Acte du colloque “Astrologie et spiritualité” en 1992. Ce colloque réunit les représentants de différentes écoles d’astrologie autour d’un thème commun : astrologie et spiritualité. Certains parmi nous considèrent l’astrologie comme un langage symbolique, un puissant mythe explicatif qui n’est en rien concerné par les réalités astrophysiques du système solaire en particulier et du cosmos en général. D’autres estiment au contraire que l’influence des astres n’est pas symbolique, mais réelle, et qu’elle relève donc d’une physique encore inconnue qu’il s’agit de découvrir. D’autres encore s’interrogent sur la nature de cette mystérieuse relation qui unit l’Homme sur Terre à son environnement cosmique.
En dépit des différentes conceptions de l’astrologie qu’exprime l’existence de ces écoles, nous avons pourtant tous un point commun. Comme l’a si justement écrit Satprem, l’un des disciples du mystique et philosophe indien Sri Aurobindo, nous sommes tous des “fils du ciel par le corps de la Terre”, et nous nous passionnons pour l’étude des relations et interactions entre l’Homme et le système solaire dont fait partie cette petite planète bleue qu’on appelle la Terre — cela me semble une définition de l’astrologie qui peut convenir à tous les participants à ce colloque, quelle que soit l’école de pensée à laquelle ils appartiennent.
L’astrologie, on le sait, a des racines religieuses. Les premiers astrologues sumériens étaient à la fois prêtres, astrologues et astronomes. Ces trois fonctions étaient d’ailleurs si intimement liées et confondues que, dans leur esprit, elles n’en formaient qu’une seule. Du haut de leurs ziggourats de l’antique Chaldée, ils observaient le ciel pour y découvrir la volonté de leurs dieux, qui portaient les mêmes noms que le Soleil, la Lune et les planètes visibles à l’œil nu… tout simplement parce que pour nos lointains ancêtres astrologues, planètes et dieux ne faisaient qu’un. En ce sens, ils n’étaient ni matérialistes, ni spiritualistes : ils avaient une perception globale de l’univers où créateur et création, nature et surnature, religion et science formaient un tout indissociable.
En cette fin de XXe siècle, qu’on le déplore ou qu’on s’en félicite, l’astrologue, le prêtre et l’astronome sont désormais trois fonctions distinctes. Il est par ailleurs vraisemblable que personne dans cette salle, quelle que soit l’école astrologique à laquelle il se réfère, ne songerait à confondre les planètes du système solaire avec des divinités ni les éphémérides avec un quelconque sacré.
Il n’en reste pas moins que la quête spirituelle de l’Homme, sa sensibilité à un au-delà de l’existence terrestre, ses questionnements sur la vie et la mort demeurent. L’astrologie ne témoignerait-elle pas de l’appartenance de l’homme à une plus vaste dimension ? Tout comme elle a échoué à empêcher de vibrer en nous nos fibres métaphysiques, la science matérialiste n’a pas pu extirper de la tête et du cœur de l’homme son pressentiment d’une relation entre le cosmos et lui.
Ceux qui connaissent la philosophie de l’école conditionaliste savent que ses thèses et écrits plaident pour une stricte séparation entre, d’une part, une astrologie dont les racines plongent dans le réel astronomique, et d’autre part, les diverses religions et formes de spiritualité.
Le réseau des interactions planétaires du système solaire, tel qu’il résonne à l’intérieur de la psyché humaine par l’intermédiaire du système nerveux supérieur n’est pas pour nous l’expression d’une quelconque volonté divine, d’un ordre mystique caché ou d’une mystérieuse organisation de forces occultes et spirituelles.
Pour l’école conditionaliste, l’influence des astres du système solaire sur nos comportements et nos destins n’est ni spirituelle, ni poétique, ni symbolique, mais relève d’une physique ou d’une astrophysique concrètes mais encore inconnues. Dans notre optique, l’influence astrale s’explique par le fait que les horloges internes de nos organismes biophysiques sont dans une large mesure synchronisées aux horloges externes dont les astres matériels qui constituent le système solaire, à travers leurs durées de révolution sidérale, indiquent les années, les mois, les jours, les heures, les minutes.
Concernant les planètes émettrices de signaux que l’homme intercepte pour les traduire, entre autre, en comportements astropsychologiques, Jean-Pierre Nicola a formellement démontré, dans ses Éléments de Cosmogonie Astrologique, et cela sans aucun recours à des textes sacrés, des icônes, des prières ou des mantras, que les significations que, dans un langage psychologique imagé, nous attribuons aux planètes du système solaire, peuvent fondamentalement et physiquement s’expliquer par le rapport entre le demi grand-axe de l’orbite elliptique de chaque planète et l’intensité de la gravitation à sa surface. Le modèle R.E.T., initiales de Représentation-Existence-Transcendance, est né de cette réflexion sur les fondements astrométriques des significations planétaires.
Concernant l’espèce humaine réceptrice et traductrice de ces signaux énergétiques que nous envoient les planètes, l’école conditionaliste a également démontré que les influences astrales, loin d’êtres de purs symboles, s’incarnent dans le vivant au fil des acquisitions biopsychologiques qui se succèdent de la naissance à la mort… et sans doute au-delà de l’existence individuelle. À chaque durée de révolution sidérale des planètes du système solaire correspond l’acquisition de nouvelles fonctions psychologiques qui confirment et approfondissent les significations planétaires traditionnelles. Là encore, aucune démarche religieuse, aucune révélation spirituelle, aucune philosophie spiritualiste ne se sont révélées nécessaires pour comprendre la nature de l’influence astrale.
Enfin, l’école conditionaliste a réussi à dégager les fondements naturels et rationnels de l’influence zodiacale, laquelle, loin d’être une émanation symbolique du mythique quaternaire Feu-Terre-Air-Eau, révèle au contraire la sensibilisation de l’homme aux variations de durées diurnes ou nocturnes, lesquelles dépendent directement des déclinaisons planétaires induites par l’inclinaison de la Terre sur son orbite.
Je vous accorde bien volontiers que tout cela n’a rien de religieux ni de spirituel, et c’est sans doute ce réalisme, cette rigueur biophysicienne dans l’approche de l’astrologie, cette volonté de bâtir une théorie méthodique et rationnelle pour rendre compte du fait astrologique, qui a pu faire passer les membres de l’école conditionaliste pour des positivistes matérialistes, des scientifiques rationalistes, de froids et austères théoriciens ennemis de toute métaphysique, indifférents au mystère et au sens de l’incarnation.
Nombreux pourtant, parmi les membres de l’école conditionaliste, sont ceux qui sont venus à l’astrologie par l’intermédiaire d’une interrogation, d’une recherche et d’une quête spirituelle. J’ai moi-même longtemps recherché le sens profond de la vie, oscillant entre, d’une part, le désespérant sentiment de l’absurdité réelle ou apparente dont semble témoigner la trajectoire pathétique, désordonnée et conflictuelle de nos brèves existences dans l’infini du cosmos ou la densité du néant, et d’autre part, l’intuition, la croyance, la recherche ou le besoin d’une harmonie éternelle et transcendance qui relierait mon être à l’éternel et à l’universel, que l’on peut appeler Dieu ou Etre Suprême.
J’ai cherché ce mystérieux sens de la vie dans les évangiles, les upanishads et le Livre des Morts Tibétains, dans les écrits de Krishnamurti, de Sri Aurobindo ou de Maître Eckhart. Pour tout vous dire, j’ai même passé un bon moment à étudier la théologie chrétienne. Et parallèlement, je continuais l’étude de l’astrologie, en veillant à ne jamais confondre, dans la mesure du possible, ma quête spirituelle et l’approfondissement de cette science méconnue à laquelle j’ai consacré la plus grande partie de mon temps. De telles préoccupations, un tel itinéraire, correspondent-ils, à votre avis, au profil d’un matérialiste ou d’un rationaliste ? Tous les membres de l’école conditionaliste, il est vrai, n’ont pas suivi un semblable chemin. Certains sont croyants et d’autres pas. Parmi les croyants, certains sont chrétiens, d’autres plus proches des philosophies et formes de spiritualité orientales. Parmi les incroyants, on compte de francs athées, des agnostiques, des anarchistes et peut-être même — je n’en n’ai pas encore rencontré — d’indiscutables matérialistes.
Pour terminer cette brève introduction et pour montrer que je ne suis pas le seul astrologue conditionaliste en proie à ce questionnement métaphysique et à cette quête spirituelle, je vous propose d’écouter quelques extraits d’une lettre que m’a fait parvenir un étudiant conditionaliste au sujet des rapports entre astrologie et spiritualité :
“En fait, j’ai toujours cru en un autre versant de la vie, et j’ai rarement hésité à l’appeler Dieu… Aujourd’hui, je devrais être content, l’astrologie m’a prouvé pas mal de choses et m’a conforté dans mes convictions religieuses, mais voyez-vous, j’ai la volonté de pousser plus loin la réflexion et de remettre en cause la formule ‘l’astrologie implique l’idée de Dieu’, ou plutôt de définir une relation plus proche de la réalité des faits. Pour moi, l’astrologie n’est rien d’autre qu’un yoga (au sens étymologique du terme, celui d’un lien, d’une synthèse), qu’une confirmation du principe d’évolution, de devenir, de ‘néguentropie décroissante’, de l’esprit qui doit le mener vers l’unique, la source de toutes choses, le chemin qui mène du personnage du roman au mystérieux romancier lui-même, la Mère ou l’origine, comme on veut.”
À ceux d’entre vous qui, en dépit de cette introduction, penseraient encore que les conditionalistes sont d’affreux matérialistes, je tiens à confirmer que les extraits de cette lettre émanent d’un étudiant conditionaliste.
Passons maintenant à la deuxième partie de cet exposé. Elle concerne la manière dont l’école conditionaliste perçoit et conçoit les relations et interactions entre astrologie et spiritualité. Mais tout d’abord, qu’est-ce que la spiritualité ?
Vaste question. Que l’on se réfère à la définition philosophique de ce terme, selon laquelle la spiritualité concerne “ce qui est de l’ordre de l’esprit considéré comme un principe indépendant, par opposition au matériel”, ou à la définition religieuse selon laquelle la spiritualité concerne “ce qui se rapporte à l’âme, par opposition à la chair”, la notion même de spiritualité implique un fondamental dualisme qui structure l’ensemble des conceptions philosophiques ou religieuses dont l’humanité a accouché depuis le début ou la fin de la guerre du feu. Les relations et interactions réelles ou supposées entre Esprit et Matière, Ame et Chair sont à la source d’innombrables textes sacrés, pratiques religieuses ou matérialistes et constructions idéologiques.
Il serait vain, trop long et fastidieux d’énumérer et de décrire ici dans le détail l’ensemble de ces conceptions et visions du monde. J’en serais d’ailleurs bien incapable. L’essentiel est sans doute de retenir que cette fondamentale dualité qui structure religions et philosophies depuis des millénaires n’a pas manque de poser problème à ses interprètes. Les uns, prenant acte de cette dualité apparemment incontournable, ont choisi leur camp d’une façon manichéenne l’Esprit contre la Matière, l’Âme contre la Chair (et vice-versa). D’autres, plus subtils, cherchant à transcender cette dualité, ont fait de l’Âme ou de l’Esprit des émanations provisoires de la Chair et de la Matière et vice-versa. Néanmoins, les tentations de la chair ont continué à donner aux spiritualistes Matière à penser, tandis que les matérialistes restaient en proie avec des états d’Âme qui leur perturbaient l’Esprit.
Bref, il y a du tangage et du roulis dans la barque des dualistes, qu’ils soient spiritualistes ou matérialistes. Les choses étant ce qu’elles sont, on s’intéresse généralement plus aux opinions des habitants de la barque qu’à la nature de l’océan qui ballotte ce frêle esquif. Il est ainsi d’usage de se définir à l’intérieur du duo-duel que constituent les couples Esprit-Matière et Ame-Chair. Après tout, pourquoi pas ? Mais se définir par rapport à cette dualité fondamentale n’implique pas d’avoir à faire siennes les thèses et croyances de l’un ou de l’autre camp. En conservant la mémoire de la mer porteuse originelle, nous dirons alors que spiritualité et matérialité sont deux faces d’une unique réalité que l’on peut aborder par mille sentiers différents.
Apparemment, spiritualistes et matérialistes, qu’ils soient intransigeants ou modérés, ne sont pas près de se mettre d’accord. Peut-être parce que le problème est mal posé ? Les conditionalistes sont en tout cas convaincus qu’il existe une globalité corps-âme-esprit-matière que le prisme déformant du dualisme spiritualiste-materialiste divise et désarticule. Depuis l’apparition de la physique quantique d’ailleurs, les plus matérialistes des scientifiques sont bien obligés de s’interroger sur la réalité du statut de ce qu’ils appelaient naguère “matière” : au niveau atomique, tout ne serait que discrets rayonnements d’ondes et d’énergie, et certains ne se privent pas de faire de ce mystérieux univers subatomique le territoire de l’Âme ou de l’Esprit. De même, depuis les travaux de l’école conditionaliste, les plus spiritualistes des astrologues, ceux qui sont persuadés que les influences zodiaco-planétaires sont d’une nature symbolique, voire mythique, se voient contraints de se demander si l’astrologie n’aurait pas de solides fondements dans la matière du Soleil et des planètes et dans la Chair — ou plus exactement le système nerveux — des Hommes.
Pour articuler mon argumentation concernant la manière dont l’école conditionaliste articule l’astrologie et la spiritualité, je vous propose deux citations.
La première est de Saint Jean de la Croix, mystique chrétien que l’on ne saurait soupçonner de matérialisme. Or que dit-il dans ses “Poèmes mystiques” ? Je le cite : “Ne point s’embarrasser de ce qui est spirituel, et demeurer dans une profonde nudité et liberté d’esprit.” C’est déjà tout un programme. La seconde citation est de Henri Laborit, savant neurophysiologiste que l’on ne peut suspecter de spiritualisme. Je le cite : “Je ne vois pas ce qui peut davantage ressembler à l’Esprit que la relation, la mise en forme, la structure. La structure d’un message ne se mesure pas.”
La phrase de Saint Jean de la Croix veut bien dire ce qu’elle veut dire. Si spiritualité il y a, s’il existe vraiment un niveau de réalité que l’on peut qualifier de spirituel, la meilleure façon de l’aborder est, pour cet authentique mystique, de garder l’esprit libre, et non de projeter sur la spiritualité ses a priori, ses croyances, illusions et fantasmes spiritualistes. Le très sage Krishnamurti l’avait lui aussi parfaitement compris : le spiritualisme est la maladie infantile de toute spiritualité. Il ne suffit pas de se dire ou de se croire en phase avec les discours ou pratiques des diverses religions et spiritualités pour être véritablement en relation profonde avec le mystère de l’être universel. À la limite même, un excés de focalisation sur les thèses spiritualistes peut finir par nuire à toute véritable spiritualité. Ce que Jésus-Christ résume très bien lorsqu’il dit, s’adressant aux gardiens du temple et donc des vérités spirituelles officielles : “Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, vous qui barrez aux hommes l’entrée du royaume des cieux, vous-mêmes en effet n’y entrez pas, et vous ne laisser entrer ceux qui le voudraient”, si l’on en croit les évangiles rédigés par ses disciples.
Tout comme on ne saurait confondre le Sujet avec son horoscope, on ne saurait confondre l’astral avec l’astrologie. Ce que l’on appelle l’astral n’est rien d’autre que l’organisation mouvante qui résulte du réseau des relations et interactions entre les astres du système solaire. Sans Homme pour intercepter et intégrer et traduire sous forme de comportements, de sensations, de mots, d’images, de symboles ou de théories la réalité extra-personnelle, externe, objective que constitue l’astral, il n’y aurait pas d’astrologie. Le ciel n’est donc pas symbolique… mais c’est l’Homme qui symbolise le ciel en lui donnant un langage, l’astrologie.
C’est pour tenter de comprendre à la fois la nature de la relation que 1’individu entretient avec son horoscope natal, et la nature de l’influence astrale et les racines de la symbolique astrologique, que Jean-Pierre Nicola a imaginé le modèle S.O.R.I., initiales des quatre référentiels Sujet, Objet, Relation, Intégration.
L’Homme-Sujet sur Terre se caractérise, d’un point de vue énergétique objectif, par ses niveaux d’excitabilité, qui sont essentiellement au nombre de trois. Au plus haut niveau d’excitabilité, nous sommes sensibles au court terme, au connu, aux images, au paraître, au langage, aux informations conscientes, aux signaux les plus simples, et qu’y-a-t-il de plus simple qu’un signal unique ? Le plus bas niveau d’excitabilité concernera, lui, notre sensibilisation au long terme, à l’inconnu, à l’invisible, à l’être, à l’indicible, aux informations inconscientes, aux signaux les plus complexes, c’est-à-dire multiples. Enfin, entre ces deux extrêmes, le niveau d’excitabilité moyenne nous sensibilisera plutôt au moyen terme, à l’expérimental, au vécu, à la dimension concrète et sensible, à l’existence, à ce que les sensations brutes permettent de ressentir et d’éprouver.
Dans l’optique conditionaliste, nous l’avons vu, le Ciel, qui est un Objet extérieur pour l’Homme-Sujet, est un émetteur de signaux concrets, physiques, non-verbaux et non-symboliques (gravitation, pesanteur, rythmes, cycles, fréquences). Ces signaux peuvent être simples, composés ou complexes. Jean-Pierre Nicola a formellement démontré, dans ses “Éléments de cosmogonie astrologique”, que les astres centraux du système solaire (Soleil, Mercure, Vénus) émettaient des signaux simples, les autres médians (Mars, Jupiter, Saturne) des signaux moins simples ou composes et les astres les plus excentriques (Uranus, Neptune, Pluton) les signaux les plus complexes.
Homme-Sujet avec un ‘S’ majuscule, Ciel-Objet avec un ‘O’ majuscule… vous me suivez ? Reste ensuite à se demander quelles sont les effets de la Relation — avec un ‘R’ majuscule — entre Sujet et Objet, l’Homme et les planètes. Vous l’avez compris : les planètes qui envoient les signaux les plus simples sont en relation avec le plus haut niveau d’excitabilité nerveuse, celui qui nous sensibilise au monde des Representations (les codes, les images, les symboles, le visible, le connu, le conscient, l’unique) ; les planetes à signaux composés, en relation avec le moyen niveau, celui qui nous sensibilise à l’Existence (l’éprouvé, le vécu, les faits, le concret, le duel) ; enfin, les planetes émettrices de signaux complexes nous sensibilisent à la Transcendance (l’invisible, le subtil, l’inconnu, l’inconscient, le multiple).
De la qualité de la Relation qu’entretient l’individu-Sujet avec les planètes-Objets — c’est-à-dire de la facilité ou de la difficulté avec laquelle il communique avec son ciel, compte tenu de tous les paramètres extra-astrologiques qui le conditionnent, dépend la manière dont il va réussir ou non son Intégration — avec un ‘I’ majuscule — dans le milieu dont il est le fruit et l’habitant.
L’être-en-soi, l’Âme d’un être et la manière dont les cycles, rythmes et structures du système solaire charpentent sa psyché ne sauraient, selon l’astrologie conditionaliste, être confondus, même s’ils entretiennent d’étroites relations. L’Âme, l’être-en-soi est un profond mystère qu’aucun discours ne saurait cerner, pas même un discours astrologique.
Dans l’optique conditionaliste, le thème natal constitue une “proposition de fonctionnement” dont l’Homme hérite à sa naissance, proposition dont l’actualisation sera facilitée ou contrariée par l’ensemble des conditionnements de son environnement naturel et culturel… et peut-être aussi d’une “qualité d’Âme”, d’une “envergure spirituelle” dont nul ne saurait préjuger. Le thème natal se présente ainsi comme une sorte de structure vide à laquelle milieu se chargera de donner un contenu, un squelette articulant la vie biophysique et structurant la manière dont l’Âme sera susceptible de s’exprimer.
De ce point de vue, on pourrait dire que ce squelette sculpté par les gravités planétaires met en forme l’Âme sans en changer la nature. Le thème astrologique natal exprime un ensemble de tendances, de potentiels à la recherche d’un objet ou les investir et les actualiser.
Chaque être habite les structures de son thème comme il le peut et, dans une moindre mesure, comme il le veut. Nombreux parmi nous sont ceux, c’est un fait et non un jugement, qui restent leur existence durant dans les limbes de la vie psychique, et se contentent d’exprimer leur vitalité et la puissance de leurs besoins et désirs aveugles à travers le prisme de leur organisation zodiaco-planétaire, indifférents au mystère de l’incarnation, insoucieux de l’infini, de l’universel, de l’éternel. Une minorité d’hommes se sentent interpellés par une dimension plus vaste que la satisfaction narcissique et égocentrique des désirs et besoins primaires. Ceux-là investissent leurs tendances et potentiels au plus haut niveau, dans un objet que l’on peut qualifier de mystique ou spirituel. Entre ces deux extrêmes, la plupart d’entre nous s’efforcent, cahin-caha, de concilier, selon des proportions variables en fonction des individus, satisfaction des besoins et désirs élémentaires et aspiration à une complétude de l’être.
Cela me rappelle la “parabole des Talents” de Jésus-Christ, relatée dans l’évangile de Matthieu : “C’est comme un homme qui partait en voyage : il appela ses serviteurs et leur confia ses biens. À l’un il donna une somme de cinq talents, à un autre deux talents, au troisième un seul, à chacun selon ses capacités. Puis il partit.” (Parabole des Talents, Matthieu 25/2–18).
À son retour, le maître put juger de ce que les serviteurs avaient fait de leurs talents… Le juste rapport à l’astrologie est parfaitement défini dans cette parabole des Talents attribuée à Jésus-Christ : nous sommes tous des êtres différents et singuliers, inégaux dans nos humeurs, nos actions, nos rêves et nos pensées. Chacun vit sa problématique existentielle propre, sa vocation unique et ontologiquement irremplaçable, structurée par ses héritages terrestre et céleste. Mais l’essentiel, pour prendre un exemple concret, n’est pas d’être “solaire”, “marsien” ou [“plutonien>56]” — c’est-à-dire d’avoir telle ou telle somme de “talents” —, l’important n’est pas ce que nous avons reçu, mais ce que nous en faisons.
Dans la parabole des Talents attribuée à Jésus-Christ, le maître (entendez Dieu) finit par revenir de voyage. L’un de ses serviteurs avait dilapidé les talents qui lui avaient été confiés et n’avait plus rien à restituer à son maître ; un autre s’était contenté de garder passivement ses talents ; le troisième, au contraire, restitua à son maître plus de talents que ceux qui lui avaient été confiés, car il les avait investis. C’est évidemment ce dernier qui fit la joie du maître.
Les mauvais serviteurs de la parabole ne sont pas d’affreux criminels. Pour en revenir au conditionnement astrologique, le premier s’est contenté de vivre les tendances exprimées par son horoscope natal au mieux de ses besoins vitaux immédiats, tandis que le second a refusé d’exploiter, avec le risque de tout perdre, sa proposition d’être astrale. L’eut-il osé, peut-être serait-il parvenu à convertir un capital vital et psychique en profondeur spirituelle ?
Il faut insister sur le fait que la connaissance de l’astrologie ne donne à l’astrologue aucune compétence pour juger et discourir des mystères de l’Âme et de l’incarnation. Par contre, elle peut donner son avis éclairé sur la manière dont chacun dilapide, thésaurise ou exploite les “talents” que représentent les tendances zodiaco-planétaires exprimées par l’horoscope natal. Ce qui, si l’on en croit l’évangile, n’est pas sans importance dans les relations entre l’Homme et Dieu…
Quant aux réponses que chacun apporte à la question de la réalité de Dieu… outre qu’elles sont conditionnées par la société et la culture dans laquelle nous voyons le jour, ces réponses sont de l’ordre du pari intime, de la conviction personnelle, de la foi. Et n’en déplaise aux religions, chacun a le droit d’écrire ce qu’il veut sur le tableau noir de l’inconnu de l’Âme, de croire en un sens ou un non-sens, en un dieu unique ou de multiples dieux, à l’absurde ou au néant.
Le fait de ne pas prendre parti pour une forme de spiritualité ou une autre n’empêche pas l’astrologie conditionaliste de se présenter comme un outil extraordinairement profond et performant pour comprendre quelle est la relation que l’être, corps-âme-esprit confondus, entretient avec l’universel à travers la matrice de son thème natal, et approcher cette unité centrée que Carl Gustav Jung appelle le “Soi”.
Le “Soi”, selon Jung, “est une entité sur-ordonnée au moi. Le Soi embrasse non seulement la psyché consciente, mais aussi la psyché inconsciente et constitue de ce fait pour ainsi dire une personnalité plus ample, que nous sommes aussi… Le Soi est non seulement le centre, mais aussi la circonférence complète qui embrasse à la fois conscient et inconscient ; il est le centre de cette totalité comme le moi est le centre de la conscience… Le Soi est aussi le but de la vie, car il est l’expression la plus complète de ces combinaisons du destin que l’on appelle un individu”…
L’expression la plus haute et la plus parfaite de ce que l’on appelle la spiritualité n’est-elle pas, en fin de compte, de devenir pleinement “Soi-même” dans une âme, un esprit et un corps structurés par le cosmos ? L’astrologie, selon l’école conditionaliste, offre une voie royale pour parvenir à être pleinement Soi-même. En effet, le thème natal est probablement l’une des “expression les plus complètes de ces combinaisons du destin que l’on nomme un individu”, et c’est pourquoi les conditionalistes ont développé de performantes techniques pour évaluer comment s’organisent et se hiérarchisent les différentes tendances qu’exprime la structure du système solaire au moment de la naissance. D’une manière symbolique, on pourrait aussi comparer le thème natal au visage que revêt l’âme, les techniques d’interprétation conditionalistes ayant essentiellement pour finalité de parvenir à dresser de ce visage un portrait aussi fidèle que possible.
Jean-Pierre Nicola note, je le cite, que “l’individuation, au sens jungien, consiste donc à découvrir son propre visage et à comprendre que cet ensemble est bien à soi, mais qu’il n’est qu’un visage”. Au niveau spirituel, l’interprétation d’un thème selon les méthodes conditionalistes consiste ainsi à découvrir son propre thème et à comprendre que ce thème est bien à soi… mais qu’il n’est que l’expression des structures planétaires de l’être-en-soi, et non le Soi. “L’horoscope n’est pas le Sujet”, avons-nous coutume de dire. C’est pourquoi Jean-Pierre Nicola a pu écrire que, pour ceux qui ne réduisent pas le soi à un caractère fige pour l’éternité dans un chimérique horoscope absolu déniant à l’être la possibilité de se transformer, — je cite Jean-Pierre Nicola — “la hiérarchisation des puissances planétaires est l’approche par étapes sur le chemin que suggère le ciel pour conquérir la totalité de leur être. Leur voie d’individualisation suit leur calendrier d’évolution, des dominantes aux planètes faibles (d’où l’importance des aspects et de toute recherche de hiérarchisation des facteurs astrologique).”
Être soi-même au sens jungien, réussir son individuation, c’est-à-dire essentiellement à réaliser totalement la proposition d’être et de fonctionnement représentée par le thème de naissance, c’est finalement réussir son Intégration. Là est sans doute l’ultime finalité de ce que l’on peut appeler la vie spirituelle. Et être astrologue, au sens conditionaliste, c’est tout simplement parvenir à communiquer rigoureusement la nature de la Relation entre l’espèce humaine et le système solaire en général, et la nature de la relation qu’a établi chaque individu avec son propre thème en particulier. Quant à l’Intégration, qui est peut-être le niveau de réalité qui ressemble le plus au spirituel, ce n’est pas du ressort ni de l’astrologue, ni de l’astrologie… mais c’est l’affaire de chacun, en tant qu’être pleinement réalisé, en son âme et conscience comme on dit.
Ce n’est donc certainement pas par obsession technicienne ou rationaliste et encore moins par matérialisme maniaque que les conditionalistes ont été amenés à développer des méthodes d’interprétation extrêmement sophistiquées. Pour cerner l’existence de ce “soi” objectif, de ce visage de l’âme qu’est le thème de naissance, la seule démarche raisonnable était de commencer par se donner les moyens pratiques et théoriques d’en faire une description fidèle et rigoureuse.
En se sens, une astrologie à dimension véritablement spirituelle a moins besoin de prophètes ou de gourous dont les discours sur l’âme épaississent son mystère en prétendant le dévoiler, que d’humbles interprètes capables de brosser le portrait de ce visage de l’âme qu’est l’horoscope natal, visage qui se transforme, se précise et parfois se transfigure avec le temps qui passe.
Pour l’astrologie conditionaliste, l’horoscope natal n’est en rien un miroir statique tendu devant la subjectivité de l’individu afin qu’elle s’y reconnaisse narcissiquement, mais la représentation géocentrique des positions planétaires au moment de sa naissance. Cette structure zodiaco-planétaire, nous 1’avons vu constitue pour nous une “proposition de fonctionnement”.
C’est pourquoi les astrologues conditionalistes estiment qu’il est parfaitement vain et illusoire de rechercher dans le thème natal si un être a ou non une vocation spirituelle, tout comme il est vain de rechercher dans les planètes, signes et maisons l’intelligence, la moralité ou la santé.
Le même thème, en fonction des influences extra-astrologiques, peut être vécu sur de multiples plans ou niveaux dont on peut imaginer qu’ils sont hiérarchisés. Au niveau le plus élémentaire, l’individu se contentera de vivre ses humeurs égocentriques à travers la structure zodiaco-planétaire de sa naissance. En montant d’un cran, il vivra cette même structure au niveau d’une action objective sur le monde. Un degré de plus, il intégrera son thème sur le mode de la pensée, de l’abstraction. Enfin, au plus haut niveau, c’est-à-dire au niveau spirituel, il investira les mêmes structures zodiaco-planétaires dans la quête d’une plénitude, dans une recherche de vérité et d’absolu, et ainsi reflétera avec transparence l’ordre du monde tel qu’il s’est incarné en lui, conscient du fait qu’il ne fait jamais que refléter une facette, un visage transitoire et sujet à métamorphoses, d’une réalité qui à la fois l’englobe et le dépasse. Son visage, c’est-à-dire son thème natal, épousera alors les contours de l’Âme universelle dont il sera un représentant parmi d’autres… et donc un humble serviteur.
Ce sont là de sublimes sommets… qui demandent de ne pas être aliéné en permanence par la lutte pour la survie, de n’être pas obsédé par le fait de rechercher chaque jour sa pitance comme par exemple dans de trop nombreux pays d’Afrique, de ne pas être traqué par les chiens de garde d’une dictature, ou encore de n’être que l’esclave consentant d’une société mercantilo-scientifique. Ventre affamé n’a pas d’oreilles, même pour écouter les plus beaux cantiques, et l’homme en danger ne pense à rien d’autre qu’à sauver sa peau.
Le devenir spirituel de chaque homme est étroitement conditionné par les conditions économiques, sociales, culturelles et politiques dans lequel il est inscrit. Ne se réalise pas pleinement qui veut. Il est certaines conditions de vie qui interdisent totalement de vivre son thème au niveau spirituel. C’est pour cela que nous sommes conditionalistes. Et si vous ne me croyez pas, allez donc dire à un petit somalien mourant d’inanition que son Neptune en Maison IX le prédispose à de beaux voyages dans les territoires de l’Esprit.
Pour terminer, je vous propose une citation de Jean-Pierre Nicola, fondateur de l’école d’astrologie conditionaliste, qui résume parfaitement nos positions concernant les rapports entre astrologie et spiritualité : “C’est l’esprit ou le plus haut niveau de l’être qui charpente la personnalité. En cas de cassure ou de fissure dans nos charpentes — ne pas confondre avec nos défenses — le psychisme déborde, démontrant son éternelle enfance.”
Question hautement spirituelle qui n’est ni spiritualiste, ni matérialiste mais tout-à-fait conditionaliste : le spiritualisme ne serait-il pas qu’un débordement psychique parmi d’autre ?
Article paru dans le n° 3 des Cahiers conditionalistes (janvier 1981).
▶ L’astrologie et le Bouddhisme
▶ Astrologie et religion : savoir ou croire ?
▶ Histoire de l’astrologie arabe au Moyen-âge
▶ R.E.T. et théologie chrétienne
▶ L’anti-astrologisme chrétien
Les significations planétaires
par
620 pages. Illustrations en couleur.
La décision de ne traiter dans ce livre que des significations planétaires ne repose pas sur une sous-estimation du rôle des Signes du zodiaque et des Maisons. Le traditionnel trio Planètes-Zodiaque-Maisons est en effet l’expression d’une structure qui classe ces trois plans selon leur ordre de préséance et dans ce triptyque hiérarchisé, les Planètes occupent le premier rang.
La première partie de ce livre rassemble donc, sous une forme abondamment illustrée de schémas pédagogiques et tableaux explicatifs, une édition originale revue, augmentée et actualisée des textes consacrés aux significations planétaires telles qu’elles ont été définies par l’astrologie conditionaliste et une présentation détaillée des méthodes de hiérarchisation planétaire et d’interprétation accompagnées de nombreux exemples concrets illustrés par des Thèmes de célébrités.
La deuxième partie est consacrée, d’une part à une présentation critique des fondements traditionnels des significations planétaires, d’autre part à une présentation des rapports entre signaux et symboles, astrologie et psychologie. Enfin, la troisième partie présente brièvement les racines astrométriques des significations planétaires… et propose une voie de sortie de l’astrologie pour accéder à une plus vaste dimension noologique et spirituelle qui la prolonge et la contient.
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Pluton planète naine : une erreur géante
par
117 pages. Illustrations en couleur.
Pluton ne fait plus partie des planètes majeures de notre système solaire : telle est la décision prise par une infime minorité d’astronomes lors de l’Assemblée Générale de l’Union Astronomique Internationale qui s’est tenue à Prague en août 2006. Elle est reléguée au rang de “planète naine”, au même titre que les nombreux astres découverts au-delà de son orbite.
Ce livre récapitule et analyse en détail le pourquoi et le comment de cette incroyable et irrationnelle décision contestée par de très nombreux astronomes de premier plan. Quelles sont les effets de cette “nanification” de Pluton sur son statut astrologique ? Faut-il remettre en question son influence et ses significations astro-psychologiques qui semblaient avérées depuis sa découverte en 1930 ? Les “plutoniens” ont-ils cessé d’exister depuis cette décision charlatanesque ? Ce livre pose également le problème des astres transplutoniens nouvellement découverts. Quel statut astrologique et quelles influences et significations précises leur accorder ?
Enfin, cet ouvrage propose une vision unitaire du système solaire qui démontre, chiffes et arguments rationnels à l’appui, que Pluton en est toujours un élément essentiel, ce qui est loin d’être le cas pour les autres astres au-delà de son orbite. Après avoir lu ce livre, vous saurez quoi répondre à ceux qui pensent avoir trouvé, avec l’exclusion de Pluton du cortège planétaire traditionnel, un nouvel argument contre l’astrologie !
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