Pascale, adhérente d’ARIANA, a souhaité établir un dialogue entre astrologie naturelle et Bouddhisme. Pour être précis, notons qu’elle est adepte du Bouddhisme mahahyâna (“Grand Véhicule”), qui se “tourne vers les couches les plus larges. La vénération du Bouddha adopte des traits théistes, l’individu peut, sur le chemin du salut, s’assurer de l’aide de boddhisattvas. Ceux-ci sont des éveillés qui par amour pour l’Homme, renoncent à entrer dans le nirvâna.” Il existe aussi un Bouddhisme hynayâna (“Petit Véhicule”), “représentant le Bouddhisme monastique, qui s’emploie au salut d’un petit nombre d’élus”. Afin que tout soit clair, je tiens à préciser que je suis moi-même, Richard Pellard, complètement agnostique à l’heure qu’il est (mais ça peut toujours changer d’un instant à l’autre, et je n’en fais nullement un dogme définitif), et que je m’exprime donc avant tout en tant qu’astrologue.
Le Bouddhisme se réfère à l’action et à l’enseignement de Siddharta Gautama (autour de 560/480 av. J.-C.) qui, après son “éveil” se nomme lui-même “Bouddha” (l’Éveillé). Le Bouddhisme fait partie des religions non-théistes, puisqu’il ne connaît pas de Dieu éternel. Selon le Bouddhisme, il n’y a pas d’être stable, mais tout est conçu comme devenant et disparaissant. C’est pourquoi Bouddha récuse le concept du soi (atman), puisqu’il n’existe pas de substance durable. Les éléments derniers qui sont au fondement du monde ne sont pas des substances matérielles ou spirituelles, mais des propriétés ou états inconsistants. Ces facteurs d’existence (dharmas) forment cinq groupes : le corporel, les sensations, les distinctions, les forces motrices, les actes de conscience. À partir d’eux se composent tous les phénomènes existants (pierres, animaux, hommes). Leur apparition et disparition est réglée par une dépendance causale. Le Bouddha représente la doctrine des réincarnations et de l’expiation des actes par le karma. Comme il n’y a pas de substance spirituelle permanente, le nouvel être vivant qui naît des actions d’un précédent n’est pas identique au corps ni à l’esprit de celui-ci. C’est plutôt la seule chaîne causale des actes qui subsiste après la mort et même à une nouvelle vie. Le but du Bouddhisme est l’accès au nirvâna (extinction). On désigne par là l’état de totale extinction de la pulsion de vie et l’arrêt des réincarnations. L’éveillé peut déjà, de son vivant, se libérer de tout désir et accède après sa mort au nirvâna parfait. Après la mort du Bouddha, sa doctrine fut développée dans différentes directions.
Pascale : Depuis des années, je me pose des questions à propos des rapports astrologie-spiritualité, psychologie-spiritualité, conditionnements divers-spiritualité. Plus précisément, en tant que bouddhiste, je me suis interrogée sur les liens entre le “terrain” des individus et “l’idéal bouddhique” à atteindre. Mais si je peux facilement parler du Bouddhisme, j’avoue mes lacunes en astrologie. Je crois qu’il serait intéressant de baser la réflexion sur une comparaison entre les principales notions du Bouddhisme et des structures psychologiques, comportementales, etc., tirées de différents thèmes astraux, ces thèmes se différenciant par le degré d’“évolution” de la personne : de la plus “existante” à la plus “transcendante”.
Par exemple, à propos du thème de Francis Cabrel (le Fil d’ARIANA n° 2), on évoque une “sociabilité naturelle, fluide, et empathique certes (trigone à la Lune) mais aussi ultra-sélective (F− différentielle du Scorpion). L’homme se montre extrêmement attentif, à l’écoute… mais seulement avec ceux qui sont parvenus à franchir les frontières hermétiques (Cancer-Scorpion) qui verrouillent son intimité (Lune).” Les termes “ultra-sélective” et “mais seulement avec ceux” s’opposent à l’un des quatre “Illimités” du Bouddhisme : l’équanimité illimitée. Le Bouddhisme nous montre le chemin vers un bonheur de tous les instants, l’équanimité est l’une des vertus à acquérir pour atteindre ce bonheur. En effet, comment être heureux complètement, si je ne “supporte” et si je ne suis ouvert qu’à une certaine catégorie de personnes (sélectivité). À chaque fois que je serai en présence de personnes ne correspondant pas à cette catégorie, je ne serai pas à l’aise. L’équanimité nous permet d’aller au-delà de cet attachement à certaines personnes. Mais après avoir effectué cette comparaison, me vient une réflexion : peut-être cette phase de sélectivité est-elle nécessaire ? Le Scorpion pousse à l’analyse, à la compréhension, à la lucidité, il me semble. Pour arriver à la tolérance, à l’acceptation inconditionnelle (équanimité) de tous, peut-être, et même j’en suis sûre, qu’il faut passer par une phase de compréhension de la nature humaine…
R.P. : S’il y a comme tu le notes à tort ou à raison contradiction absolue entre la Lune/Cancer trigone à Mercure-Vénus/Scorpion et “l’équanimité illimitée” qu’enseigne et recommande le Bouddhisme, on peut être tenté d’en tirer deux hypothèses logiques. Selon la première et en simplifiant, Cabrel n’est pas mûr pour le Bouddhisme et devra attendre sa prochaine et éventuelle incarnation pour espérer naître sous des cieux plus favorables à la fin du samsara (cycle de migration des âmes) et de l’illusion pour son âme. Dans ce cas, tous les individus (sans exception) ayant des structures zodiaco-planétaires identiques dans leur thème natal sont frappés d’impossibilité de se libérer de la chaîne des souffrances du temps de leur vivant. Si tant est que cela soit possible, cela signifie que l’aptitude à suivre le chemin spirituel de la libération bouddhique leur est interdit, à moins qu’ils ne contreviennent systématiquement aux lois astrales qui organisent leur psyché… ce qui, crois-en mon expérience, se traduit quasi inévitablement par des névroses plus ou moins graves. Au fond, on est ce qu’on est, et pas autre chose.
Selon la seconde hypothèse, tous les individus, quels que soient leur mode de fonctionnement astralement prédéterminé par leurs lieu, date et heure de naissance, seraient spirituellement capables de gommer absolument toutes leurs spécificités individuelles pour éteindre leurs désirs, pour parvenir à un état d’“équanimité illimitée”. Pourquoi pas ? Mais il faut vraiment avoir la foi (bouddhiste ou autre) chevillée au corps pour croire qu’un comportement spirituel modèle peut s’appliquer d’une manière linéaire et unique à la diversité des fonctionnements astropsychologiques. On revient à l’hypothèse première : d’après ce que j’en sais, un “marsien”, un “solaire” ou un “plutonien”, même évolué, reste toujours marsien, solaire et plutonien dans ses comportements. L’observation montre que l’accession à une dimension qualifiée de “spirituelle” ne modifie en rien son fonctionnement fondamental, elle lui donne une autre qualité, une autre amplitude et/ou une autre intensité, c’est apparemment tout… et c’est quand même énorme.
Admettons que le chemin bouddhiste soit le meilleur (c’est pour moi une pure hypothèse) pour parvenir à réaliser le soi universel qui sommeille dans le moi individuel. Dans ce cas se posent à nouveau au moins trois hypothèses basiques : selon la première, les configurations particulières de l’ego individuel qui se manifestent sous forme de comportements spécifiques, que le thème natal permet entre autre de définir et de prévoir, ne sont, si on en croit le Bouddhisme, qu’une pure illusion de continuité sécurisante dans l’impermanence fondamentales des choses. Pourquoi pas ? Mais dans ce cas, ne parlons plus d’influence astrologique : ce n’est qu’une illusion de plus, qui se diluera dans la standardisation “spirituelle” d’un rapport au monde exemplairement équanime et illimité. Cette hypothèse comporte une certaine forme de sagesse : il est en effet stupide d’identifier formellement le soi à son horoscope… ou à n’importe quoi d’autre.
Selon la deuxième hypothèse, le Bouddhisme ne serait qu’une idéologie pourvoyeuse de modèles au pire illusoires et au mieux relatifs : comment demander par exemple à un “Vierge-r” d’accéder à une attitude d’“équanimité illimitée” alors que tout, dans l’organisation astrale de son psychisme l’invite et l’incite à adopter naturellement une attitude contraire à cette infinie tolérance-indifférence ? Dans ce cas, l’individu a raison, pour le maintien de son intégrité personnelle, de refuser et nier ce dogme bouddhiste. Si la “loi d’équanimité illimitée” ne peut être acceptée par chaque individu comme une structure universelle de sa psyché, le Bouddhisme n’est plus qu’une forme particulière d’adhésion ou de croyance, qui ne peut convenir qu’à certains tempéraments astro-psychologiques.
Selon la troisième hypothèse, le Bouddhisme aurait découvert les lois universelles du spirituel, et le conditionnement astrologique n’agirait que comme un filtre précis forçant chaque individualité à répondre à sa manière spécifique et à traduire comme il le peut ces lois. Dans ce cas, chacun pratiquerait “l’équanimité illimitée” en fonction de ce qu’il est, de ce qu’il a été et de ce qu’il peut devenir, et surtout de la manière dont il fonctionne naturellement (c’est la base). Il y aurait ainsi les parcimonieux et les généreux, les pressés et les lents, les extravertis et les introvertis de ce genre d’attitude spirituelle, et l’hypothèse bouddhiste serait ainsi parfaitement compatible avec les réalités astrologiques. Nous y reviendrons plus tard.
Je pense donc que la meilleure manière (selon moi) d’aborder le domaine des relations entre astrologie et Bouddhisme reposerait sur les formulations suivantes : “De quelle manière et dans quelle mesure la diversité des modes de fonctionnement individuels tels qu’ils sont définis par l’astrologie permettent-ils l’intégration des axiomes de la loi et de la foi bouddhistes ?” Ou encore “De quelle manière et dans quelle mesure les postulats fondamentaux du Bouddhisme sont-ils compatibles avec les théories de l’astrologie naturelle et leurs implications métaphysiques ?”
Pascale : Moi aussi, je me pose très souvent la question que tu as formulée ainsi : “Dans quelle mesure l’attitude spirituelle idéale est-elle compatible avec la diversité fondamentale des comportements humains ?” Les réponses que j’ai à celà… La diversité fondamentale des comportements humains est-elle source de bonheur total ? Les passions quelles qu’elles soient (pour le jeu, pour l’art, etc.) nous donnent-elles un bonheur durable ? Nos différences, nos spécificités, astrologiques ou autres, ne sont-elles pas plutôt une limitation, une orientation de la conscience, une polarisation, que je ne rejette pas mais que je considère comme une étape, comme à vivre, à intégrer et à dépasser ? Je crois comprendre que tu tiens beaucoup à la diversité des comportements humains et qu’une attitude spirituelle unique et idéale te dérange…
R.P. : Ce n’est pas que j’y tienne beaucoup d’un point de vue personnel, subjectif. En tant qu’astrologue, je ne peux objectivement que constater cette diversité, qui est une réalité incontournable.
Pascale : Dans le Bouddhisme, nous recherchons le bonheur total et la cessation de la souffrance, souffrance que nous expérimentons tous, qui peut être minime ou forte, et se situer sur le plan physique, émotionnel, intellectuel, etc., et qui peut aussi être une simple frustration. Si tu regardes bien, personne n’est vraiment complètement heureux, ou en tout cas ça ne dure pas, et le moindre événement peut faire évoluer un bonheur en mal-être. Je ne crois pas que les spécificités de l’ego individuel soient source de bonheur, mais je ne les rejette pas non plus, car je les considère comme karma, c’est-à-dire comme résultat d’une action, comme effet de la cause. Elles sont à comprendre, à dépasser ou transcender. Pour certains, cela prendra une vie ou deux, pour d’autres moins. Je crois en une attitude spirituelle idéale, plus qu’une attitude, elle consiste en une réalisation totale de l’être, réalisation des qualités.
R.P. : Tu as posé la question suivante : “La diversité fondamentale des comportements humains est-elle source de bonheur total ?” L’astrologie naturelle aurait tendance à répondre : au fond, ça n’a aucune importance. Cette diversité fondamentale des comportements humains est un fait objectif, qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore, qu’on le veuille ou non, et elle est dans une très large mesure structurée par notre sensibilité aux cycles et rythmes cosmiques. C’est une loi universelle. On peut certes s’y opposer au nom de présupposés idéologiques, philosophiques ou spirituels (et la possibilité même de cette opposition est encore un élément de la diversité fondamentale des tempéraments : il y en a qui s’y opposent ou qui l’acceptent pour diverses raisons). Tu vois le paradoxe…
Le “bonheur total” que tu évoques n’est-il pas une idée, une projection, un souhait, un projet, une espérance, une représentation de ce que devraient être les êtres et les choses, et non ce qu’ils sont ? D’un côté, il y a une constatation incontournable que quiconque a étudié sérieusement l’âme humaine et le fonctionnement psychologique ne peut nier : chaque être est différent des autres dans ses comportements et ses aspirations, et les régimes politiques ou religieux totalitaires qui ont décidé de faire table rase des spécificités individuelles pour tenter de bâtir une “humanité nouvelle” aux comportements unifiés ont toujours grossièrement échoué. De l’autre côté, on peut effectivement se poser la question : “La diversité des comportements est-elle source de bonheur total ?” Vu le caractère souvent tragique et malheureux de la destinée humaine, on pourrait se dire que cette diversité est source de malheur… mais c’est aller un peu vite en besogne. On ne peut inférer aucune relation de cause à effet entre cette diversité et les malheurs individuels. Même si on parvenait à en finir avec cette diversité des comportements, parviendrait-on pour autant au bonheur total ? Et d’ailleurs, pourquoi chercher ou vouloir le bonheur total ? N’est-ce pas qu’une illusion ?
“Les passions quelles qu’elles soient (pour le jeu, pour l’art, etc.) nous donnent-elles un bonheur durable ?” C’est encore une question qu’on peut légitimement se poser. Mais “pourquoi un bonheur devrait-il être durable ?” est une question tout aussi légitime et pertinente. Les structures astrales dont nous héritons à la naissance se vivent entre autres à travers nos inclinations passionnelles. Pourquoi le fait de vivre ses passions individuelles serait-il incompatible avec un hypothétique “bonheur durable” ?
Le Dalaï-Lama comme Jiddu Krishnamurti ont en commun la passion de la mécanique. Je ne sais pas quelles sont les autres passions du Dalaï-Lama, mais je sais que Krishnamurti avait également une passion pour les romans policiers qu’il dévorait à hautes doses. Ces passions humaines, bien humaines, et surtout bien spécifiques, bien individuelles, empêchent-elles le Dalaï-Lama ou Krishnamurti de vivre des états bouddhiques de félicité totale ? Les “bonheurs passagers” qu’ils doivent à leurs passions sont-ils contradictoires avec le “bonheur durable”, ou bien s’agit-il de deux formes de “bonheur”, de deux états d’être de nature si différente qu’ils peuvent très bien coexister sans problème et sans contradiction à des niveaux différents de l’organisation psychique ? Et enfin, pourquoi les mystiques et autres instructeurs spirituels manifestent-ils eux-mêmes une si grande diversité de comportements, qui se traduisent entre autre par le développement par chacun d’entre eux d’un point de vue spécifique et original sur ce qu’est le divin, point de vue qui dépend toujours, entre autre, de l’organisation du système solaire au moment et au lieu de leur naissance ? La connaissance de la diversité objective des temps due aux fuseaux horaires est-elle compatible avec le fait que chacun voit quand même midi à sa porte ?
Tu dis aussi que tu “crois en une attitude spirituelle idéale. Plus qu’une attitude, elle consiste en une réalisation totale de l’être, réalisation des qualités”. “Je crois…” : tout est dit. Nous sommes dans le domaine de la foi, du pari sur l’inconnu, de l’invérifiable. Pourquoi pas ? Ce qui est sûr, c’est que les attitudes spirituelles ont toujours été d’une incroyable diversité selon les époques, les cultures et les individus. Tu évoques une “réalisation totale de l’être, réalisation des qualités”. Mais la “réalisation totale de l’être” implique selon l’astrologie (mais aussi la psychologie jungienne) de vivre activement et lucidement toute sa Terre et tout son Ciel, avec ses forces et faiblesses, qualités et défauts. Et en dépassant le cadre strictement astrologique, ne crois-tu pas qu’être pleinement soi-même au sens jungien, c’est se vivre comme totalité avec ses lumières et ses ombres, ses anges et ses démons, qu’ils soient issus de la Terre ou du Ciel ? Une “réalisation totale” n’englobant que les “qualités” ne serait qu’une réalisation partielle. Nos “qualités” ne sont que l’ombre lumineuse de nos “défauts” ou “manques”. Ton approche du Bouddhisme me paraît manquer de dialectique !
Pascale : Je veux d’abord parler de mon expérience. J’ai adhéré très facilement au Bouddhisme, car j’avais un état d’esprit bouddhique. Déjà, pour commencer, j’avais faite mienne une recommandation du Bouddha de ne pas croire en quoi que ce soit, même en ses paroles, avant de l’avoir expérimenté. Cela je l’applique à tous les aspects de la vie et donc aussi à la spiritualité… Les vérités du Bouddhisme, “l’attitude spirituelle idéale”, j’y adhère car je les ai expérimentées comme bonnes. Exemple : la Noble Vérité de Souffrance. Je l’ai constatée dans la vie de tous les jours et c’est ce qui m’a fait m’intéresser à la spiritualité. L’équanimité : dans ma jeunesse, je ne fréquentais qu’un certain type de personnes et j’étais très sélective. Cela ne m’a pas rendue heureuse, car en l’absence de ces personnes je n’étais pas bien. Depuis que j’essaie d’être équanime, je suis beaucoup plus épanouie. L’attitude spirituelle, on y vient petit à petit. C’est la vie qui nous y porte. C’est l’intersection entre nos prises de conscience intellectuelles, émotionnelles, énergétiques. Il ne faut pas idéaliser cette attitude spirituelle, on la découvre comme le fruit mûrit sur l’arbre. La philosophie bouddhique nous y aide, mais ce que nous apprenons intellectuellement est toujours à intégrer à son propre cas. C’est toute une alchimie, délicate, et toutes les erreurs sont possibles. Mais le centre de référence est toujours soi-même, sa propre conscience. On peut entendre de précieux enseignements bouddhiques et traîner avec soi des complexes psychologiques qui font qu’on aura des difficultés à les mettre en pratique. Au contraire, on peut ne pas être bouddhiste et en avoir les qualités.
R.P : J’aimerais reprendre les deux exemples que tu donnes d’une “attitude spirituelle idéale selon le Bouddhisme” : “La Noble Vérité de la Souffrance”. Je ne sais pas si c’est une noble vérité, mais c’est certainement une incontournable réalité : c’est la souffrance et l’insatisfaction qui nous poussent à évoluer. On peut éventuellement en faire un principe universel, une “noble vérité”. L’attitude spirituelle qui en résulte n’est nullement incompatible avec la diversité des comportements humains telle que l’astrologie la postule, la démontre et la décrit. Rien de tel qu’un bon petit carré ou une superbe opposition pour provoquer éventuellement de salutaires et “heureuses” (!?) prises de conscience psychologiques, sinon spirituelles. Les gens heureux n’ont pas d’histoire, comme dit justement la sagesse populaire, et les sextiles et trigones n’expriment au fond qu’un repos entre deux périodes de transformation possible.
Reste que chacun a ses souffrances spécifiques, et que pour y mettre fin (les masos ne le souhaitent pas), chacun doit faire avec les moyens qu’il a et imaginer des solutions d’une incroyable diversité ! L’extraverti, le solitaire ou l’actif par nature vivra cette “attitude spirituelle idéale devant la souffrance” d’une toute autre façon que l’introverti, le sociable ou le contemplatif. L’attitude spirituelle idéale me semble n’être qu’une chimère si elle ne s’inscrit pas au cœur même du vécu et des structures psychiques originales de chaque être.
Revenons maintenant à “l’équanimité illimitée”. Nous ne sommes pas égaux devant l’équanimité. Certains le sont spontanément, cela fait partie de leur nature, ils n’ont donc aucun mérite et on ne saurait considérer leur équanimité comme une attitude spirituelle idéale, à moins de considérer qu’on hérite de cette qualité à la naissance. D’autres ne le sont pas : ont-ils obligatoirement un “mauvais karma” ? Pour sortir de ce qui n’est peut-être qu’un malentendu sémantique, la question qui se pose pourrait être la suivante : “Existe-t-il deux types différents d’équanimité, dont l’une serait purement psychologique et l’autre purement spirituelle ?” Admettons que la réponse soit “oui” et tentons alors de définir aussi précisément que possible ces deux types d’équanimité, en rappelant au passage que ce mot signifie “égalité d’humeur, sérénité”. De multiples facteurs astro-psychologiques peuvent concourir à des comportements marqués par l’équanimité. Au plan des influences zodiacales, la phase égalitaire (pôle faible des Signes équinoxiaux Bélier, Vierge, Balance, Poissons) s’impose : par ses réactions unilatérales à des excitants considérés comme d’intensité et d’importance exactement équivalente (jour = nuit), l’individu réagit par des comportements qui égalisent et nivellent les contraires. En étant encore plus précis, l’état d’équanimité présuppose une sorte d’indifférence ou de refus de réaction qui ressemble à s’y méprendre aux caractéristiques de l’axe Vierge-Poissons : tout m’est égal, rien ne suscite en moi la moindre excitation. Les individus fortement marqués par la Vierge et/ou les Poissons pourraient ainsi être définis comme les “rois de l’équanimité” astro-psychologique. Au plan des influences planétaires, la fonction lunaire paraît s’imposer, en ce qu’elle demande de maintenir un état d’homogénéité, de bien-être et de sérénité relativement passive. En simplifiant à l’extrême, une Lune dominante en Vierge ou en Poissons et en manque d’excitation (f+) constituerait le meilleur profil astro-psychologique de l’équanimité.
Quelle pourrait être la définition de “l’équanimité spirituelle” ? Si elle respecte la diversité des comportements individuels tout en la dépassant, il me semble qu’elle inviterait chacun de nous à sortir sans y renoncer tout à fait de l’étroitesse de son point de vue personnel, même s’il paraît fondé, pour accepter (ou s’ouvrir à) la pluralité (encore elle) de tous les autres points de vue, en admettant d’emblée qu’à un certain niveau de l’être, tous sont équivalents au sein de l’infinité des possibles, qui est l’un des visages de l’universel. Dans cette hypothèse, qui du point de vue de l’astrologie naturelle ressemble énormément à un passage du référentiel “Sujet” au référentiel “Objet”, on peut vivre pleinement ses tendances astropsychologiques individuelles. Et cela y compris en combattant éventuellement les points de vue que l’on estime incompatibles avec le sien propre, sans pour autant jamais perdre de vue que, du point de vue de “l’équanimité spirituelle”, “l’ennemi” n’a pas forcément tort de réagir comme il le fait, c’est-à-dire en conservant finalement une certaine forme de sérénité dans les pires affrontements.
Mais me diras-tu, l’affrontement, ce n’est pas très recommandé d’un point de vue spirituel. Je ne sais pas ce qu’en pensaient les guerriers tibétains qui ont combattu l’arme au poing les envahisseurs chinois, mais mon expérience d’astrologue m’a appris qu’il y a des gens qui, vue leur constitution astropsychologique, ne seraient pas capables de supporter longtemps un état d’équanimité spirituelle dépourvu d’action offensive. Les guerriers n’auraient-ils pas droit à l’équanimité d’âme, à combattre impitoyablement l’ennemi du moment sans lui en vouloir, en se disant sereinement que ce n’est jamais que l’ennemi du moment ? Ce guerrier-là, n’en doutons pas, serait plus accessible à la pitié et à la miséricorde que le guerrier dépourvu d’équanimité spirituelle…
Si “l’équanimité spirituelle” prétend nier ou dépasser radicalement la diversité des comportements astropsychologiques, c’est une autre paire de manches. Il faut écraser les egos (sauf par exemple-hypothèse les egos Lune/Poissons ou Vierge vécus dans l’inertie à un haut niveau de réalisation spirituelle) pour que chacun ait “l’attitude spirituelle vraie”. Advenir à la dimension spirituelle revient pour l’homme à faire une croix définitive sur ce qui fait l’originalité, la spécificité de ses comportements. D’un certain point de vue “oriental” comme celui du Bouddhisme, cela peut se concevoir tant il est vrai que la notion d’“individualité” a peu d’importance dans les cultures orientales (comme dans les civilisations primitives d’ailleurs).
Pascale : Cela t’intéressera peut-être de connaître l’avis d’un lama, directeur spirituel d’un centre de préservation de la tradition mahayâniste. Au cours d’une session “questions-réponses”, lui a été posé la question de l’astrologie. Il a répondu : “Le Bouddha n’a rien à faire de l’astrologie.” Ce n’est sans doute pas à considérer comme vérité absolue. Quoi qu’il en soit, j’aime à croire qu’à un certain niveau on dépasse les conditionnements astrologiques. À un certain niveau… restons modestes et surtout restons nous-mêmes. Il n’est pas question de nier nos émotions par exemple, mais de les accepter sans jugement. Ainsi, pour reprendre ton exemple, si un Vierge ‘r’ ne peut accéder à une attitude d’équanimité illimité, qu’il vive ce qu’il a à vivre, c’est-à-dire peut-être le contraire. Le jour où il aura assez souffert, il évoluera.
R.P : D’après ton lama, le conditionnement astrologique individuel est sinon nié par le Bouddhisme (“le Bouddha n’a rien à faire de l’astrologie”, du moins radicalement relativisé (alors que le Dalaï-Lama a son astrologue). Dans cette optique, le fait d’être un individu aux comportements spécifiques ne serait plus qu’une illusion que crée l’ego pour légitimer le “moi-je” en l’illustrant dans des attitudes caractéristiques. Il va de soi qu’un tel point de vue est totalement antinomique avec celui que développe l’astrologie naturelle. Mais ce n’est qu’une hypothèse, une question. Comment y réponds-tu ? “Il ne faut pas idéaliser cette attitude spirituelle”, dis-tu, et tu as bien raison. Mais alors, pourquoi parles-tu en même temps “d’attitude spirituelle idéale” ? J’avoue que je ne comprends pas. Enfin, je ne crois pas, contrairement à toi, qu’à “un certain niveau on dépasse les conditionnements astrologiques”… Sinon peut-être lors de notre passage dans l’au-delà. Qu’on le veuille ou pas, nous sommes tout au long de notre vie en symbiose, corps-âme-esprit confondus, avec notre environnement cosmique qui nous conditionne. Est-ce que tu as déjà rencontré deux lamas psychologiquement identiques (si tant est que le fait d’être lama est une référence en termes de réalisation spirituelle) ? N’y en a-t-il pas des vifs et des lents, des plus ouverts et des plus inaccessibles, des très doués pour l’enseignement et d’autres pas du tout ?
Je pense, je crois que l’état de “félicité bouddhique”, de “nirvâna” existe. J’ai déjà expérimenté des états de non-dualité. Je pense et je crois aussi qu’existent des êtres “réalisés”, ceux qui font en permanence l’expérience de leur soi cosmotellurique. Le problème est de savoir si ces “réalisés” diffèrent entre eux. Réponse de Uppalari Gopala Krishnamurti, un “réalisé” (rien à voir avec le Jiddhu Krishnamurti bien connu) : selon lui (la manière dont il évoque son expérience de réalisation ne peut faire douter de cette “réalisation”), les “réalisés” diffèrent entre eux “parce que leur arrière-plan est différent. L’arrière-plan seul a la faculté de s’exprimer… La manière dont je me rends compte du mien est déterminée par mon passé de luttes, par la voie que j’ai suivie, par mon rejet de la voie suivie par d’autres. Un point, c’est tout… La personnalité ne change pas quand vous assumez l’état naturel. Vous êtes, après tout, un ordinateur qui réagit comme il a été programmé. En fait, c’est votre effort actuel pour vous transformer qui vous éloigne de vous-même et vous empêche de fonctionner de manière naturelle. La personnalité ne changera pas. Ne vous attendez pas à ce qu’un tel homme un être ‘réalisé’ se libère de la colère ou de ses idiosyncrasies. Ne vous attendez pas à le voir faire preuve de quelque humilité ‘spirituelle’. Cet homme-là peut très bien être la personne la plus arrogante que vous ayez jamais rencontrée parce qu’il est en contact avec la vie au seul point qu’aucun autre n’a pu toucher. C’est pour cela que chacun de ceux qui parviennent à cet état s’expriment d’une manière unique dans le langage de son temps. C’est également pour cette raison que deux personnes vivant cet état à la même époque ne communiqueront jamais. Elles ne danseront jamais dans les rues main dans la main : ‘nous sommes des réalisés, nous sommes en communion’”.
Pascale : J’ai lu U.G. et je ne partage pas ton avis ! Je me permets de douter de sa “réalisation” : c’est un aventurier de la conscience certes, et à ce titre on peut s’intéresser à son expérience. Mais sa réfutation du Bouddhisme ne m’apparaît pas solidement argumentée. Son “état naturel” ne paraît pas mener bien loin. Il semble être dans un état où il subit les choses sans but. Bizarre… Mais cet “état naturel” est-il le véritable “éveil” ?
R.P. : Je n’en sais rien… Quelles critiques précises et concrètes adresses-tu à l’astrologie en tant que bouddhiste… et astrologisante ?
Pascale : Je reprends ta remarque : dans l’optique astrologique, la “réalisation totale de l’être” implique de vivre activement et lucidement tout son ciel, avec forces et faiblesses, qualités et défauts. Le Bouddhisme ne nie pas ce terrain, ne nie pas la diversité, mais le voit comme le résultat d’un karma ; en fait il ne l’accepte ni ne le rejette, mais nous invite à une simple présence à ce terrain, sans jugement, de façon à connaître la nature des choses et à la transcender, à évoluer. Ceci est loin d’un certain fatalisme (mais je peux me tromper) que je crois déceler dans ta vision de l’astrologie : on a des qualités, des défauts, des forces, des faiblesses. D’accord ! Mais pourquoi s’en tenir là ? Il manque peut-être cette vision, une ouverture, une possibilité d’évolution. Justement, les défauts et les faiblesses nous invitent à un travail sur nous-mêmes. Pourquoi subir les choses ? Je crois l’être humain plus riche en ressources et plus complexe que cela, et les aspects et positions planétaires plus paradoxaux et imprévisibles.
R.P. : Si une approche de l’astrologie ne peut être suspectée de fatalisme, c’est bien celle du conditionalisme ! Mais peut-être confonds-tu deux notions différentes : le fatalisme et le déterminisme. L’homme est sans aucun doute puissamment déterminé par l’organisation du système solaire au lieu et au moment de sa naissance et tout au long de son existence, tout comme il est puissamment déterminé par son patrimoine génétique, par son éducation, son milieu socioculturel, etc. À ces déterminations initiales, il ne peut échapper. Il doit s’adapter à son milieu cosmique comme à son milieu terrestre, faire avec ce qu’il a reçu, résoudre les problèmes que lui pose son héritage céleste (son thème natal) en fonction des opportunités que lui offre son héritage terrestre (hérédité, sexe, éducation, etc.). L’expérience montre que ceux qui, pour une raison ou pour une autre, sont obligés de vivre en porte-à-faux ou en contradiction avec la structure d’être que constitue le thème natal, développent de graves névroses.
Naître sous une opposition Vénus-Uranus dominante, par exemple, c’est être voué, déterminé à devoir résoudre les tensions entre affectivité et cérébralité qu’implique un tel aspect, qui va en quelque sorte “tirer” l’ensemble du thème. Mais je te rappelle que le ciel pose des questions et des problèmes, et que c’est l’homme sur Terre qui leur apporte des réponses et des solutions, en fonction de ses divers conditionnements terrestres. Il n’y a donc pas de fatalité absolue du côté du ciel et, comme tu le soulignes à juste titre, chaque être puissamment déterminé par une opposition Vénus-Uranus, en fonction de ses conditions initiales et de son milieu d’évolution, de ses réflexes conditionnés et de ses prises de conscience, vivra d’une manière originale cet aspect planétaire. Certains la vivront toute leur vie sous la forme d’un conflit permanent et insoluble, d’autres apprendront, après de rudes expériences, à maîtriser cette discontinuité pour la transformer en dynamique adaptative, mais quelques soient les solutions que les individus imaginent ou qui leurs sont imposées, ils n’échapperont pas au “cadre de référence” de la problématique Vénus-Uranus. Ainsi un puissant déterminisme n’implique-t-il pas automatiquement une fatalité aveugle. Si cette fatalité apparaît, elle est davantage le fruit de l’inertie des comportements humains et de la pesanteur des conditionnements sociaux que d’on ne sait quel “destin astrologique”. Quand, pour une raison ou une autre, on a établi une mauvaise relation avec son ciel de naissance, il est évident qu’il faut faire un “travail sur nous-mêmes”, de nature psychothérapeutique (avec ou sans l’aide de professionnels) pour vivre en meilleure harmonie avec son thème… dans le cadre des structures de ce thème, et non pas contre elles. De ce point de vue, astrologie conditionaliste et Bouddhisme sont tout-à-fait d’accord. Il n’y a aucune raison de “subir les choses”. Si je vis mal ma dissonance Vénus-Uranus, il ne tient qu’à moi, pourvu que mon environnement affectif, économique et social ne m’en empêche pas absolument, de la vivre d’une autre manière.
Tu reproches par ailleurs à l’astrologie conditionaliste de manquer peut-être d’une “vision, une ouverture, une possibilité d’évolution”. Pour tenter de te répondre, je me vois obligé de faire un rapide petit détour historique. Lorsque l’astrologie est née chez les Chaldéens, les astrologues étaient à la fois prêtres, astrologues et astronomes, et nos lointains ancêtres n’opéraient initialement aucune différenciation entre ces trois statuts. C’est dire qu’au début, l’astrologie était indissociable de la religion… et de la science. La rencontre du savoir astrologique chaldéen avec la civilisation grecque a vu la séparation entre “astrologie scientifique”, pour simplifier, et “religion cosmique”, ce qui n’a pas empêché un Kepler, par exemple, d’être à la fois un grand scientifique, un astrologue et un homme extrêmement religieux. Après avoir été expulsée de l’Académie des Sciences à la Renaissance, l’astrologie occidentale n’a dû sa survie qu’aux sectes ésotérico-religieuses qui l’ont hébergée et perpétuée (en la momifiant) jusqu’à la fin du XIXe siècle. Elle qui avait eu tant de mal à se dissocier des croyances religieuses, métaphysiques, se voyait à nouveau contrainte de cohabiter avec elles (déterminisme ou fatalité ?). Résultat : au XXe siècle, le savoir astrologique “scientifique” était inextricablement mêlé à toutes sortes de croyances, l’orientalisme ayant particulièrement la cote. Or l’astrologie, au fond, n’appartient pas au domaine du croire, mais du savoir. Elle n’est pas le fruit d’une révélation, mais d’une découverte empirique, d’une observation des êtres et des choses, d’une méditation sur les mystères de la nature universelle, dans l’optique d’une profonde interdépendance entre réalités terrestres et réalités célestes. Pour rendre à l’astrologie son véritable statut, celui de science naturelle méconnue au carrefour des sciences physiques et des sciences humaines, Jean-Pierre Nicola, fondateur de l’astrologie conditionaliste, a compris qu’il fallait de toute urgence la libérer de toute tutelle religieuse ou pseudo-métaphysicienne : l’astrologie en soi est agnostique.
C’est peut-être ce que tu reproches à l’astrologie naturelle. Et d’une certaine manière, tu n’as pas tout-à-fait tort. Depuis la naissance de l’astrologie conditionaliste, il y a plus de trente ans, il a fallu — nous n’avions pas le choix — durement batailler pour extirper l’astrologie de sa gangue de superstitions, de croyances irrationnelles, de religiosité syncrétique, et pour cela mettre l’accent sur des méthodes rigoureuses, un discours logico-rationnel, une réflexion approfondie sur sa nature et son statut. Dans cette première et difficile étape, sans doute avons-nous trop souvent donné l’impression de faire l’impasse sur ce tu appelles la “vision”, “l’ouverture”, la “possibilité d’évolution”, toutes notions qui ont, pour toi, une signification spirituelle. Contrairement à d’autres courants astrologiques (je pense par exemple aux humanistes, aux rosicruciens ou aux karmistes), nous n’avons pas de message religieux galvanisant et euphorisant à transmettre aux masses. Nous ne faisons pas de catéchisme. Nous ne sommes pas une secte apportant à ses membres le réconfort de croyances partagées. Nous n’avons pas de réponses à donner aux questions métaphysiques que se pose l’humanité. Nous ne sommes que des astrologues, au plus juste, au plus vrai : nous étudions et nous nous efforçons de comprendre les mystères de la relation de l’espèce humaine avec les cycles et structures du système solaire. De ces recherches découlent une pratique, que l’on retrouve dans la consultation astrologique. Il s’agit alors, dans cette humble relation d’aide, de faire comprendre au consultant la relation qu’il a établi avec son ciel et de l’aider, dans la mesure du possible, à améliorer cette relation en respectant son intégrité spirituelle, ses croyances religieuses, ses paris métaphysiques. Une telle attitude peut apparaître comme manquant de souffle transcendant, besogneuse, étriquée, étroitement fonctionnaliste, presque terre-à-terre (un comble pour des astrologues !) au premier regard, qui est toujours superficiel.
En fait, il n’en est rien. Les conditionalistes ne se réduisent pas à d’austères techniciens-ingénieurs de l’astrologie. Démontrer rigoureusement que l’homme sur Terre vit en profonde symbiose avec l’univers, intimement branché sur les cycles cosmiques de la nature, est-ce manquer de “vision” ? N’est-ce pas plutôt proposer à l’homme une ample et riche vision ancrée dans le réel, qui implique un autre rapport avec la nature universelle que l’actuel rapport de domination aveugle, une réconciliation entre l’homme sur Terre et le cosmos, une autre manière de vivre dans le respect des différences que nous devons, entre autre, à nos thèmes natals, un autre type d’éducation qui prendrait en compte l’apprentissage systématique de ces différences pour aboutir à davantage de tolérance, un autre rapport à la psychologie qui impliquerait d’en finir radicalement avec l’absolutisme d’un moi-je individualiste, isolé dans son sac de chair et d’idées et coupé de l’univers, un autre rapport à la politique qui intégrerait le respect des échéances du long terme, un autre rapport à la métaphysique qui serait enfin libre de toutes les antiques projections religieuses ? Le R.E.T. n’est-il pas un système de pensée qui intègre totalement l’inconnu, le mystère, et donc la métaphysique, au cœur même des références humaines ? Si ce n’est pas de la “vision”, je ne sais pas ce que c’est.
Deuxième reproche : nous manquerions d’“ouverture”. Le simple fait qu’une Bouddhiste puisse s’exprimer librement dans une revue d’astrologie conditionaliste suffit à réduire ce reproche à néant. Mais allons plus loin : l’approche conditionaliste de l’astrologie est la seule à être ouverte à tous les domaines qui concernent l’homme “de l’atome à l’étoile, et non du berceau au jardin d’enfant”, comme le dit joliment Jean-Pierre Nicola. Pour comprendre l’homme, il faut l’appréhender dans toutes ses dimensions : sociale, intellectuelle, physiologique, affective, métaphysique. Parce que les structures du système solaire en nous sont les matrices de nos conceptions et vécus du monde, l’astrologie ne peut être qu’ouverture.
Troisième reproche : le manque de “possibilité d’évolution”. Après tout ce que je viens de dire, il tombe de lui-même. L’astrologie est un savoir en constant devenir, donc en perpétuelle évolution. Regardes les symboles du R.E.T. : à leur base se trouve toujours Pluton, c’est à dire la fonction de l’inconnu, inépuisable réservoir de transmutations, de transformations, d’évolutions et de révolutions. L’homme est en devenir en synchronisation avec les rythmes et cycles planétaires. Il n’est pas prisonnier de son thème, il en est l’expression changeante au fil du temps. Le thème n’est pas une cage immobile, mais une proposition d’être dynamique. N’oublie pas que le conditionalisme s’est aussi construit en réaction contre le fatalisme de l’astrologie classique !
Pascale : Je vais prendre un exemple : dans mon thème, Vénus est sans aspects, ce qui veut dire d’après les théories conditionalistes ou autres, que je n’utilise pas souvent ou rarement “l’efficacité émotionnelle, le retentissement sensoriel, la recherche de relations privilégiées, etc., la gentillesse, la compassion, la tendresse”. Je trouve que l’affectivité (Vénus), la réflexion (Mercure), l’action (Mars), la transcendance (Pluton), etc., sont toutes des composantes de l’être humain, et je ne vois pas pourquoi certains seraient privés de telle ou telle possibilité d’expression, ou de telles qualités. Admettons qu’elles puissent être faibles au départ et naturelles, allant de soi chez d’autres. On peut très bien imaginer qu’un sujet, par un travail sur lui, arrive à intégrer une fonction (Vénus) et que celle-ci sera le fruit d’une réflexion, d’une expérimentation, d’une acquisition contrôlée.
R.P. : Mais bien entendu ! J’aime à utiliser l’analogie de la maison : chacun d’entre nous, à sa naissance, hérite des mêmes “briques” planétaires et zodiacales pour construire la sienne, mais personne ne construit la même maison, parce que chacun d’entre nous commence cette construction avec les premières briques qui lui tombent sous la main, c’est-à-dire les planètes dominantes à la naissance. Chaque individu est composé de tout son ciel, et, idéalement, il devrait intégrer toutes les composantes de son ciel. Michel Dacremont, dans son article “Interpréter globalement” d’un récent Fil d’ARIANA, a très bien illustré le fait que des fonctions faibles peuvent parfaitement être intégrées… mais dans un certain ordre et selon certaines conditions. On commence à construire sa maison avec les matériaux, les briques que l’on connaît le mieux… les “dominantes planétaires”. Pour que la maison soit complète, achevée, il faut bien évidemment utiliser toutes les briques… mais pas dans n’importe quel sens, pas n’importe comment. Commencer de la construire avec les matériaux que l’on connaît le moins peut être extrêmement dangereux et aléatoire, foi de maçon-astrologue.
Pascale : Autre remarque sur l’astrologie : je trouve qu’elle a trop tendance à mettre des étiquettes sur les gens, des jugements définitifs. Exemple : le Taureau est un sujet patient. Et tous les autres Signes ? Ils manquent de cette qualité ? Pourquoi certaines qualités seraient réservées à certaines catégories d’êtres humains ? Admettons encore que cela soit plus naturel chez certains du fait de leur tempérament en liaison avec les cycles cosmiques. Cela empêche-t-il un travail, une réflexion, une observation qui induiraient une amélioration, une sensibilisation à cette qualité (la patience ou une autre) ? Personnellement je reste ouverte, et je crois en ce genre de possibilité, et l’astrologie devrait un peu plus ouvrir de perspectives d’évolution, au delà de son travail d’“état des lieux” nécessaire certes, mais incomplet et réducteur Au contraire, le Bouddhisme invite au travail sur soi, sans nier les différences. Les maîtres les ont bien remarquées quand ils disent que certains devront plus travailler sur la colère, tandis que d’autres ne souffrent pas ou peu de cette émotion perturbatrice. Certains doivent développer la compassion alors que chez d’autres elle est innée, etc. Mais ce n’est pas une fatalité. On peut acquérir ces vertus par une étude, par la connaissance, l’observation des émotions. Ce programme me semble beaucoup plus réjouissant que celui qui accepte les choses comme elles sont. Quand on souffre d’une maladie physique, on se soigne, on met un pansement. Quand on souffre à cause d’un défaut, pourquoi ne pas y remédier.
R.P. : La tendance à mettre des étiquettes simplistes, et qui se veulent définitives, sur les comportements humains n’est pas propre à l’astrologie, reconnais-le. Toute typologie psychologique ou morale souffre du même travers. La complexité foisonnante du fonctionnement humain se retrouve ainsi réduite, identifiée, schématisée en quelques formules et images-types qui évitent de se poser des questions. C’est sécurisant pour l’esprit avide de normes et de modèles facilement reconnaissables. “Le Taureau est un sujet patient” : il est évident qu’une telle affirmation est fausse, archi-fausse : il y a des Taureau patients et impatients, parce qu’on ne peut réduire personne au Signe que le Soleil occupait au moment de sa naissance. L’influence planétaire est plus déterminante que l’influence zodiacale, qui n’en est qu’une modulation. Un Taureau ‘t’ (chez qui dominent Mercure-Saturne-Pluton) sera toujours plus “patient” qu’un Taureau ‘e’ (Vénus-Mars-Neptune dominants). Si l’impatience est bien souvent l’apanage de la jeunesse, la patience est une vertu qui se développe plus aisément avec l’âge ; enfin, les civilisations traditionnelles favorisent davantage la patience que les civilisations modernes, prisonnières de l’efficacité immédiate, etc. Un trait de caractère tel que la patience n’est pas exclusivement concentré sur 30° d’écliptique, c’est évident.
L’astrologie naturelle ou conditionaliste s’est d’ailleurs développée en réaction aux typologies simplistes de l’astrologie classique, du genre “Vous êtes Feu, donc vous êtes passionné” ou “Vous êtes Eau, donc vous êtes sensible-intuitif-lymphatique”. On ne peut honnêtement identifier un individu à un “type” que dans une optique réductionniste affichée. Chaque individu est fait d’un canevas complexe de fonctions astro-psychologiques (et génético-psychologiques, et socio-psychologiques, etc.) organisées et hiérarchisées qu’il serait vain de vouloir réduire à un “type” fixe. Les méthodes d’interprétation conditionalistes, qui traitent de l’ensemble du thème en tant que totalité structurée, interdisent ce genre de réductionnisme.
Patients ou impatients, les individus fortement marqués par le Signe du Taureau ont néanmoins des points communs, quelles que soient leurs dominantes planétaires : leur aptitude à se mettre en état d’inhibition, à refuser, dire non, ne pas répondre aux sollicitations du monde extérieur qui ne conviennent pas à leur tempérament. On ne peut pas en dire autant des Gémeaux par exemple, marqués par une excitabilité diffuse. Tout le monde n’est pas égal du point de vue de l’aptitude à s’exciter ou à inhiber, à dire oui ou non. Il y a les spécialistes du “oui”, et les spécialistes du “non”. Ceux du “oui mais” et ceux du “non, jamais”. Ceux qui disent “oui” ou “non” du bout des lèvres, et ceux qui le disent franchement. C’est ce qui différencie, dans une large mesure, les tempéraments zodiacaux. Ce n’est pas faire de la typologie simpliste que de dire qu’il est des tempéraments plus introvertis ou extravertis que d’autres. Un individu fortement marqué par les planètes ‘R’ (Soleil-Mercure-Vénus) est plus doué que d’autres pour développer une sociabilité ouverte et détendue. Un autre, marqué par les planètes ‘t’, sera instinctivement plus secret, plus distant, plus cri-tique que le précédent. “Pourquoi certaines qualités seraient réservées à certaines catégories d’êtres humains ?”, demandes-tu. Réponse : nous ne sommes pas égaux en nature, nous sommes égaux en droit… dans une société démocratique et républicaine.
Une hyper-dominante Taureau ne fonctionnera jamais de la même manière qu’une hyper-dominante Sagittaire. C’est là “l’état des lieux” auquel permet de procéder, en simplifiant, l’étude d’un thème astrologique. Il est incontournable, parce qu’il décrit une réalité objective. Mais cela n’empêche nullement un Sagittaire ou un Taureau impatient à apprendre à faire preuve du minimum de patience qui peut cruellement lui manquer… en sachant qu’il ne pourra, au fond, jamais rivaliser dans ce domaine avec un individu qui a reçu la patience en héritage. L’impatient constitutionnel peut apprendre avec profit les vertus de la patience, et même les mettre en pratique… mais il restera toujours l’otage de son impétueux tempérament de base. L’asociable constitutionnel peut toujours fréquenter les cocktails mondains où il exprimera une sociabilité de façade laborieusement acquise… mais il restera toujours en lui un fond de méfiance compacte vis-à-vis des mondanités. On peut s’améliorer, mais on ne se refait pas. Astrologie et Bouddhisme sont donc d’accord sur ce point, contrairement à ce que tu penses.
Pascale : Quand on constate les dégâts importants causés à l’échelle individuelle ou mondiale par nos émotions et nos attachements divers, je trouve que c’est une version limitée et pessimiste que de dire “être pleinement soi-même, c’est se vivre comme une totalité avec ses lumières et ses ombres, ses anges et ses démons”. D’accord, on a des ombres, constatons-le, c’est bien, mais pourquoi en rester là, ne pas les dépasser, surtout si ça peut être néfaste pour moi comme pour autrui.
“Une réalisation totale n’englobant que les qualités ne serait qu’une réalisation partielle”, écris-tu. Cela se discute… les bouddhistes disent que l’ultime s’appuie sur le relatif (la réalisation ne tombe pas du ciel, il faut partir du terrain, de la boue, de nos problèmes, s’y confronter pour intégrer les leçons et dépasser les souffrances). J’ai fréquenté quelques lamas bouddhistes, et aussi les moines et les nonnes, et je peux te dire que tous, nous apprécions leur réalisation et leurs qualités, qualités qui sont sur le chemin vers l’éveil, et qui en sont aussi le fruit, qualités qui sont la vigilance, l’énergie, la joie, la tranquillité, l’équanimité, la concentration, la bienveillance, etc.
On ne peut pas dire que ce soit une réalisation partielle… ou alors c’est le monde à l’envers ! Ceci dit, les lamas bien sûr ont des différences : certains sont extravertis, certains sont réservés, certains sont doués pour les travaux manuels, certains ont de l’humour et d’autres moins, mais cela se passe dans le non-attachement, et ils ont tous les qualités de l’éveil. On se sent bien en leur présence, ils n’ont pas de projections, de saisie, ils sont calmes et sereins, c’est rassurant de fréquenter de tels êtres… Quant à la passion du Dalaï-Lama pour la mécanique, cela ne l’empêche pas de vivre la félicité totale, car il n’y est pas attaché. On peut apprécier une activité sans en être dépendant pour son bonheur. Les bouddhistes ne sont pas des personnes tristes et austères : ils se tiennent dans le chemin du milieu, évitant les extrêmes que sont la soif des plaisirs et l’ascétisme rigoureux.
R.P. : Seuls les vampires des fables n’ont pas d’ombre. Etre pleinement soi-même, au niveau individuel comme au niveau collectif, c’est intégrer ses zones d’ombre (en astrologie, fonctions planétaires et zodiacales non-valorisées à la naissance) dans l’économie générale de sa psyché, de sa personnalité, et non les nier. Ou alors, on devient un vampire inquisiteur, prisonnier de sa lumière totalitaire qui nie les ombres des autres. Ceci dit, les ombres les plus nuisibles sont les ombres inconscientes d’elles-mêmes. Il faut travailler sur soi pour éviter, dans la mesure du possible, que ces ombres ne deviennent le lieu de toutes les projections, de tous les aveuglements, de tous les refus de l’autre, qui est l’ombre de nous-même comme nous sommes son ombre à lui. Mon ombre fait partie de moi, et si je veux être moi-même, je dois l’accepter, en faire un partenaire plutôt qu’un adversaire. L’ombre n’est pas un monstre, à moins de diaboliser l’inconscient.
Je te cite un texte de Jean-Pierre Nicola à propos de ces relations conscient-inconscient, telles que l’astrologie naturelle les conçoit : “Pour être sérieux, parlons de la relation conscient-inconscient, de sa qualité, de sa nature. Un rapport ‘vrai’ exclut le lapsus. Il exclut l’inconscient qui dit non de la tête et le conscient qui dit oui de la bouche. Un être droit de bas en haut n’est pas en divorce d’avec sa base. Il n’aime pas en recto pour haïr en verso. S’il porte un amour, c’est un amour de bas en haut. Si c’est une haine, il la porte avec la bonne dose et jusqu’où il faut, sans création d’ombre compensatrice. Une telle ombre rendrait la haine déloyale en regard de l’univers ! Pour un tel être, inutile d’interroger son derrière, son devant en répond.”
Les individus, mêmes lamas Bouddhistes évidents, ne seront jamais égaux devant les sublimes qualités “extra-personnelles” que tu décris : vigilance, énergie, joie, tranquillité, équanimité, concentration, bienveillance, etc. En fonction des tempéraments astrologiques de base, il y en aura toujours de plus doués pour certaines de ces qualités que pour d’autres. Des lamas énergiques et joyeux avec des problèmes de concentration, des bienveillants-équanimes apathiques, des vigilants-concentrés durs à la bienveillance, etc. L’ensemble des qualités décrites ne peut se retrouver, à la rigueur, que dans une communauté vertueuse, et non à l’échelon individuel. C’est pourquoi nous sommes tous insuffisants, c’est pourquoi nous avons tous besoins les uns des autres, non pas par humanisme idéaliste, mais par prise de conscience des incontournables déficiences individuelles.
Pascale : Revenons-en à l’équanimité. Dans la vision bouddhiste, il s’agit de considérer tous les êtres de façon égale, sans discrimination, de façon bienveillante. Il ne s’agit pas “d’indifférence ou de refus de réaction caractéristiques de l’axe Vierge-Poissons”. Tous les lamas ne sont pas Vierge ou Poissons. L’équanimité vient de la connaissance des émotions, quand on comprend que les êtres sont le jouet de perturbations diverses, on ne les juge pas, mais on éprouve de la compassion pour eux. Cette équanimité est le fruit d’une réflexion, d’une compréhension de la nature des émotions, de l’observation de celles-ci. Elle s’acquiert en considérant tout ceci par l’étude. Ce n’est pas forcément inné. Ceci dit, il est possible que là encore, certains soient plus favorisés. Ainsi les personnes sensibles aux émotions, intuitives, seront peut-être plus à même d’en démonter les mécanismes, d’en intégrer les leçons, et donc d’être tolérantes vis-à-vis des autres. D’autres personnes peuvent avoir plus de difficultés, et devront avoir beaucoup d’enseignements et de claques de la vie pour comprendre. L’équanimité spirituelle ne nie donc pas la diversité des comportements. Elle est capable de les comprendre au contraire, mais elle ne s’y attache pas. L’équanimité fait que l’on aura pas de colère envers une personne dont on sait qu’elle est le jouet de forces, d’émotions. Cela rejoint la psychologie. C’est simplement être adulte et mature vis-à-vis de ses émotions. Quand quelqu’un a une maladie, on ne lui en veut pas pour cela. Il en va de même avec les problèmes émotionnels, quand quelqu’un est agressif ou jaloux, etc., on ne lui en veut pas, car on comprend qu’il souffre.
R.P. : Rien à dire là-dessus. Je crois que cette fois, tu as parfaitement fait comprendre en quoi consistait l’équanimité spirituelle du Bouddhisme. Elle n’est nullement incompatible avec la diversité des comportements que constate et étudie l’astrologie conditionaliste.
Pascale : La diversité ! C’est vraiment ton cheval de bataille ! Tu crains peut-être que cela remette en cause les fondements de l’astrologie, qui a pour objectif de sérier, de classer, de décrire les divers comportements. Je ne peux pas. Tous ces comportements, ces inclinations, ces structures psychologiques sont des chemins vers l’éveil. Ils ne sont pas niés par le Bouddhisme, mais au contraire intégrés, observés sans jugement, et dépassés. C’est important. Enfin quoi ! La vie se résumerait par toi à une diversité d’êtres, à une espèce d’infinie possibilité d’être, un grand jeu, sans but…
R.P. : La diversité des comportements et des aspirations est pour moi un fait incontournable, et non un cheval de bataille. Et crois-moi, ce ne sont pas quelques sentences Bouddhistes qui pourraient “remettre en cause les fondements de l’astrologie”. Si les Bouddhistes affirmaient qu’il n’existe aucune différence de comportement entre les individus, j’estimerais tout simplement que le Bouddhisme raconte n’importe quoi. Ce n’est pas le cas. C’est toi-même qui m’as fait connaître cette sentence Bouddhiste selon laquelle “La variété des karmas fait la variété des êtres” (Karma Satâ Kasutra). Le Christ disait “Il y a mille demeures dans la maison de mon Père”. Traduction en Bouddhiste : “il y a mille chemins vers l’éveil spirituel”, en fonction, entre autre, des configurations planétaires et zodiacales au moment de la naissance. Et enfin pourquoi la vie, dans l’immense diversité de ses manifestations, ne serait-elle pas un grand jeu sans but dans un cosmos organisé ? Sur ce plan métaphysique, l’astrologie n’a aucune réponse à apporter.
Pascale : On peut effectivement constater cette diversité, c’est une étape, j’en conviens. Comme on peut s’émerveiller de la diversité des espèces animales ou végétales et y voir la grandeur de la création, ce sont des sentiments que tout le monde éprouve. Mais une fois constaté cela, j’ai interrogé la vie plus en avant, j’ai demandé plus de sens et je me suis posé les questions fondamentales : la mort ? la violence ? la souffrance ? Pourquoi tout cela ? Est-ce inéluctable ? Tous ces comportements spécifiques sont autant d’états de conscience, autant de karmas, sont autant de passions, de projections mentales. C’est ce que je vois, ce que je comprends. L’astrologie ne fait que les décrire et cela a son utilité, cela a eu de l’utilité dans mon chemin pour m’aider à m’accepter telle que je suis. Mais il faut dépasser ce stade, et tirer les leçons, et cela se fait par une conscience toujours plus grande des choses.
R.P. : L’astrologie, encore une fois, n’a aucune réponse à ce genre de questions. Je veux seulement souligner qu’il ne s’agit pas seulement d’“états de conscience” ou de “projections mentales”, mais aussi de profondes structurations astro-psychologiques du système nerveux. Ca ne s’évacue pas avec quelques aspirations, prières ou bonnes intentions, fussent-elles Bouddhistes. Quant à la relation entre astrologie, karma et réincarnation, rappelons au passage que l’astrologie “karmique” est tout simplement une escroquerie intellectuelle et spirituelle. Il faut être fou pour penser et enseigner que les rétrogradations planétaires expriment les vies antérieures. Un thème ne dit rien de l’envergure spirituelle d’un être, ni de ses incarnations passées ou futures — au demeurant totalement hypothétiques. Jean-Pierre Nicola a fait le point là-dessus dans son article “Astrologie tragi-karmique” (Anthologie astrologique 1980–1986, Éditions COMAC). Mais passons…
Pascale : Si pour toi, cette grande diversité, ce grand jeu, cette simple interaction des êtres, cette expansion de la vie tous azimuts, est tout simplement la vie, et qu’il n’y a rien à chercher au-delà, mais simplement à être là, à faire avec tout ça, à vivre sans chercher plus avant, pourquoi pas, c’est ta vérité. Moi je demande plus, je demande plus de conscience, plus de maîtrise, plus de sérénité. Le Bouddhisme m’offre tout cela.
R.P. : Quel être humain sensé ne souhaiterait, pour lui-même et pour ses semblables “plus de conscience, plus de maîtrise, plus de sérénité” ? Le sage domine les astres… qui le structurent et donnent à sa sagesse son squelette et l’inscrivent dans le temps cyclique. Une sagesse qui n’a pas de racines profondes dans le cosmos n’est qu’un discours, et, en passant, le Bouddhisme n’a pas le monopole du plus de conscience, de maîtrise et de sérénité. Mais c’est parfait pour toi si le Bouddhisme donne un sens, une finalité à ta vie !
Pascale : Je crois qu’à un certain niveau de conscience, on n’est plus dépendant de l’astrologie, quand on est au-delà de tout ce que décrit l’astrologie : les diverses émotions, les diverses structures affectives, mentales, spirituelles, quand on est au-delà de tout ça, quand on est affranchi de tous ses conditionnements, on n’est plus sujet aux mêmes règles que les autres. À la limite, certaines caractéristiques physiques, certaines aptitudes seront là, mais de façon très légère, un peu comme un parfum, une coloration, sans que l’on s’y attache. Enfin, ceci est une hypothèse…
R.P. : Effectivement, ce n’est qu’une hypothèse, qui demande à être vérifiée, et cette vérification n’est pas évidente du tout. Je ne peux donc te répondre qu’un “pourquoi pas” totalement ouvert. Tout cela pose le problème de la physiologie des états dits “mystiques”. Revenons en donc à U.G. Dans son livre Le mental est un mythe (Les deux Océans-Paris), il écrit, en répondant à des gens qui lui posaient des questions sur l’astrologie : “Il n’y a pas de personne, ni d’espace intérieur où créer un soi. Ce qui demeure, quand la continuité de la pensée est balayée, est déconnecté, indépendant, avec des séries d’interactions. Ce qui arrive dans mon environnement se passe en moi sans séparation. Quand la cuirasse dont vous étiez revêtu est arrachée, vous découvrez une extraordinaire sensibilité de vos sens qui correspond aux mouvements des autres planètes.”
Je crois en tout cas qu’à ce niveau tu commets une confusion entre le discours astrologique et l’influence astrale. L’astrologie en tant que science s’efforce de représenter, à l’aide de théories, concepts et méthodes, par quelles modalités les rythmes, cycles et structures du système solaire agissent réellement sur notre globalité corps-âme-esprit. En ce sens, l’astrologie est une production comme une autre de la pensée, du mental, un fruit de la cérébralité, une construction intellectuelle. D’un autre côté, il y a des influences astrales qui existent par elles-mêmes et se passent de nos mots, de nos théories et de nos commentaires. L’héliotrope, le tournesol, ne construit aucune théorie intellectuelle rendant compte de l’influence de l’alternance jour-nuit dans ses processus physico-biologiques. Et pourtant, il tourne… Pareil pour nous autres humains, héliotropes bipèdes à cortex associatif : pas besoin d’astrologie, pas besoin du discours astrologique et de la mentalisation qu’il représente pour que nous soyons pétris de cycles et de rythmes cosmico-telluriques. Ca se fait naturellement, à notre insu, dans notre inconscient authentique, dans l’imperceptible plan où les forces gravifiques subtiles entrent en résonance avec nos organismes vivants, qu’on croie ou pas au discours astrologique, qu’on soit astrologue ou pas.
Un individu qui se situe au-delà du mental peut parfaitement s’affranchir de tous les discours cérébro-scientifiques sur l’astrologie ou autre chose. Il m’est déjà arrivé de dire à des élèves ou à des astrologisants de rencontre, trop enfermés dans un discours astrologique qui devient leur seul horizon mental, qu’ils feraient mieux de s’aérer les neurones et d’oublier le discours astrologique (en général astro-traditionaliste d’ailleurs) qui leur empoisonne l’existence en peuplant leur mental d’idées fausses sur la nature des relations entre l’espèce humaine et son environnement solo-planétaire. Si le discours astrologique n’est qu’une mentalisation de plus qui fait écran entre l’homme sur Terre et la nature universelle, foutons le discours astrologique à la poubelle de l’histoire… mais en même temps que toutes les mentalisations et théories existantes, scientifiques, artistiques ou religieuses qui font elles aussi fonction d’écran mentalo-culturel. Bref, on peut rejeter le discours astrologique pour de bonnes ou mauvaises raisons ou déraisons, ça n’empêchera pas le fait astrologique de continuer à exister comme une fleur, un arbre, un nuage, une étoile, l’A.D.N., la vitesse de cicatrisation ou le nycthémère.
Pascale : Peux-tu être sûr que l’être éveillé garde les limitations de son thème astral ? Il est permis d’en douter…
R.P. : Le thème de naissance n’est pas un facteur de “limitation”, comme tu persistes à le penser ou le croire. Faisons une analogie : ton squelette, pourvu qu’il soit intact et bien entretenu, est-il pour toi une limitation ? Non, il est l’instrument de ta liberté de mouvement dans l’espace, et ton squelette ne ressemble exactement à aucun autre. Le thème natal constitue l’ossature essentielle de notre psychisme. Du plus haut niveau (spirituel ? supra-émotionnel ou supra-mental ?) au plus bas (matériel ? animal ?), nous nous exprimons, nous exprimons notre être-au-monde à travers lui, à travers le réseau d’interaction des planètes, Signes, Aspects et transits (le squelette vivant est un réseau d’interactions inter-osseuses dynamiques). Personnellement, n’ayant pas du tout une mentalité de mollusque, je ne prends pas mon squelette pour une limitation, mais comme une proposition de fonctionnement dynamique, que j’habite comme je veux et comme je peux. Certes, tous les squelettes ne permettent pas la même liberté de mouvement, il y a ceux qui ont de puissantes charpentes osseuses et ceux qui ont de frêles os. Ce n’est qu’une question de différence, et non de limitation. Ou alors, si tu poursuis ton raisonnement sur l’horoscope limitatif, toute différence est une limitation ? Cela ne tient pas la route. Le même thème peut être vécu par une brute avinée de milicien serbo-croate ou par un saint. Où est la limite ? Pas dans le thème.
Pascale : Les mots que nous employons sont comme des paysages, et comme nous avons chacun nos propres paysages, je crois t’envoyer une photographie nette de mon univers intérieur, mais j’oublie que les événements qui composent une photographie sont codés. Ta réponse, ta photographie à toi, me prouvent aujourd’hui qu’il y a du décodage à faire. Notre échange actuel entre dans le domaine de la philosophie et de la métaphysique.
R.P. : Notre échange ne relève pas que du domaine de la philosophie ou de la métaphysique. Je tiens à rappeler que l’astrologie est de la partie. Notre échange pose plutôt les deux questions suivantes : Dans quelle mesure l’astrologie interfère-t-elle avec la philosophie, la spiritualité et la métaphysique ? Dans quelle mesure l’astrologie est-elle en soi porteuse d’une philosophie, d’une spiritualité, d’une métaphysique “sauvages” ? Vaste question…
Pascale : J’ai étudié un peu de métaphysique avec un docteur en ontologie. Et à l’instar de ses réflexions, je ne crois pas qu’il y ait un univers objectif, mais une infinité de possibilités de voir un univers.
R.P. : Il n’y a pas de contradiction entre les deux propositions : il peut y avoir un univers objectif (dont le système solaire et donc les influences astrologiques font partie) et de multiples façons subjectives de percevoir et concevoir cet univers objectif… c’est-à-dire de multiples façons de vivre subjectivement un même thème.
Pascale : Peut-être à un très haut niveau, il existe une façon de voir objectivement, mais je n’ai pas l’état de conscience suffisant pour le percevoir.
R.P. : - Je te rassure, moi non plus, mais j’essaie…
Article paru dans les n° 6 & 7 du Fil d’ARIANA (octobre 1996 & avril 1997).
▶ L’astrologie et le Bouddhisme
▶ Astrologie et religion : savoir ou croire ?
▶ Astrologie conditionaliste et spiritualité
▶ Histoire de l’astrologie arabe au Moyen-âge
▶ R.E.T. et théologie chrétienne
▶ L’anti-astrologisme chrétien
▶ Astrologie et connerie
Les significations planétaires
par
620 pages. Illustrations en couleur.
La décision de ne traiter dans ce livre que des significations planétaires ne repose pas sur une sous-estimation du rôle des Signes du zodiaque et des Maisons. Le traditionnel trio Planètes-Zodiaque-Maisons est en effet l’expression d’une structure qui classe ces trois plans selon leur ordre de préséance et dans ce triptyque hiérarchisé, les Planètes occupent le premier rang.
La première partie de ce livre rassemble donc, sous une forme abondamment illustrée de schémas pédagogiques et tableaux explicatifs, une édition originale revue, augmentée et actualisée des textes consacrés aux significations planétaires telles qu’elles ont été définies par l’astrologie conditionaliste et une présentation détaillée des méthodes de hiérarchisation planétaire et d’interprétation accompagnées de nombreux exemples concrets illustrés par des Thèmes de célébrités.
La deuxième partie est consacrée, d’une part à une présentation critique des fondements traditionnels des significations planétaires, d’autre part à une présentation des rapports entre signaux et symboles, astrologie et psychologie. Enfin, la troisième partie présente brièvement les racines astrométriques des significations planétaires… et propose une voie de sortie de l’astrologie pour accéder à une plus vaste dimension noologique et spirituelle qui la prolonge et la contient.
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Pluton planète naine : une erreur géante
par
117 pages. Illustrations en couleur.
Pluton ne fait plus partie des planètes majeures de notre système solaire : telle est la décision prise par une infime minorité d’astronomes lors de l’Assemblée Générale de l’Union Astronomique Internationale qui s’est tenue à Prague en août 2006. Elle est reléguée au rang de “planète naine”, au même titre que les nombreux astres découverts au-delà de son orbite.
Ce livre récapitule et analyse en détail le pourquoi et le comment de cette incroyable et irrationnelle décision contestée par de très nombreux astronomes de premier plan. Quelles sont les effets de cette “nanification” de Pluton sur son statut astrologique ? Faut-il remettre en question son influence et ses significations astro-psychologiques qui semblaient avérées depuis sa découverte en 1930 ? Les “plutoniens” ont-ils cessé d’exister depuis cette décision charlatanesque ? Ce livre pose également le problème des astres transplutoniens nouvellement découverts. Quel statut astrologique et quelles influences et significations précises leur accorder ?
Enfin, cet ouvrage propose une vision unitaire du système solaire qui démontre, chiffes et arguments rationnels à l’appui, que Pluton en est toujours un élément essentiel, ce qui est loin d’être le cas pour les autres astres au-delà de son orbite. Après avoir lu ce livre, vous saurez quoi répondre à ceux qui pensent avoir trouvé, avec l’exclusion de Pluton du cortège planétaire traditionnel, un nouvel argument contre l’astrologie !
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