+’) du jour (‘+’) ou de la nuit (‘−’), et leur vieillesse à la décroissance (‘−’). Ce qui nous donne une nouvelle structure quaternaire : Printemps (jour croissant) = + + ; Été (jour décroissant) = + − ; Automne (nuit croissante) = − + et Hiver (nuit décroissante) = − −… ce qui nous ramène au zodiaque photopériodique basé sur l’alternance diurne-nocturne.
Tout cela ne signifie pas que ‘+ +’ = Air = Jeune = Printemps. Si c’était aussi simple que ça, il suffirait d’affubler à chacun des trois mousquetaires d’Alexandre Dumas (qui étaient quatre, comme chacun le sait) des ‘+’ et des ‘−’ pour faire de ce faux trio un quaternaire signifiant de la pensée. En ces matières, il convient d’être excessivement prudent, et surtout de ne pas tout mélanger sous prétexte de constatation d’analogies formelles : tous les objets groupés par quatre ne sont pas des quaternaires structurés, homogènes et signifiants… et tous les quaternaires structurés, homogènes et signifiants ne sont pas identiques quant à leur(s) contenu(s).
Le quaternaire du Yin et du Yang et celui du zodiaque conditionaliste peuvent être combinés pour aboutir à une figure symbolique originale comme celle ci-dessus. Mais indépendemment du Tao, le quaternaire existe en lui-même dans le zodiaque photopériodique (9), ainsi désigné parce qu’il est fondé sur les variations de présence diurne ou nocturne, c’est-à-dire sur les périodicités de la lumière et de son absence, mais ce n’est pas celui des Éléments ni celui du Tao. On distingue en effet :
▶ Les 4 Signes équinoxiaux (Poissons, Bélier, Vierge & Balance) qui ont en commun le Sens des Contraires : chacun à sa manière ils perçoivent nettement une chose (le diurne ou le jour) et son opposé (le nocturne ou la nuit). Ce phénomène astronomique objectif sensibilise les individus concernés par ces Signes aux problèmes de choix. Choix positifs, rapides pour l’excité vif du Bélier, lents et systématiques chez la Vierge excitée lente, choix par évitements subtils pour l’inhibé vif de la Balance, et enfin choix par épaisse indifférence à l’égard de l’élément non-choisi chez l’inhibé lent des Poissons :
▶ Les 4 Signes solsticiaux (Gémeaux, Cancer, Sagittaire & Capricorne) qui ont en commun le Sens des ensembles : chacun à sa manière ils perçoivent un pôle (diurne ou nocturne) nettement dominant et un pôle (diurne ou nocturne) nettement dominé. Ce phénomène sensibilise les individus concernés par ces Signes aux problèmes de synthèse ou de généralisation ;
▶ Les 4 Signes intermédiaires (Taureau, Lion, Scorpion & Verseau) qui ont en commun le Sens des dosages : chacun à sa manière ils perçoivent un pôle (diurne ou nocturne) relativement dominant et un pôle (diurne ou nocturne) relativement dominé. Ce phénomène sensibilise les individus concernés par ces Signes aux problèmes de dosage, de rapports de force ou de combinaison.
Toute Saison ou Signe se caractérise par le rapport des durées entre l’arc diurne et l’arc nocturne du Soleil (pour les Saisons) et des planètes (pour les Signes), ainsi que par le caractère croissant ou décroissant de ces arcs.
L’arc diurne dominant en durée (Printemps-Été) est facteur d’excitation (code ‘+’ : ouverture, réponses positives aux stimulis extérieurs). L’arc nocturne dominant en durée (Automne-Hiver) est facteur d’inhibition (code ‘−’ : fermeture, réponses négatives aux stimulis extérieurs). L’arc croissant et dominant en durée (diurne au Printemps, nocturne en Automne) est source de réactions vives, rapides (code ‘+’), tandis que l’arc décroissant et dominant en durée (diurne en Été, nocturne en Hiver) est source de réactions lentes, progressives (code ‘−’).
D’où le quaternaire suivant, illustrant quatre “types” saisonniers :
▶ le printanier est un excité vif (‘+ +’) rapide, improvisateur, démarrant au quart de tour, enthousiaste.
▶ l’estival est un excité lent (code ‘+ −’) aux démarrages progressifs, obstiné, persévérant, opiniâtre dans ses avancées.
▶ l’automnal est un inhibé vif (code ‘− +’, il a l’art de l’esquive immédiate et de souples tactiques de défense.
▶ l’hivernal est un inhibé lent (code ‘−’), aux réactions de fermeture systématiques et aux systèmes de défense immuables.
Est-il possible d’établir une homologie formelle entre les Tempéraments hippocratiques, les 4 Éléments symboliques et ces quatre “types” déduits des réponses de l’Homme aux variations des rapports diurne-nocturne ? A priori, entre quaternaires saisonniers, on devrait se ressembler et pouvoir s’entendre. Essayons…
▶ L’excité vif du printemps ressemble assez au Sanguin-Air, décrit par A. Barbault comme “un expansif qui vit de mobilité… d’échanges, de contacts avec le milieu, auquel il s’adapte et s’assimile spontanément”.
▶ L’excité lent de l’été a un très vague air de famille avec le Bilieux-Feu, caractérisé entre autre selon le même auteur par “son action dominatrice, (sa) puissance conquérante”. Cette analogie s’arrête là : l’excité lent n’a rien de la nature tumultueuse et exaspérée du tempérament Feu.
▶ L’inhibé vif de l’automne ne correspond à aucun tempérament ou Élément, et surtout pas à l’Élément Terre. Par la mobilité et la rapidité de ses réactions, il s’apparente un peu au Sanguin-Air, c’est tout.
▶ L’inhibé lent de l’hiver ressemble par certains côtés au Nerveux-Terre, au sens où ses mécanismes de refus systématiques et persistants favorisent “la pétrification, la minéralisation, la fossilisation… le dépouillement, le détachement” (description du “Tempérament Terre” par A.Barbault).
On le voit, aucun des “types” humains définis par le quaternaire zodiacal conditionaliste ne correspond exactement aux Tempéraments induits par les 4 Éléments. Pire même : le Lymphatique-Eau n’a aucune affinité avec ces différents “types” d’excités ou d’inhibés, sauf peut-être, et de très loin, avec l’inhibé lent, avec lequel il peut partager une grande indifférence vis-à-vis des sollicitations du monde extérieur, ainsi qu’un certain manque de punch…
▶ (1) Lire à ce sujet Traité pratique d’astrologie et De la psychanalyse à l’astrologie, A. Barbault, Éd. Seuil.
▶ (2) L’astrologie de la transformation, D. Rudhyar, Éd. du Rocher.
▶ (3) Il vient d’ailleurs de publier Les quatre éléments aux Éd. Traditionnelles.
▶ (4) Voir Le Fil d’ARIANA n° 1, article sur les jumeaux astrologiques.
▶ (5) Alors que les significations planétaires sont empruntées aux dieux du panthéon grec, auxquels les Hellènes n’ont jamais songé à attribuer systématiquement des qualités Élémentales !
▶ (6) Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Éd. Larousse.
▶ (7) Un/deux/multiple : ce sont précisément ces rapports ésotériques entre les Nombres que décrit et définit, entre autre, le système R.E.T. (Représentation-Existence-Transcendance) découvert par J.-P. Nicola.
▶ (8) À ceci près que, dans les interactions binaire-quaternaire de l’astrologie Élémentale, les Signes de Feu et d’Air ne peuvent être que “masculins”, et ceux de Terre et d’Eau “féminins”. En ce sens, le binaire ne fait que confirmer le quaternaire : il est superfétatoire. Pour Jung au contraire, la Sensation, le Sentiment, la Pensée ou l’Intuition peuvent être, soit introvertis, soit extravertis : chez lui, la greffe du binaire sur le quaternaire modifie profondément les conditions d’expression du quaternaire.
▶ (9) Voir p. 149 à 173 du Manuel d’astrologie universelle.
Texte revu et augmenté réalisé à partir d’un article paru dans le n° 3 du Fil d’ARIANA (avril 1995) et dans L’Astrologue (2e trimestre 1995).
▶ Bilans comparés des formes d’astrologie européennes et occidentales
▶ André Barbault et le conditionalisme
▶ André Barbault, l’astro-symbolisme et le dernier âge d’or de l’astrologie
▶ Une critique inepte du conditionalisme par André Barbault
▶ Le taijitu dans le système solaire
▶ Critique de la doctrine des Maîtrises planétaires
▶ Astrologie et astrologies : écoles, courants et chapelles
▶ Le monde selon Claude Ptolémée, astronome-astrologue et phare d’Alexandrie
Les significations planétaires
par
620 pages. Illustrations en couleur.
La décision de ne traiter dans ce livre que des significations planétaires ne repose pas sur une sous-estimation du rôle des Signes du zodiaque et des Maisons. Le traditionnel trio Planètes-Zodiaque-Maisons est en effet l’expression d’une structure qui classe ces trois plans selon leur ordre de préséance et dans ce triptyque hiérarchisé, les Planètes occupent le premier rang.
La première partie de ce livre rassemble donc, sous une forme abondamment illustrée de schémas pédagogiques et tableaux explicatifs, une édition originale revue, augmentée et actualisée des textes consacrés aux significations planétaires telles qu’elles ont été définies par l’astrologie conditionaliste et une présentation détaillée des méthodes de hiérarchisation planétaire et d’interprétation accompagnées de nombreux exemples concrets illustrés par des Thèmes de célébrités.
La deuxième partie est consacrée, d’une part à une présentation critique des fondements traditionnels des significations planétaires, d’autre part à une présentation des rapports entre signaux et symboles, astrologie et psychologie. Enfin, la troisième partie présente brièvement les racines astrométriques des significations planétaires… et propose une voie de sortie de l’astrologie pour accéder à une plus vaste dimension noologique et spirituelle qui la prolonge et la contient.
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Pluton planète naine : une erreur géante
par
117 pages. Illustrations en couleur.
Pluton ne fait plus partie des planètes majeures de notre système solaire : telle est la décision prise par une infime minorité d’astronomes lors de l’Assemblée Générale de l’Union Astronomique Internationale qui s’est tenue à Prague en août 2006. Elle est reléguée au rang de “planète naine”, au même titre que les nombreux astres découverts au-delà de son orbite.
Ce livre récapitule et analyse en détail le pourquoi et le comment de cette incroyable et irrationnelle décision contestée par de très nombreux astronomes de premier plan. Quelles sont les effets de cette “nanification” de Pluton sur son statut astrologique ? Faut-il remettre en question son influence et ses significations astro-psychologiques qui semblaient avérées depuis sa découverte en 1930 ? Les “plutoniens” ont-ils cessé d’exister depuis cette décision charlatanesque ? Ce livre pose également le problème des astres transplutoniens nouvellement découverts. Quel statut astrologique et quelles influences et significations précises leur accorder ?
Enfin, cet ouvrage propose une vision unitaire du système solaire qui démontre, chiffes et arguments rationnels à l’appui, que Pluton en est toujours un élément essentiel, ce qui est loin d’être le cas pour les autres astres au-delà de son orbite. Après avoir lu ce livre, vous saurez quoi répondre à ceux qui pensent avoir trouvé, avec l’exclusion de Pluton du cortège planétaire traditionnel, un nouvel argument contre l’astrologie !
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