Rien, dans le fond, ne distingue un discours prétendument vrai d’un mensonger se disant tout aussi authentique. En supposant que le vrai témoigne d’un fait qui a existé, sa vérité découle d’un accident contestable. Il est facile d’en montrer d’autant mieux l’invraisemblance que le vraisemblable passe pour non-accidentel. Indépendamment des faits qui conduisent aux assertions, les discours, vrais ou faux, sont à chances égales. En soi, l’affirmation : “Les baleines remontent le Rhône pour se reproduire dans le lac Léman” n’a rien de mensonger pour qui ne connait ni les baleines, ni le Rhône, ni le lac Léman. Mais l’affirmation implique une répétition qui rend la fable vulnérable par le contrôle expérimental. Les mensonges relatifs et l’histoire des hommes et des faits sont mieux protégés. Un passé qui n’existe plus les couvre de son silence. D’existant qu’il était, le fait révolu est devenu supposé, déductible dans l’inexistant par d’autres faits révolus.
Le discours privé de références immédiatement contrôlables se doit de compenser l’absence de réalité présente par une redondance de détails réalistes. Il pallie le réel qu’il n’a pas en lui-même par un luxueux “plus vrai que nature” qui donne au mensonge — ou l’erreur — tant de finesse et de supériorité formelle. Comparativement, le discours du vrai n’est souvent qu’un énoncé sommaire et brutal, d’une indélicatesse navrante, indigne des vertus de l’esprit.
Le mensonge est beau. Le beau est vrai et vraisemblable. La séduction de la fable reflète l’aspiration fervente de l’humanité à l’esthétiquement réel. L’abondance d’œuvres philosophiques est directement proportionnelle à la puissance d’un désir d’un réel élégant, par delà un réel qui se suffit d’exister grossièrement dans l’inexprimable, l’inesthétique, l’accidentel.
Une autre erreur serait de croire qu’un discours est moins mensonger s’il se prive de constructions logico-esthétiques pour épouser la description des faits. Les faits charrient dans le même torrent contenants et contenus passagers su moment : hommes, bêtes, choses, situations, relations, conséquences, motivations et perspectives.
Tout est dans le flot de l’instant. Le pêcheur à la ligne y trouve le poisson à la mesure de son hameçon, au goût de son appât. Combien de chemins passent par les chemins sans chemin ? L’historien des idées décrit l’histoire en n’en retenant que les idées. Celui des guerres et des soucis enchaîne les guerres aux soucis. Autant de descriptions, autant de chemins à travers champs. Qu’est-ce que l’histoire en-dehors des historiens ? Notre connaissance est au muséum de la canne à pêche, enfin normalisée par l’homme de science, artisan garde-pêche. Sa canne rejette électroniquement les poissons qui ne sont pas à la taille des lois, à la mesure de la mesure.
Tout ceci pour dire que si d’entre deux discours, l’inepte se démasque sous le regard des faits, ceux-ci n’en sont pas moins mensongers et quiconque s’en flatte contre les premiers n’est, peut-être, qu’un menteur aguerri à la brutalité.
Prenons l’exemple du Père Noël. Il existe. Les enfants le rencontrent aux abords des grands magasins, avec sa hotte, sa barbe, son air de cheminée propre. Les adultes, parents informés, apprennent à l’enfant à reconnaître le faux : ce père Noël grand magasin n’est pas le vrai : il a une fausse barbe. Ils se réfèrent à un père Noël qui n’existe pas pour le distinguer d’un faux qui existe pourtant. Un père Noël qui n’existe pas ne peut être que faux. Comment prétendre distinguer un faux père Noël au moyen d’un vrai jamais-vu qui est faux ? Pourquoi le faux père Noël porterait-il une vraie barbe, mais pourquoi, étant faux, n’en porterait-il pas une fausse, aussi fausse que lui ? Tout serait plus clair alors… Sauf si le faux père Noël — le vrai des grands magasins — portait une vraie barbe. Auquel cas, les parents honnêtes diraient : il a une vraie barbe, ce n’est pas le faux père Noël.
Il est évident, dans cet exemple fallacieux, que nous sommes portés à donner à nos fantasmes mensongers l’autorité de critères du vrai qui conduisent à de plus grands mensonges en accusant de trompeurs les signes non conformes à la réalité de notre illusion. Pour être le vrai père Noël, il suffit de ne pas exister, avec ou sans barbe.
Autre exemple, le complexe d’Œdipe. Adulte conscient et mythique, Œdipe fuyant un oracle funeste tue son père Laïos chemin faisant et épouse plus loin sa mère Jocaste, n’ayant reconnu aucun de ses géniteurs malgré la lucidité victorieuse du Sphinx.
En souvenir de cette tragique et double méprise, on appelle “complexe d’Œdipe” l’attirance de l’enfant de 4 ans pour le sexe opposé maternel ou paternel, et son hostilité criante envers l’autre sexe, maternel ou paternel. Ceci très schématiquement, la petite fille étant plus nuancée que le petit garçon. Soit.
Vous pouvez toujours vous fouiller l’annale judiciaire pour trouver un enfant en âge œdipien capable de remplir l’oracle en abusant de sa mère, fût-ce dans le respect des lois, et tuer son père, fût-ce avec son sabre de plastique en bois.
Légalement, et strictement parlant, on est en présence d’une diffamation. Dans le sens précis où l’on accuse un innocent d’une intention irréaliste et irréalisable. Pour ne courir aucun risque envers les dieux, la société déclare l’enfant irresponsable. Pis, on le “frappe” (encore) d’incapacité juridique. Vous voyez l’astuce ! Il ne peut pas porter plainte malgré la gravité de l’accusation. Les parents ou les tuteurs pourraient le faire à sa place. Mais vous savez ce que c’est : la famille, le qu’en dira-t-on, les vieux jours de la grand-mère… Pour les cas archaïques où les parents se sentent coupables de complicité contre l’enfance, le système a prévu par la bande les séances d’analyse. Les adultes tourmentés, inconsciemment torturés par le remords de ne pas défendre leurs enfants consultent d’autres adultes qui ont connu ces transes et les ont dépassées. Le trouble moral s’envole grâce au complexe d’Œdipe qui vient à point démontrer aux parents la réalité de leur désir d’inceste lorsqu’ils étaient enfants. L’heureux dénouement de ces séances d’auto-persuasion délivre l’adulte de son angoisse de diffamation. Preuve est faite qu’il n’y a pas d’innocent. Il se souvient de ses 4 ans. Affaire classée.
Sans doute, me direz-vous :le désir de l’enfant est affectif, l’Œdipe est une image. Nous rejoignons l’exemple du père Noël : image fausse pour juger d’une fausse réalité.
De toute façon, pourquoi s’en prendre à l’enfance ? Pourquoi ne porterions-nous pas la responsabilité de nos désirs à l’âge où ils se manifestent sous leur vrai jour ? N’ayant pas le courage de les vivre, vous les rejetez dans l’imaginaire. Non pas dans celui du moment, mais dans celui de vos enfants et de l’enfant que vous étiez, au temps où les parents sont beaux et désirables.
Des labyrinthes du mensonge, il apparait qu’être vrai c’est ne pas être. Toute expression ment. Seul le néant est vrai. Pour en finir j’ai décidé de chercher ma vérité dans la fin de mon expression. Je pèserai au bout d’une corde l’instant de lumière, la profondeur de ma hauteur, la largeur de ma longueur.
À Dieu, s’il en est, persécuteurs d’enfance. Je quitte mon métier pour une autre branche.
Sauvé par son inconscient !
Alors que, poussé par la lucidité, Psykott tentait de se pendre, un double lapsus significatif lui a fait choisir une corde trop longue et une branche trop basse.
Son inconscient veillait (hélas !)
Encore un exemple de discours psykottique.
Les Cahiers Conditionalistes demandent au vengeur COMAC qui a réponse à tout ce qu’il faut en penser.
▶ Cahiers Conditionalistes : Cher COMAC, en qualité de vengeur et vigile de la doctrine, vous avez certainement quelques mots à dire sur la crise de Psykott ?
▶ COMAC : Certes… Psykott vient de subir une poussée de confusion entre la fonction ‘rE’ (représentation d’Existence, Jupiter) et la fonction ‘eR’ (existence de Représentation, Vénus).
▶ C.C. : Mais encore…
▶ COMAC : La pensée normale s’établit par des circuits correctement interpénétrés entre les deux fonctions. Elles s’imbriquent, se réfèrent l’une à l’autre dans toute formulation des problèmes et questions relevant des choses de la vie, des situations concrètes du niveau ‘E’. Le langage use de mots désignant des choses, des êtres, des rapports (Jupiter). Par Vénus, les mots prennent forme et vie. Ils s’animent, nous suggèrent des perceptions subjectives qui rendent sensibles les effets d’une phrase. Les mots compréhensibles décrivent des images. Celles-ci déclenchent dans notre mémoire des faits (niveau Mars), des évocations de situations émotionnellement analogues à celles que le discours énonce. Dans ce référentiel, la compréhension d’un langage exige une disposition affective que sollicite l’image.
▶ C.C. : En d’autres termes ?
▶ COMAC : Psykott annonce “un discours en vaut un autre” pour le sens et la construction. Ce n’est pas le respect de l’orthographe et de la syntaxe (niveau ‘rR’ du Soleil) qui décide de la vérité. En général, ce niveau trop bien respecté (le “beau parler”) trahit son objet. Il lui est différent. En amplifiant et moralisant, Psykott déclare que tout est mensonger. Il serait plus juste de dire que le langage implique une retranscription tendancieuse parce que, de toute façon, sa nature et sa fonction ne peuvent être identiques à celle de son objet. Vous n’êtes pas forcément ouvert à l’expression logique. J’emploie pour provoquer un état réceptif une image et un exemple : il fût un temps où les normes de la poésie exigeaient des rimes, riches de préférence, alternativement masculines et féminines, sans oublier le nombre de pieds. On entendait par grand poète celui qui, malgré de pareils carcans, parvenait à décrire ses états d’âme, ses idées et sa vision du monde. Le procédé versificateur a conduit à une immense production de textes artificiels et d’un comique désolant. Finalement, l’académisme conduisait à mentir : les mots suscités par la règle des rimes décidaient eux-mêmes des images ou donnaient à la pensée un autre cours qu’elle n’aurait pas suivi si les pieds ne lui étaient pas comptés. La mode des “vers libres” libère les muses. Néanmoins, il existe toujours dans le langage des modèles de construction qui font que tout ne peut pas être dit dans une conformité parfaite à ce que l’on voudrait signifier ou retranscrire.
▶ C.C. : Et le mensonge des faits ?
▶ COMAC : Celui-là est tout aussi facile à comprendre… Le réel observable dépend exclusivement de nos moyens de perception, de nos sens. Avec un sixième sens, ce n’est pas assez pour percevoir la réalité dans l’entière complexité de ses rapports. Le langage traduit, trahit et réduit le réel perceptible, comme nos perceptions, semblables aux mots d’une autre langue, traduisent, trahissent et réduisent le grand réel non-perceptible. Nos évidences sensorielles, notre vécu, ne sont que des discours avec le vocabulaire et la syntaxe de la vie.
▶ C.C. : D’où l’expression : “ma vie est un roman.”
▶ COMAC : Oui, à ceci près que le roman vrai, écrit par les choses de la vie a souvent peu de chance d’être crédible et de remporter un prix littéraire. Il ne coïncide pas avec les règles du roman écrit pourtant sur les choses de la vie.
▶ C.C. : Un mot du grand réel. C’est quoi ?
▶ COMAC : La Terre tourne sur elle-même. Nous le savons par une déduction de nos apparences. Personne ne ressent la vitesse de rotation de la Terre, ni celle de son déplacement autour du Soleil. Nos instruments nous amènent à des affirmations surprenantes sur la vie des cellules, atomes et molécules. D’un univers inouï animé de vitesses incroyables, d’explosions fantastiques, nous ne ressentons rien, absolument. Pourtant ces choses existent. Nos états d’âme, nos rythmes et fonctions vitales en forment l’écriture. Nous en sommes le langage.
▶ C.C. : Le roman ou la triste histoire. Je présume qu’il ne s’agit plus de Jupiter (représentation d’Existence) mais de Neptune (existence de Transcendance) ?
▶ COMAC : Le neptunien est l’écrivain sans mot du grand réel. Il n’est pas forcément fiable. De même que l’évidence perçue se diffracte dans les mots, le grand réel perd son identité dans notre sensibilité déformante.
▶ C.C. : Ne lésinons pas, cher COMAC, l’homme vient de paraître aux éditions de l’espèce vivante, mais c’est peut-être une mauvaise nouvelle, une œuvre de jeunesse d’un acteur au talent incertain et qui use volontiers du neptunien comme média. Cet auteur ou grand réel, n’est-ce-pas, après tout, notre inconscient collectif ?
▶ COMAC : Notre inconscient n’est pas au muséum des archétypes ou dans les chambres noires des pulsions refoulées. Il est au présent, dans la Terre qui tourne en ce moment, dans les forces de cohésion de la matière, l’état de nos chromosomes, l’économie de nos bactéries, la dégradation de nos mémoires. Ces abysses qualifiées de physico-chimiques ne sont ni refoulées, ni mythologiques. Ils sont véritablement inconscients.
▶ C.C. : Et ils le resteront. Un exemple de la fonction de Pluton, conservateur du secret de la transcendance. Uranus n’est pas loin.
▶ COMAC : La représentation de ces forces subies et non ressenties, leurs découvertes et mesures mobilisent les fonctions uraniennes qui élaborent des langages, codes, instruments différents de ceux que nous tenons des sens. Ces fonctions, inhibitrices du niveau ‘E’, n’ont pas de rapport immédiat avec le langage conçu par nos perceptions. Pluton concerne ce qui n’est pas encore mesuré, qui ne le sera peut-être jamais de par sa nature ou en raison de l’inadéquation des instruments réducteurs que sont les concepts et modèles de l’esprit humain.
▶ C.C. : Que sera la tâche de la formule mercurienne, inverse d’Uranus ?
▶ COMAC : Mercure est transcendance dans un référentiel ‘R’. Il ne peut pas, comme Vénus, changer les mots en images efficaces. Il déstabilise les langages aux significations trop strictes. Il use et mésuse des représentations disponibles pour ouvrir, par erreur ou par hasard, d’autres connections avec l’inconnu. Ceci ressemble à la pensée analogique, à l’imagination créatrice et c’est encore autre chose, de plus libre, de plus souverain : l’esprit. L’intelligence par l’absurde, ou bien l’héritage, au plan ‘R’, de la dimension plutonienne. Il met l’univers dans un signe, un mot, un cerveau. J’entends par univers d’incommensurables probabilités, une infinitude de combinaisons possibles. Si l’homme dispose d’un pareil héritage, Mercure, en effet, valait bien d’être attribué à “l’adaptabilité et l’invention”. Il est bien plus que le messager des dieux ou ce luciférien déchu. Les traditions reprenant ces termes n’ont pas compris ce que parler veut dire, ils jupitérisent sans Neptune, spécialement à propos de Mercure réduit aux lieux communs, aux prières récitées machinalement.
▶ C.C. : Alors qu’il pourrait bien concerner la présence de l’infini dans l’homme ?
▶ COMAC : Et l’association de l’idée d’infini avec celle de liberté. C’est pourquoi il est important de savoir, par Uranus, si l’univers est ouvert ou fermé. La connaissance de sa forme peut être décisive pour l’Homme. Tout ce savoir sur l’inconscient réel — le vrai — qui parait rebelle, sans intérêt pour la vie pratique, presque méprisable pour nos subjectivités entichées de psychanalysmes, tout ce savoir prépare le recommencement de nos descendants et il montre de quoi l’esprit est fait, de quelles structures il émane.
▶ C.C. : Nous en étions aux images…
▶ COMAC : Revenons-y. Certaines représentations — pas toutes — une fois issues des amours du langage et des faits, deviennent autonomes. Elles font comme si “elles existaient depuis toujours”, dans un autre cadre, avec l’efficacité du réel. Elles deviennent aussi évidentes qu’un arbre, une chaise, un raton-laveur. Dans le contexte des fables, le père Noël est une “existence de Représentation”. En Europe, il a une longue barbe blanche, un gros nez, un air jovial. Et si ces traits varient d’un pays ou d’une région à l’autre, on ne peut pas changer le père Noël en petit chaperon rouge. Son personnage a une logique existentielle dans un référentiel ‘R’. Pas question de l’affubler d’une fausse barbe, de lui faire porter des galettes à mère-grand. Par rapport à cette logique du ‘eR’, on est fondé de dire, comme l’enfant, qu’un père Noël de référentiel ‘E’ (le déguisé des grands magasins) est faux. Le père Noël n’est vrai que dans son référentiel ‘R’. S’il en change, il n’est plus vrai, ce n’est plus lui.
Prenons l’exemple de la bande dessinée. Le personnage de Popeye est issu d’un référentiel ‘E’. Il caricature le matelot au menton fort et aux bras (avant-bras) volumineux. Avec sa pipe et sa casquette, Popeye est devenu un réel de référentiel ‘R’. Il existe à tel point que si vous connaissez sa silhouette, vous direz d’un matelot qui lui ressemble : “Voilà Popeye”, mais vous ne penserez jamais à rencontrer le vrai Popeye de la bande dessinée.
Nous jugeons du réel de nos sens par le “non-réel” de nos images parce que celles-ci ont l’efficacité (vénusienne) de perceptions réelles et d’évidences sensibles. D’un paysage harmonieux, fleuri et lumineux, il nous arrive de dire “on dirait le Paradis”. Y sommes-nous allés pour en comparer les délices ? Le faux juge du vrai… qui n’est d’ailleurs guère plus vrai. L’expression admise : “Ce n’est qu’une image” est d’autant plus précieuse que le plus clair de la pensée humaine découle de clichés, symboles, images, “existants de référence ‘R’”, armés et cuirassés contre les réalités sans image, les seules qui recréent le sens des mots. La tyrannie de l’image est monnaie courante. Elle nous empêche de recevoir comme une bénédiction toute espèce de définition nouvelle : intrusion du réel sans image dans l’image du réel. Nos clichés sont jaloux, exclusifs. Après Popeye, un autre matelot ne ressemble à rien, fût-il le meilleur et le fin du fin de la réalité du matelot. La tyrannie de l’image est à la mesure du niveau d’assimilation de l’espèce, incapable de comprendre a priori quoi que ce soit si l’image familière ne vient pas à la rescousse pour préparer l’affectivité à la compréhension intellectuelle. Nous préférons la figure du cercle à son équation simplette (x2 + y2 = I), l’équation nous donne pourtant du cercle une ex-pression “totale” — ou presque — de sa réalité. Matériellement, nous rencontrerons plus souvent l’équation que l’image du cercle, mais nous ne la percevrons pas par des ‘x’ et des ‘y’.
▶ C.C. : Vous souffrez ?
▶ COMAC : Non, je constate une tyrannie peu connue de Vénus.
▶ C.C. : La mythologie en parlait déjà. L’amour n’est qu’un cercle vicieux, si l’on ne triomphe pas de la tyrannie de l’image pour passer à l’objet.
▶ C.C. : Les écrivains, les dramaturges, les créateurs de personnages connaissent le despotisme de leurs créatures ‘eR’. Un romancier sérieux ne fait pas ce qu’il veut de son héros. Cependant, le créé procède du créateur. Il y prend sa source et sa substance. Vénus n’est pas exclusivement “existence de Représentation” par animation de personnage. Elle est la matière du mot, la substance grise, le neurone porteur, le timbre de la voix, l’épaisseur d’encre, la chair et l’étoffe. La fonction vénusienne ne se suffit pas de différencier les formes et les couleurs. Elle distingue les réalités de nos images (référentiel ‘R’) des réalités plus externes. Par Vénus, je compare ma représentation d’une rose, le toucher, le parfum, la couleur que j’en espère, au toucher, au parfum, à la couleur qu’elle procure à mes sens. Vénus appelle Mars comme l’image son objet. Par la fonction jupitérienne, tout s’abrège, un mot, c’est une rose, vient bénir le mariage de l’image et de la chose.
▶ C.C. : Mais Psykott, dans tout çà ?
▶ COMAC : Vous voudrez bien remarquer que Vénus, dans les étapes de la maturation, vient avant le Soleil en affinité avec l’unité du Moi constituée autour de 1 an. L’évolution nous montre sensibles à la réalité du ‘R’, à l’efficacité des représentations, avant de nous donner le pouvoir d’auto-représentation ou de régulation de nos représentations.
▶ C.C. : C’est très abstrait, je commence à perdre le fil.
▶ COMAC : Patience… Cela veut dire : “croyez-moi, vous comprendrez après.” Nos réalités premières sont de faux-objets. Le réel s’apprend en soi avec des images qui ont son efficace. Nous exerçons notre réalisme dans l’éprouvette subjective de l’imaginaire en confrontant d’abord les images entre elles, avant de passer à un degré plus difficile, celui de la confrontation de l’image privilégiée avec l’objet qu’elle va appeler pour en être détruite ou fécondée. La réalité de l’objet apparaît dès que l’être a formé son unité élémentaire (phase solaire). La confrontation peut suivre puisqu’il existe maintenant un “Sujet” portant son réel pour le mesurer à un autre. Les duels de la phase marsienne (1 à 2 ans environ) sont faits pour modifier profondément le “réalisme” psychique. Les coups remettent les images à leur place : le feu sort de l’imaginaire par la brûlure. Heureusement, après Vénus, nous disposons d’un pré-apprentissage. Sans doute, ce qui nous est venu de la confrontation des fées et fantasmes, doit nous aider à sélectionner, parmi les objets, les colombes et les éperviers.
L’antériorité de la fonction vénusienne mérite encore un commentaire. Lorsque nous ne maîtrisons pas le réel par un langage, Vénus s’exprime en avant-première. À l’époque où les hommes ne connaissaient rien ou pas grand chose de leur milieu naturel, ils en parlaient par le biais des personnifications. Les dieux, déesses, héros, leurs haines et amours rebondissantes, préfiguraient les formules rationnelles d’interactions écologiques et d’équilibres fragiles. La mythologie n’est pas l’ancêtre des sciences naturelles. Il faut pourtant la comprendre, non pas comme une rêverie collective intemporelle, mais comme un système de mise en scène des forces naturelles et de leurs rapports avec les êtres vivants. Il est vain de dire que les représentations sont fausses en comparaison à nos explicatives physico-chimiques, comme il est vain de reprendre ce langage en oubliant sa finalité originale : entraîner l’esprit, par le spectacle de personnages imaginaires, à différencier, confronter, combiner les signifiants d’un autre spectacle.
▶ C.C. : Cependant la mythologie n’explique rien.
▶ COMAC : Elle s’empare d’un réel pour en créer un autre dont les intrigues et articulations familiarisent à de vrais rapports de force. Plus personne, aujourd’hui, ne songe à personnifier les forces naturelles, bien trop connues. Après l’expérimentation marsienne, elles sont entrées dans l’ordre des mots et conceptions classées. Nos mythologies modernes portent sur une deuxième nature créée par l’homme : urbaine, idéologique, sociologique, technocrate. Nous n’en connaissons rien ou pas grand chose. La puissance des ordinateurs, l’avenir de l’homme dans ces forêts sans arbres, sont aussi inquiétants que pouvaient l’être les caprices inexplicables des éléments. Alors les personnifications des dieux électroniques abondent dans les bandes dessinées et œuvres de fiction. Les Hercule de ce deuxième milieu sont de super-cerveaux politiciens, des cœurs d’acier, des monstres adaptés à la monstruosité et dont les travaux montrent les tâches qui nous attendent.
▶ C.C. : C’est pas très gai… Que devient Psykott ?
▶ COMAC : Vous devriez comprendre. Psykott fait le procès d’un référentiel avec les critères d’un autre : tout devient absurde, autant que sa démarche. Direz-vous que les mythologies ne sont pas scientifiques parce que la planète Jupiter n’habite pas l’Olympe pour y lancer ses foudres ?
▶ C.C. : Je vous croyais rationaliste ? !
▶ COMAC : Rationaliste ne veut pas dire imbécile, sauf chez les imbéciles et les rationalistes.
▶ C.C. : Vous défendez la “pensée symboliste” alors ?
▶ COMAC : Je donne des exemples de fonctionnement en R.E.T. Quiconque ne dispose pas du langage R.E.T. se perd dans les symboles et se morfond dans les mots. La compréhension circule du ‘E’ au ‘R’ et du ‘R’ au ‘E’, avec un autre cycle que je vous expliquerai ultérieurement.
▶ C.C. : Oui, oui, pas maintenant… le temps passe.
▶ COMAC : Lorsque, par la voie jupitérienne les sciences ont fourni des explicatives relativement satisfaisantes du monde et des rapports de force qui le régissent, la fonction Vénus s’est occupé au dehors du milieu technologique, au dedans de l’homme “anima”, homme psychique. Dans ces deux voies, nous recommençons à explorer, en appelant au secours de notre compréhension l’“existence des Représentations”, des images qui vivent et préparent par leur vie la naissance des mots grâce auxquels nous reviendrons aux réalités objectives. Pour ce qui est du milieu technologique, il y a vraiment du nouveau quant à nos images. Pour le milieu interne, les images sont empruntées à la mythologie. Ce langage recyclé, détourné de son véritable objet, est inadéquat et même pervers : il bloque la compréhension du phénomène, il en fausse le sens. Le “complexe d’Œdipe” est un terme aussi inepte que celui d’électro-aimant pour l’attirance amoureuse. Devant l’immense inconnu de l’univers psychique nous farfouillons avec de vieilles langues, des outils-images destinés à une autre connaissance.
▶ C.C. : Soit : les quatre Éléments de l’astrologie : l’Eau, l’Air, la Terre, le Feu. Ce ne sont pas des explications mais des représentations assez efficaces, au temps de leur création, pour parler du monde et appeler le réel en lui donnant une première existence par l’image. Deux mille ans après cette audace d’une pensée vivante, des “symbolistes” du passé décomposé reprennent pieusement ce langage. Que peuvent être la vigueur et le réel de leurs images quand on sait que l’image va au-devant de la vie ? Passons. On justifie le retour au passé en parlant de “principes essentiels”. Autrefois, les hommes étaient capables de découvrir l’éternité. Maintenant, ils découvrent l’éternité dans le passé des hommes et leur autrefois, il était l’éternité. Parler de l’âme avec une symbolique initialement dévolue aux fluctuations météorologiques investies du pouvoir ‘eR’, ne pouvait qu’appauvrir sa compréhension, rendre l’âme aussi mythique que la nature de ce temps-là. Le résultat est navrant pour l’âme, pour sa réalité, transformée par le langage mythique en mythe de la nature, alors que l’âme est encore une extraordinaire réalité à découvrir ! Souvenez-vous de la versification et des faux poètes que nous lui devons. L’âme de nos symbolistes est comme un poème de nos versificateurs. Elle a un certain nombre de pieds, quatre exactement, comme les Éléments. Elle est, doctrinalement, rendue étrangère à toutes les découvertes uraniennes sur notre inconscient réel. Je parle, bien sûr, du microcosme et macrocosme découvert par les hommes, agissant et non-perçu. Si cet univers moderne n’est pas notre âme, il devrait au moins nous aider à changer ou guider notre représentation de l’âme. Qu’est-ce que cette âme des Éléments dont on feint de ne rien savoir de ce qui lui vient de l’esprit depuis quelques siècles ? Qu’est-ce que cet inconscient de bibliothécaire féru en mythologies variées, superbement indifférent à ce qui a changé notre corps, son temps d’existence, ses nourritures de vie ? Qu’est-il sinon que l’inconscience au sens de l’ignorance de discoureurs névrotiques ? Voilà un inconscient qui montre surtout les limites du conscient de ceux qui l’ont conçu.
▶ C.C. : L’inconscient, c’est les autres… Souffrez-vous de révolte œdipienne ?
▶ COMAC : L’Œdipe-personnage est le fantasme utile à l’appel d’investigations sérieuses sur l’importance de l’enfance et des relations inter-familiales. Mais en conservant ce terme fantasmatique nous cherchons Popeye parmi les matelots.
▶ C.C. : Je comprends que si l’image (‘eR’) n’est pas le mot (‘rE’), aucun n’est l’expérience de la chose (‘eE’). Vénus n’est pas Jupiter, aucun des deux n’est Mars. L’appel de l’objet par l’image peut être un état plus grisant que la rencontre avec l’objet et la perte de l’image dans le mot. Ce sont d’éternelles fiançailles vénusiennes, un éternel désir sans rapport avec un mariage désenchanteur. J’appelle à moi des roses qui ne seront jamais ma rose. Laissez-moi à mes jardins intérieurs. Pourquoi expliquer l’astrologie quand on a l’expectative, l’état de prétendant ? Laissez-moi mes Éléments. Il vaut mieux être œdipien que coucher avec sa vieille maman. Je comprends la malédiction d’Œdipe dans sa perte du désir. Et nous préférons encore parler d’Œdipe que de création de conditionnements sexuels. La raison tue le père. Œdipe en savait trop. (Psykott)
▶ C.C. : Voyez la dissonance Jupiter-Vénus dans l’interprétation des aspects…
▶ COMAC : À paraître aux éditions de l’Image ?
▶ C.C. : Vous auriez tort de sous-estimer le rôle de Mars dans l’histoire de l’astrologie conditionaliste.
▶ C.C. : Puisque vous avez réponse à tout, je suppose que le R.E.T. et le zodiaque photopériodique constituent ce langage à la mesure de notre entreprise de découverte de l’âme, sans référence aux images archaïques qui en restent au désir du réel pour en éviter la rencontre ?
▶ COMAC : Le zodiaque photopériodique met en jeu des rapports de lumière pour poser ses modèles. Connaissez-vous une tradition symbolisante de cette espèce ? On a tenté, vainement, de désamorcer le R.E.T. en l’identifiant à d’anciens modèles. Il n’a pas d’antériorité mythologique, il n’est pas ternaire, seulement pour le coup d’œil le plus superficiel. Sa base de trois est sans rapport avec les trinités archétypiques qui ne permettent pas, comme le R.E.T., des réductions et des démultiplications, d’incessants échanges entre les niveaux.
▶ C.C. : Il s’agirait d’une forme nouvelle pour conceptualiser des synthèses propres à des réalités aussi vivantes que la psyché ?
▶ COMAC : Je m’en expliquerai davantage… En chaussant les lunettes du R.E.T. les vieilles catégories tombent, des rapports imprévus surgissent, s’ordonnent et circulent. On respire à fond. On ne sait plus très bien qui est corps, âme, esprit. Il n’y a que du mouvement, des relations entre différents degrés de réalité. Rien n’a d’identité en soi.
▶ C.C. : Une dernière question : pourquoi Psykott rate-t-il son suicide ?
▶ COMAC : On peut y voir un gag, une ironie sur les lapsus significatifs… Pour être sérieux, parlons de la relation conscient-inconscient, de sa qualité, de sa nature. Un rapport “vrai” exclut le lapsus. Il exclut l’inconscient qui dit non de la tête et le conscient qui dit oui de la bouche. Un être droit de bas en haut n’est pas en divorce d’avec sa base. Il n’aime pas en recto pour haïr en verso. S’il porte un amour, c’est un amour de bas en haut. Si c’est une haine, il la porte avec la bonne dose et jusqu’où il faut, sans création d’ombre compensatrice. Une telle ombre rendrait la haine déloyale en regard de l’univers ! Pour un tel être, inutile d’interroger son derrière, son devant en répond.
▶ C.C. : Comac, j’entrevois la différence entre vérité et réalité… La vérité transcende — lorsqu’elle le peut — nos différentes réalités. Nos réels deviennent une vérité unique. Alors, on aime vraiment ce que l’on aime…
▶ COMAC : … les amis sont de vrais amis…
▶ C.C. : … aussi vrais que de vrais ennemis…
▶ COMAC : … la fleur montre la racine…
▶ C.C. : … que le grain reproduirait à la perfection dans une terre authentique. Un tel monde serait d’une perfection insoutenable.
▶ COMAC : Comme toute vérité…
▶ C.C. : Elle change nos réalités disparates en un trait unique et non réducteur. Tout s’insurge contre cette tyrannie irréelle et arbitraire. Le lapsus révèle un inconscient qui nous ramène au réel étranger à notre vérité… Grâce à lui… les amis ne sont pas forcément de vrais amis…
▶ COMAC : … les ennemis ne sont pas toujours des ennemis…
▶ C.C. : … et il y a des fleurs dans les racines. Merci de ce cours de dialectique, cher Comac. J’espère que nous nous retrouverons à la prochaine bavure de Psykott.
Article paru dans le n° 2 des Cahiers conditionalistes (juillet 1980).
Les significations planétaires
par
620 pages. Illustrations en couleur.
La décision de ne traiter dans ce livre que des significations planétaires ne repose pas sur une sous-estimation du rôle des Signes du zodiaque et des Maisons. Le traditionnel trio Planètes-Zodiaque-Maisons est en effet l’expression d’une structure qui classe ces trois plans selon leur ordre de préséance et dans ce triptyque hiérarchisé, les Planètes occupent le premier rang.
La première partie de ce livre rassemble donc, sous une forme abondamment illustrée de schémas pédagogiques et tableaux explicatifs, une édition originale revue, augmentée et actualisée des textes consacrés aux significations planétaires telles qu’elles ont été définies par l’astrologie conditionaliste et une présentation détaillée des méthodes de hiérarchisation planétaire et d’interprétation accompagnées de nombreux exemples concrets illustrés par des Thèmes de célébrités.
La deuxième partie est consacrée, d’une part à une présentation critique des fondements traditionnels des significations planétaires, d’autre part à une présentation des rapports entre signaux et symboles, astrologie et psychologie. Enfin, la troisième partie présente brièvement les racines astrométriques des significations planétaires… et propose une voie de sortie de l’astrologie pour accéder à une plus vaste dimension noologique et spirituelle qui la prolonge et la contient.
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Pluton planète naine : une erreur géante
par
117 pages. Illustrations en couleur.
Pluton ne fait plus partie des planètes majeures de notre système solaire : telle est la décision prise par une infime minorité d’astronomes lors de l’Assemblée Générale de l’Union Astronomique Internationale qui s’est tenue à Prague en août 2006. Elle est reléguée au rang de “planète naine”, au même titre que les nombreux astres découverts au-delà de son orbite.
Ce livre récapitule et analyse en détail le pourquoi et le comment de cette incroyable et irrationnelle décision contestée par de très nombreux astronomes de premier plan. Quelles sont les effets de cette “nanification” de Pluton sur son statut astrologique ? Faut-il remettre en question son influence et ses significations astro-psychologiques qui semblaient avérées depuis sa découverte en 1930 ? Les “plutoniens” ont-ils cessé d’exister depuis cette décision charlatanesque ? Ce livre pose également le problème des astres transplutoniens nouvellement découverts. Quel statut astrologique et quelles influences et significations précises leur accorder ?
Enfin, cet ouvrage propose une vision unitaire du système solaire qui démontre, chiffes et arguments rationnels à l’appui, que Pluton en est toujours un élément essentiel, ce qui est loin d’être le cas pour les autres astres au-delà de son orbite. Après avoir lu ce livre, vous saurez quoi répondre à ceux qui pensent avoir trouvé, avec l’exclusion de Pluton du cortège planétaire traditionnel, un nouvel argument contre l’astrologie !
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