La finalité du langage humain est de représenter des choses et des idées concrètes ou abstraites, et même de s’auto-représenter dans le cadre de la linguistique. Cette symbolisation orale ou scripturale est la base d’un système de communication qui repose sur la confiance partagée quant à l’adéquation entre les mots, les choses et/ou les idées. Le mensonge rompt cette confiance. Comment l’astrologie envisage-t-elle le fait de mentir ?
D’un point de vue ontologique, les choses sont réelles ou non ; et d’un point de vue logique ou gnoséologique, les idées sont considérées comme vraies ou fausses selon qu’elles sont fondées sur des choses qui sont considérées comme réelles ou non. Car il faut le savoir : les définitions du réel et de l’irréel, du vrai et du faux varient selon les époques et les savoirs qui leurs sont associés. La réalité effective ou supposée des choses est donc le critère de sélection de la vérité effective ou supposée des idées. Si ce trio langage-choses-idées sur fond de vérité-réalité fonctionne bien, la théorie de la vérité-correspondance s’applique et “la vérité est l’adéquation de la pensée et des choses” (définition de Thomas d’Aquin), et la communication est basée sur la sincérité.
Tout irait pour le mieux dans ce monde idéal du langage et de la communication sincères s’il n’était pas depuis toujours insidieusement ou délibérément perturbé par les sortilèges de l’imaginaire et/ou les dévoiements du mensonge, dont la finalité est de remplacer le réel par l’irréel et le vrai par le faux par la manipulation et le dévoiement du sens des mots et des idées.
On laissera ici de côté l’imaginaire pur (qui s’exprime dans les contes, fables, mythologies) pour ne s’intéresser qu’au mensonge, et plus précisément au mensonge en politique. Les politiciens ne sont pas les seuls à en user et abuser. Quantité d’autres métiers font aussi leur fonds de commerce de ce genre de tromperie et de recours à l’illusion : avocats, cinéastes, comédiens, diplomates, espions, joueurs de poker, prestidigitateurs, publicistes, romanciers… sans oublier les astrologues bien entendu. Comme les politiciens, ces derniers exercent des professions nécessaires à la vie sociale et culturelle (à l’exception des joueurs de pokers et des publicistes). Mais de par sa fonction essentielle d’organisatrice et législatrice de la vie publique et citoyenne, la politique occupe une place éminente qui mérite qu’on s’intéresse de près à l’usage qu’elle fait du mensonge. Il ne s’agit donc pas ici de jeter un opprobre démagogique sur l’ensemble des politiciens en les considérant tous comme des menteurs. Mais plutôt d’analyser, d’un point de vue astrologique, quelle est la relation du politique avec le mensonge.
Au début du XVIe siècle, dans son traité politique intitulé Le Prince, le politicien et écrivain Niccolo Machiavelli, alias Machiavel, a analysé de manière froide, factuelle, distanciée et amorale les procédés et techniques qui permettaient d’accéder au pouvoir politique et le conserver. Parmi ces procédés figurait le mensonge. Machiavel ne faisait aucunement l’apologie de celui-ci : il se bornait à constater que le mensonge faisait partie intégrante et nécessaire des instruments du pouvoir. Le fait de l’avoir écrit noir sur blanc le fit accuser d’immoralisme (dont l’épithète “machiavélique” est désormais devenu un synonyme) par les hypocrites ou naïfs défenseurs de la morale. Les techniques de l’art politique sont pourtant en soi, non pas immorales, mais amorales. Comme l’écrivait Julien Freund, “celui qui n’envisage la relation du moyen à la fin en politique que sous l’angle moral se condamne à l’inaction et par conséquence à l’impuissance, parce qu’il est amené à s’enfermer dans la perpétuelle contestation. Il ne peut que refuser le monde ou le maudire” (Qu’est-ce que la politique ? Seuil, 1968). Que l’on aspire à gouverner ou qu’on le fasse, on ne peut donc éviter de mentir.
L’astrologie étant une grille de décodage des fonctionnements humains individuels et collectifs, il est légitime qu’elle s’intéresse à toutes les manifestations de ceux-ci. À ce titre, la politique et le mensonge font donc partie de ses champs d’exploration et d’application légitimes. On a déjà traité de son rapport à la chose politique dans Astrologie, fonctions planétaires et politique. On a aussi traité de son rapport à la “connerie”, qui n’est pas l’apanage exclusif de la politique mais où elle s’exprime avec passion. On n’a cependant pas encore étudié le rapport de l’astrologie avec le mensonge, et particulièrement avec le mensonge en politique.
Les petits et grands menteurs anti-astrologistes, dont la politique est de s’auto-persuader et de faire croire que l’astrologie n’est qu’un tissu de songes et de mensonges, en seront pour leurs frais : on n’en parlera pas ici puisqu’on l’a déjà fait dans l’article Astrologie, statistiques, balivernes & tricheries. Le sujet de cette introduction n’est donc pas “les mensonges de l’astrologie”, mais “comment l’astrologie aborde-t-elle le phénomène du mensonge”.
Selon le psychologue canadien Hubert van Gijseghem “si le mensonge est sous le coup de l’opprobre général, c’est bien parce que la tendance à mentir est puissante et universelle, inhérente à la nature humaine. Le mensonge est le risque continuellement éprouvé dans la communication” (L’enfant mis à nu, Les Éditions du Méridien, 1992). Bref, que ce soit par les insincérités de la politesse indispensable à la vie en société, à des fins supposées pernicieuses, hostiles, altruistes ou simplement ludiques, tout le monde a eu recours au mensonge un peu, beaucoup, passionnément, à la folie… Et rarissimement pas du tout, puisque dès l’âge de 3 ans les enfants savent mentir pour dissimuler leurs bêtises.
Quelle que soit la configuration du système solaire à sa naissance, tout individu est susceptible d’être rarement, occasionnellement ou très souvent un petit, moyen ou gros menteur dans divers domaines et situations, par dissimulation ou tromperie, et pour de bonnes ou mauvaises raisons. Il n’existe donc pas d’indicateur astrologique spécifique du mensonge.
Certes, une certaine tradition mythomaniaque met celui-ci sous la gouverne de Mercure, en raison du fait que le dieu associé à cette planète dans le panthéon gréco-romain était décrit entre autre comme rusé, parjure et menteur. Signalons au passage qu’il était aussi le “messager des dieux”, ce qui en dit long sur ce que ceux-ci avaient à transmettre… Pour cette tradition donc, un Mercure “maléficié” (recevant des Aspects dissonants et/ou situé en Sagittaire ou Poissons) et surtout dominant prédisposerait au mensonge. À l’inverse, Mars passe pour être un indicateur de franchise brutale, surtout s’il domine et reçoit des Aspects consonants de Signes de la triplicité de Feu (Bélier-Lion-Sagittaire) de même Élément que lui.
L’expérience et l’observation montrent que ces deux assertions traditionnelles sont parfaitement fausses. Il existe autant de “mercuriens” qui ne supportent pas le mensonge que de “marsiens” qui mentent comme des arracheurs de dents. Et pour ce qui est de ces derniers, le président actuel des U.S.A. Donald Trump en est un excellent exemple. C’est la raison pour laquelle son cas sera longuement développé ici.
L’étude du Thème natal d’un individu ne dit donc pas s’il est un menteur systématique ou non. Elle ne renseigne même pas sur la mauvaise, médiocre ou talentueuse qualité de ses prestations mensongères. Mais elle permet d’évaluer réalistement quel genre de menteur il peut être et quels peuvent être les sujets de prédilection majeurs de ses mensonges. Car on ne naît pas menteur : on le devient par impuissance à sortir de l’enfance, par vice, par calcul, par commodité et/ou par intérêt.
L’étude du Thème natal d’un individu ne dit pas non plus s’il est capable de décentration, c’est-à-dire de passer d’un point de vue subjectif (centré sur ses propres perceptions & conceptions) à une vision objective impersonnelle. Or l’incapacité ou le refus de se décentrer peuvent être producteurs d’illusions relatives, qui elles-mêmes peuvent se transformer en mensonges caractérisés. Si l’on ne voit midi qu’à sa porte et qu’on prétend, par incapacité à se décentrer, que ce point de vue est le seul vrai, on est dans l’illusion mais on ne (se) ment pas. En revanche, si l’on sait qu’il n’est pas midi à toutes les portes au même instant mais qu’on maintient qu’on est le seul à donner l’heure universellement juste, alors on ment en travestissant délibérément la réalité d’un fait.
Puisque nous évoquons midi, parlons du Soleil, puisque midi est l’instant exact où celui-ci culmine dans le ciel en passant au méridien supérieur d’un lieu appelé la sphère locale et dont le centre est l’œil de l’observateur de cet événement. La course du Soleil autour de l’horizon de ce lieu en 24 heures est un fait. Il existe cependant deux théories pour décrire et expliquer ce fait : la géocentrique et l’héliocentrique. Dans le cadre de ces deux théories, la course apparente du Soleil reste la même. La théorie géocentrique, qui découle directement de notre perception de ce phénomène, nous incite à concevoir que le Soleil tourne autour de la Terre. Elle fut considérée comme vraie pendant des millénaires. Puis la théorie héliocentrique démontra que cette course apparente du Soleil était une illusion relative et qu’en réalité, c’était la Terre qui tournait autour du Soleil. La théorie héliocentrique a donc prouvé que la géocentrique était fausse. Le passage du géo- à l’héliocentrisme illustre la différence entre un fait immédiatement perçu, considéré comme un “phénomène normal”, et un “fait construit” par l’analyse expérimentale de ce phénomène.
Dès lors, ceux qui prétendent que la théorie géocentrique est vraie se trompent et trompent autrui. S’ils le font de bonne foi (par ignorance de la théorie héliocentrique), ils ne mentent pas : ils (s’)illusionnent par impuissance à sortir de leur subjectivité. S’ils le font délibérément (en refusant le fait que la théorie héliocentrique décrive et explique mieux les phénomènes que la géocentrique), ils (se) mentent par refus de soumettre leur opinion personnelle à un contrôle extérieur objectif. Car comme le souligne le psychologue et épistémologue Jean Piaget, “toute connaissance valable suppose une décentration” (Sagesse et illusions de la philosophie, P.U.F.).
Les illusions relatives engendrées par le subjectivisme perceptif sont donc une invitation au mensonge… ce qui ne signifie pas que tous les individus hyper-subjectifs sont des menteurs. La plupart de bornent à s’auto-illusionner en faisant de leur propre fonctionnement, de leurs expériences personnelles, de leurs préférences individuelles et de leurs états d’âme, qu’ils projettent sur le monde extérieur-objectif, leur seul étalon de mesure et de décryptage ce celui-ci. D’un point de vue exclusivement astrologique, on dira qu’ils ne perçoivent le réel qu’à travers la grille de lecture induite par leur Thème natal, ce qui est somme toute une attitude assez banale, la subjectivité auto-centrée étant très répandue.
Cet auto-illusionnement subjectif ne débouche sur le mensonge que lorsque cet individu est confronté à une situation objective qui contredit de manière flagrante ses projections, et qu’il refuse de le reconnaître. Il est alors enclin à prendre ses désirs pour des réalités. C’est par exemple ce qu’a fait Donald Trump lorsqu’il a affirmé publiquement qu’il y avait une foule immense sur le National Mall de Washington le jour de son investiture, alors que c’était faux. Cette déclaration peut sembler inexplicablement irrationnelle si l’on s’en tient à la réalité des faits et qu’on néglige ou sous-estime le pouvoir d’auto-illusionnement d’une personnalité comme celle de Trump, marquée par l’hyper-subjectivité. Il voulait sincèrement qu’il y ait une foule, mais il n’y avait qu’un attroupement, et il ne pouvait pas ne pas s’en rendre compte. Il a alors décidé de passer outre la réalité des faits, et de basculer dans le “mentir vrai”, le “mentir vrai” étant une forme de mensonge qui consiste à ne déclarer “vrais” que les faits qu’on veut percevoir comme tels.
Cette propension de Trump au “mentir vrai” n’est pas inscrite dans son Thème natal. D’autres individus nés sous les mêmes astralités que lui peuvent être des adversaires déclarés du mensonge. En revanche, étant donnée la configuration de son ciel de naissance, c’est l’une des formes de mensonges auquel il était le plus prédisposé. Il en est d’autres, qui ne sont pas les siennes : le mensonge par dissimulation stratégiquement élaborée, par exemple, ne fait pas partie des cartes maîtresses de son jeu. Il lui préfère le mensonge brut, frontal, direct, sans fioritures, dont le “mentir vrai” est l’expression la plus achevée et qui est parfaitement dans les cordes de son fonctionnement - et surtout de son dysfonctionnement - très “marsien”. Son Thème natal ne le prédisposait pas à être un adepte des subtilités byzantines… et aucun autre individu né le même jour, à la même heure et dans le même lieu que lui n’aurait pu l’être.
Bien entendu, le fait que l’hyper-subjectif et égocentré Trump ait astro-psychologiquement tendance à prendre ses désirs pour des réalités ne suffit pas à expliquer la totalité de ses mensonges : ceux-ci sont également le fruit d’une stratégie politique délibérée, qui ne lui est pas propre mais dont il est l’une des manifestations les plus caricaturales. Nous y reviendrons.
Le mot n’étant pas la chose, le langage est toujours une transcription tendancieuse de la réalité qu’il est censé exprimer. Lorsqu’il y a concordance entre le vrai et le réel, le langage énonce une “vérité”. Lorsqu’il y a discordance en eux, le même langage énonce un “mensonge”. Ces concordances et discordances qui tranchent du “vrai” et du “faux” affectent les interactions entre d’autres niveaux de de réalité étrangers au langage humain.
La figure ci-dessous représente les relations et interactions entre trois niveaux de réalité décryptés selon le système R.E.T. : celui du langage humain, celui du réel perceptible et celui du “grand réel” imperceptible. Intéressons-nous aux rapports entre le réel perçu et le “grand réel”. Ce que nous percevons du réel est extrêmement limité par le prisme de nos sens. Une immense partie du réel échappe à nos perceptions ; c’est cette partie qui est ici désignée sous le vocable de “grand réel”.
Il a par exemple fallu des millénaires d’observations et de réflexions avant de se rendre compte que la conception géocentrique des mouvements Terre-Soleil était la conséquence d’une illusion perceptive. Pour ce faire, il a fallu s’abstraire du témoignage immédiat de nos sens. On a alors compris que celui-ci pouvait nous induire en erreur et qu’il existait des “illusions perceptives”… qui peuvent devenir des “mensonges perceptifs” si l’on persiste à se référer exclusivement auxdites illusions perceptives plutôt qu’à ce qui a été découvert du “grand réel” imperceptible en s’abstrayant des perceptions.
“Le réel observable dépend exclusivement de nos moyens de perception, de nos sens. Avec un sixième sens, ce n’est pas assez pour percevoir la réalité dans l’entière complexité de ses rapports. Le langage traduit, trahit et réduit le réel perceptible, comme nos perceptions, semblables aux mots d’une autre langue, traduisent, trahissent et réduisent le grand réel non-perceptible. Nos évidences sensorielles, notre vécu, ne sont que des discours avec le vocabulaire et la syntaxe de la vie (…). La Terre tourne sur elle-même. Nous le savons par une déduction de nos apparences. Personne ne ressent la vitesse de rotation de la Terre, ni celle de son déplacement autour du Soleil. Nos instruments nous amènent à des affirmations surprenantes sur la vie des cellules, atomes et molécules. D’un univers inouï animé de vitesses incroyables, d’explosions fantastiques, nous ne ressentons rien, absolument. Pourtant ces choses existent. Nos états d’âme, nos rythmes et fonctions vitales en forment l’écriture. Nous en sommes le langage” (Jean-Pierre Nicola).
Le langage humain n’est donc pas le seul à pouvoir nous tromper en traduisant, trahissant et simplifiant le réel et l’irréel, le vrai et le faux des choses et des idées… Mais à la différence de celui de nos évidences sensorielles (qui ne sont pas des mensonges, mais des transcriptions partielles de réalités imperceptibles), il peut le faire délibérément.
Chaque fonction planétaire a ses préférences et compétences en matière de connerie, et nous l’avons déjà exploré dans un article consacré à ce sujet. Il en est de même avec le mensonge. En voici un exposé simplifié et non-exhaustif, toujours décrypté selon le système R.E.T. propre à l’astrologie conditionaliste. Bien entendu ces différentes catégories de mensonges peuvent se cumuler, interférer, se confronter au sein du même individu en fonction de sa configuration du ciel natale. Et bien entendu aussi, les planètes dominantes sont en rapport avec les types de mensonge dont il est un expert et donc les plus fréquemment utilisés, tandis que les non-dominantes concernent ceux pour lesquels il est le moins doué et donc auxquels il n’a que rarement ou jamais recours.
▶ Fonction solaire (représentation de la Représentation) : si “les certitudes inébranlables sont des ennemis de la vérité, plus graves que le mensonge”, comme le pensait à raison Friedrich Nietzsche, le mensonge solarien est une parfaite contrevérité autosuffisante. Le langage n’a qu’une fonction d’affichage de cette conviction brute, réelle ou simulée, totalement déconnectée des choses et des idées. Le discours mensonger est tautologique, répétitif et ne renvoie qu’à lui-même, privé de chair comme d’esprit.
▶ Fonction vénusienne (existence de la Représentation) : le mensonge vénusien consiste à donner aux discours les apparences du poids du vécu, de la consistance du concret, de l’épaisseur de la chair en jouant sur la contagion émotionnelle qu’il peuvent déclencher chez ceux qui les écoutent. Les mots trompeurs se colorent, se parfument, se tonalisent pour exercer un impact sensoriel optimal. Il ne s’agit pas pour le vénusien menteur de convaincre, mais d’instaurer une fausse proximité affective.
▶ Fonction mercurienne (transcendance de la Représentation) : le mensonge mercurien procède par multiplication désinvolte des signifiants. Le mercurien ment par jeu, pour voir, pour suggérer de fausses pistes et faire savoir qu’il ne prend rien au sérieux, et surtout pas la vérité. Il ne se soucie pas de rendre ses tromperies crédibles et peut affirmer tour à tour ou simultanément une chose et son contraire tant les choses lui sont indifférentes. La vérité est pour lui si relative qu’il n’hésite jamais à la travestir.
▶ Fonction jupitérienne (représentation de l’Existence) : le mensonge jupitérien procède par emphase, exagération et simplification outrancière des données issues des faits et du vécu. À force de vouloir vanter ses réussites et exploits, le menteur jupitérien s’en invente aisément de nombreux qu’il n’a pas accomplis, mais sur lesquels il discourt pour le bénéfice de son image de marque. Le mensonge lui est aussi naturel que l’est pour un acteur le fait de débiter un texte sur une scène de théâtre.
▶ Fonction marsienne (existence de l’Existence) : cette fonction est l’œil du cyclone de l’univers du mensonge : le marsien semble épargné par la tempête de tromperies diverses qui l’environne, mais il en fait intégralement partie. Son réalisme brut lui interdit les mensonges sophistiqués, aussi le marsien menteur préfère-t-il opposer sa perception subjective des faits à leur réalité objective. Ses mensonges sont ainsi bruts de décoffrage, immédiatement perceptibles : c’est le spécialiste du “mentir vrai”.
▶ Fonction saturnienne (transcendance de l’Existence) : le mensonge saturnien se caractérise par la froideur réaliste et calculée avec laquelle il est mis en œuvre. Le menteur saturnien n’improvise pas ses tromperies langagières : elles sont le fruit d’une tortueuse élaboration préalable, uniquement dictée par ses intérêts secrets et où le non-dit importe tout autant, sinon plus, que le discours affiché. Il ne ment pas pour convaincre, mais pour dissimuler ses objectifs et intentions concrets mais cachés.
▶ Fonction uranienne (représentation de la Transcendance) : le mensonge uranien procède par l’ultra-simplification et l’orientation arbitraire de la complexité du réel. L’uranien menteur n’a aucun respect pour la réalité concrète des choses et des êtres. Il affirme et impose avec aplomb des certitudes trompeuses et mensongères dont il estime qu’il est le seul garant du bien-fondé. Il théorise à outrance sans se soucier des démentis que lui opposent les faits, pour lesquels il n’a qu’un insondable mépris.
▶ Fonction neptunienne (existence de la Transcendance) : le mensonge neptunien se caractérise par l’utilisation perverse du flou et de l’ambiguïté dans le discours. Le menteur neptunien est subtil, équivoque, nébuleux et la vérité n’est pour lui qu’un faible signal clignotant sans beaucoup d’importance. Il laisse sous-entendre plutôt qu’il n’affirme clairement, de telle sorte qu’on puisse le croire au moins à-demi sincère, ce qui rend ses mensonges en clair-obscur d’autant plus difficiles à repérer.
▶ Fonction plutonienne (transcendance de la Transcendance) : le mensonge plutonien est un phénomène de pure dissimulation. Pour le plutonien menteur, le langage n’est qu’un instrument d’intoxication servant à masquer ses tortueuses et mystérieuses fins secrètes. Estimant en son for intérieur que tout discours est fondamentalement trompeur et mensonger et que la vérité n’est qu’un leurre, il n’a aucun scrupule à énoncer des contrevérités suffisamment ambigües pour paraître crédibles.
▶ Fonction lunaire (globalité de l’ensemble) : le mensonge lunaire est si apparemment naturel, bon enfant et détendu qu’il est difficile à un observateur peu perspicace de le distinguer de la sincérité. Le menteur lunaire ment pour préserver son confort, sa tranquillité, sa sérénité. Le mensonge est pour lui une bulle protectrice où il s’invente un petit monde rêvé qui lui convient et qui, croit-il, le met à l’abri des dures aspérités du réel mais qui est fragile car hyper-dépendante des circonstances extérieures.
Les Signes du zodiaque ont eux aussi leurs propres aptitudes mensongères, qui apportent des nuances à celles des planètes qui les traversent mais ne les modifient pas fondamentalement. Ces aptitudes zodiacales au mensonge ne seront pas développées systématiquement ici. Notons seulement, à titre de brefs exemples, que les mensonges planétaires quels qu’ils soient peuvent s’exprimer d’une manière vive et immédiate (Bélier-Taureau-Gémeaux) ou lente et persistante (Cancer-Lion-Vierge), par des tactiques de d’évitement du réel rapides (Balance-Scorpion-Sagittaire) ou par des dénis de vérité persévérants et systématiques (Capricorne-Verseau-Poissons).
La finalité des mots est d’exprimer d’autres mots, des choses ou des idées. S’il y a accord entre le mot et la chose ou l’idée qu’il représente, ont est alors dans la véracité, au sens où dans ce cas c’est le “vrai” qui est dit. Le “vrai”, en passant, ne doit pas être confondu avec le “réel” : ce sont les choses qui sont réelles ou non, et ce qu’on en dit qui peut être “vrai” ou “faux”. La vérité est donc idéalement ce qui correspond au réel… ce qui est en partie “faux”, étant donné que le langage implique toujours une retranscription tendancieuse puisque sa nature et sa fonction sont différentes de celles des objets ou des idées qu’il exprime, et que ce qui est considéré comme “réel” ou “irréel” est variable selon les lieux, les cultures, les époques et les avancées ou angles morts des connaissances.
Le mensonge est par conséquent l’expression d’un désaccord entre le mot et la chose ou l’idée qu’il représente. Le mensonge par affirmation est l’énonciation délibérée d’une chose contraire à la vérité, alors que le mensonge par omission est la dissimulation volontaire d’une chose vraie. L’un comme l’autre ne sauraient être confondus avec la “contrevérité”, qui est une affirmation inexacte dont on ne sait pas a priori si elle est volontaire ou non : on peut sincèrement et franchement énoncer une contrevérité par ignorance, ce qui en soi n’est pas contraire à la morale, alors que le mensonge affirmatif est l’expression d’une absence de sincérité ou de franchise qui passe pour immorale. Le mensonge par omission, lui, jouit d’un statut moral spécifique : si la dissimulation de choses vraies qu’il implique est faite dans un noble but (éviter par exemple la douleur ou la haine), elle peut être considérée comme morale ; mais si cette dissimulation a pour finalité d’occulter des choses vraies pour travestir des intentions inavouées, elle est alors cataloguée comme immorale.
On le voit, le mensonge ne fait, pas plus que la politique, bon ménage avec la morale. Le mensonge n’est pourtant pas en soi immoral : il ne l’est que s’il s’adresse à autrui pour lui nuire. Si un individu se ment à lui-même sans mentir aux autres, et que ces mensonges à lui-même n’ont pas de retentissement sur autrui (ce qui est quand même extrêmement rare), il ne passe pas pour immoral, mais pour psychologiquement dérangé. Par contre, s’il ment à autrui, donc s’il le manipule, dans le but de lui faire croire et de lui faire faire ce qu’il n’aurait ni cru ni fait s’il avait su la vérité quant à ses intentions réelles, il adopte une attitude immorale. C’est la raison pour laquelle les mensonges à soi-même ne font l’objet d’aucune sanction légale, alors que les mensonges aux autres comme les fausses déclarations en justice, les publicités ouvertement mensongères et l’usage de faux documents sont punis par la loi.
Il existe un autre type de désaccord entre le mot et la chose ou l’idée qu’il représente. C’est celui qui est à la base des contes, des fables et des histoires dont on sait qu’elles ne sont pas “vraies” mais qu’on raconte en essayant de faire croire qu’elles ne sont pas “fausses”. En se servant des mots utilisés pour énoncer des choses ou des idées “vrais” et “réels”, le conteur ou le fabuliste racontent des histoires évoquant d’autres choses ou idées “fausses” et “irréelles” (des êtres, des événements, des situations ou des pensées qui n’existent que dans leur imagination). Ces procédés ne passent pas pour être mensongers, au sens où la finalité du narrateur n’est pas de tromper ou de manipuler son monde, mais de le distraire du “vrai” et du “réel”… même si le contenu des fables est très loin d’être toujours innocent et purement imaginaire, et que nombreux sont ceux qui écoutent ou lisent le fabuliste qui se laissent aller à croire à ses histoires merveilleuses tout en sachant qu’elles sont “fausses”. En effet, loin de raconter “n’importe quoi”, la plupart des fables et contes ne sont que des imitations, des travestissements ou des transfigurations du “réel” auquel on a injecté des doses variables de sortilèges, de miracles et de surnaturel pour le rendre plus extra-ordinaire qu’il n’est lorsqu’on le considère au ras des pâquerettes. En ce sens, leur rôle et leur utilité sociale est de mieux “faire passer la pilule” souvent plate, amère ou décevante du réel, et par ce biais ils façonnent tout autant les mentalités que les propagandes plus ou moins mensongères des politiques et des religions, lesquelles, elles, prétendent ouvertement parler du “vrai” et du “réel”.
On n’est pas loin de ce que, dans le vocabulaire des spin doctors (conseillers en marketing politique) du XXIe siècle, on appelle le “storytelling” parce que ce vocable anglo-saxon semble faire plus sérieux et technique que “racontage d’histoires”.
Les mots appartiennent au niveau “Représentation” du système R.E.T. qui définit les fonctions planétaires. Ils ont pour fonction intensive d’énoncer d’autres mots (fonction solaire, “Représentation de la Représentation”), ou bien les signaux concrets du niveau “Existence” (fonction jupitérienne, “Représentation de l’Existence”), ou encore les signaux abstraits du niveau “Transcendance” (fonction uranienne, “Représentation de la Transcendance”). Ils sont aussi pour fonction extensive d’évoquer ces mêmes signaux (fonction vénusienne, “Existence de la Représentation” et fonction mercurienne, “Transcendance de la Représentation”).
“Représenter” n’est pas mentir : sur un mode intensif, c’est faire pénétrer mots, êtres, choses, situations, événements et idées dans le monde du langage pour leur donner une signification précise et, sur un mode extensif, se servir de ce même langage pour les évoquer, le mot invitant alors à aller à leur rencontre à travers la signification qu’il véhicule. Bien entendu, la concordance entre les mots et les choses ne peut jamais être parfaite ni exacte puisque le mot n’est pas la chose, que plusieurs mots peuvent définir la même chose, que différentes choses peuvent être représentées par le même mot et que celui-ci peut évoquer différentes choses qui ne sont pas nécessairement celles pour lesquelles il a été précisément créé.
Il n’y a mensonge que quand la “Représentation” est volontairement “non-Existence” et “non-Transcendance”, c’est-à-dire quand les mots sont sciemment et délibérément utilisés pour énoncer des choses concrètes ou abstraites “fausses” ou “irréelles” (fonction intensive) ou pour faire croire à celles-ci (fonction extensive) en donnant l’illusion que les mots sont la source des choses.
La politique comme art d’accéder au pouvoir et de le conserver relevant de la “Représentation”, elle est affaire de mots et donc inévitablement de mensonge étant donné que les foules préfèrent généralement qu’on leur raconte des histoires en lesquelles elles ont envie de croire plutôt qu’on leur assène des discours-programmes reflétant aussi fidèlement que possible la réalité des choses. Même le politicien qui veut proposer un programme coïncidant optimalement à cette réalité se doit de savoir l’habiller, le maquiller, le travestir un minimum pour le rendre attrayant et acceptable et par conséquent de se livrer à des simulations et dissimulations, colorations ou décolorations et autres tromperies de divers calibres. Celui qui refuse d’accepter cette règle du jeu est voué à l’échec s’il cherche à accéder au pouvoir.
Les politiciens ou partis politiques les plus habiles, sincères et réalistes (ceux qui ne confondent pas le mot et la chose donc) trouvent le bon dosage entre discours de vérité de premier plan et dissimulations ou tromperies de second ordre. Les plus habiles, sincères et irréalistes (ceux qui confondent naïvement le mot et la chose) racontent une fable à laquelle eux-même croient en dissimulant ou sous-estimant, volontairement ou par aveuglement, les éléments du réel dérangent leurs convictions. Les plus roués, insincères et réalistes (qui font très bien la différence entre la mot et la chose) émettent un discours mensonger et attrayant auxquels ils ne croient pas en dissimulant ce qu’ils ont réellement la volonté de faire une fois qu’ils seront au pouvoir. Enfin, les plus roués, insincères et irréalistes racontent absolument n’importe quoi et font des montagnes de promesses démagogiques qu’ils n’ont aucune intention de tenir, accumulant par conséquent mensonges, dissimulations et tromperies, et finissent, s’ils parviennent ainsi au pouvoir grâce à l’onction servile des foules, par mettre en œuvre leur programme totalement déconnecté du réel auquel ils essaient de l’adapter plus ou moins, de gré ou de force, en naviguant à vue au gré des circonstances.
Imaginez maintenant un politicien qui ne promettrait que “du sang, du labeur, des larmes et de la sueur” parce que la situation réelle ne permettrait pas d’envisager d’autre programme, au moins à court terme. Il n’aurait quasiment aucune chance de recueillir l’assentiment et donc le vote de la majorité de ses concitoyens en temps de paix. Winston Churchill avait proposé un programme se résumant à “blood, toil, tears and sweat” au peuple britannique alors que les avions allemands bombardaient sans relâche son pays pendant la IIe Guerre Mondiale. Il n’avait été accepté, précisément, que parce que l’état de guerre régnait et que dans ce genre de situation, l’opinion publique est plus accessible à des discours de vérité qu’à des racontages de fables (à l’exception des fables de propagande patriotique bien entendu). Lorsque la guerre fut finie et qu’il se lança dans des discours-fables ultra-conservateurs visant à se faire réélire, il fut battu aux élections par un peuple qui ne voulait plus d’un “seigneur de guerre” et qui désirait désormais écouter les voix des sirènes travaillistes qui lui promettaient de grandes réformes sociales et progressistes.
Le pouvoir politique ne se limite pas à la “Représentation”. Comme nous l’avons vu précédemment, il est aussi “Existence” et “Transcendance”, en ce qu’il concerne tous les niveaux d’organisation du réel de la Cité. Dans le système R.E.T., les trois fonctions planétaires du Pouvoir Extensif sont celles du Soleil, de Mars et de Pluton.
L’exercice du pouvoir demande donc de coordonner plus ou moins harmonieusement et efficacement les fonctions de Roi-gouverneur (pouvoir visible, représentatif et unificateur législatif), de Guerrier-producteur (pouvoir concret exécutif des armes et de l’économie) et de Sorcier-initié ou Scientifique (pouvoir invisible, insidieux, secret et subtil des coulisses). On peut ainsi voir sans être vu si on ne veut pas l’être, ne montrer que ce qu’on veut bien faire voir, cacher ce qu’on veut dissimuler, et agir à sa guise avec modération, par coups d’éclats ou basses œuvres et manœuvres selon les circonstances, l’orientation idéologique et le tempérament du principal détenteur des leviers de commande du pouvoir. Le pouvoir se veut à la fois invisible ou invisible en fonction des nécessités commandées par l’action qu’il veut exercer.
Si le pouvoir n’est pas mensonger en soi, il est obligatoirement simulateur et dissimulateur. Il est des secrets qu’il vaut mieux ne pas révéler pour maintenir la paix civile (adage d’Augustin emprunté à Térence : “la vérité engendre la haine” - du moins dans certaines circonstances) ou pour couvrir des scandales inévitables si certains agissements immoraux au sein de “l’État profond”, parfois nécessaires et parfois superflus, venaient à apparaître au grand jour. D’autres secrets, d’autres mensonges, d’autres dissimulations s’imposent aussi dans les sphères diplomatique, économique et militaire. C’est ce que Machiavel appelait les “arcana imperii”, les “secrets de l’empire”, et c’est parce qu’il les décrivait crûment et sans détour que son livre Le Prince avait fait et fait toujours scandale. Il révélait la face obscure et violente du pouvoir, son usage mensonger et cynique des superstitions, de la religiosité ou plus généralement des attentes irrationnelles de l’opinion publique afin de conserver et d’accroître son influence.
Le moraliste soutiendra qu’il ne saurait y avoir de mensonge légitime en démocratie parlementaire, régime politique qui devrait afficher la plus grande transparence politique. Mais c’est faire peu de cas du fait qu’il ne saurait y avoir de conquête et de conservation du pouvoir sans secret, manipulation, rétention ou non-divulgation de certaines informations cruciales. Ces mensonges ou dissimulations des représentants faussent et falsifient le rapport avec les citoyens représentés, mais ils sont inévitables. Seule la dose de mensonge et de dissimulation officiellement ou officieusement permise peut faire l’objet d’une négociation.
Au sommet “Représentatif”, solaire du pouvoir, on ne montre de ce qu’on montre que ce qu’on veut bien montrer et ne dit que les mots qu’on veut faire entendre. Le reste, on le cache, on le simule, le dissimule ou on le tait. À la base et dans les coulisses “Transcendantes”, plutoniennes du pouvoir, on ne montre de ce qu’on cache que ce qu’on veut bien révéler et ne dit rien de ce qui ne doit pas être entendu, sinon des sous-entendus ou de purs mensonges. Entre les deux, au niveau “Existence”, marsien du pouvoir, il ne faut pas oublier que l’art de la guerre, que celle-ci soit économique ou militaire, est fait à la fois d’attaques frontales, d’assauts, de feintes et de dissimulations. C’est d’ailleurs dans ce domaine, qui pourrait apparaître comme le plus “franc”, que les plus grands secrets sont nécessaires face à l’ennemi. L’art de la guerre commande de savoir “mentir vrai”.
Quels que soient leurs Thèmes astrologiques, les politiciens doivent utiliser ces outils ou ces armes, avec plus ou moins de pertinence et d’efficacité selon les cartes (du ciel) dont ils ont hérité à leur naissance. Ils le font rarement, parfois ou souvent selon les circonstances, leur degré de sincérité, leur sentiment d’impunité et/ou leur perméabilité à l’hubris que le pouvoir peut engendrer chez eux. Il n’existe pas de profil type.
Il n’y a pas de place pour la vérité pure dans la conquête et l’exercice du pouvoir politique. Reprocher aux politiciens de n’être pas dans cette vérité pure est donc basé sur une illusion. Tout ce que les représentés peuvent demander à leurs représentants, c’est de leur proposer des programmes aussi sincères et réalistes que possible, autrement dit qu’ils leur racontent une histoire future pas trop éloignée de ce qu’ils feront lorsqu’ils seront aux commandes de la Cité.
Avant d’examiner plus précisément le cas de Donald Trump, extraordinaire cas de politicien menteur et bonimenteur devenu Président des US.A., faisons un petit tour dans l’Irlande et l’Angleterre du XVIIe siècle. C’est là qu’est né et qu’a vécu Jonathan Swift, écrivain, satiriste, essayiste, pamphlétaire politique, poète et… clerc de l’église. Il est surtout connu pour ses Voyages de Gulliver et ses Lilliputiens, pamplhet mêlant satire sociale et politique et considérations logico-philosophiques sur fond de fantastique et de science-fiction. Mais il est aussi l’auteur de L’art du mensonge en politique, un texte court, drôle et impitoyablement lucide où il présente et décortique les divers types de tromperies des politiciens. En fait, il n’en serait pas le véritable auteur : ce texte aurait en fait été écrit par le médecin, mathématicien et écrivain John Arbuthnot et aurait été attribué à Swift… qui aurait très bien pu l’écrire puisque selon le professeur d’histoire européenne à l’université d’Auckland (Nouvelle-Zélande) Jean-Jacques Courtine, “son intention satirique est bien dans la manière de Swift ou de ceux de ses amis, Pope, Gay, ou encore Arbuthnot qui s’étaient donnés pour tâche de fustiger les mœurs politiques de leur temps.” Ce n’est donc pas un mensonge ou une usurpation mais une erreur d’attribution, ouf… On continuera néanmoins de faire comme si c’était bien un écrit de Swift : cela ne change rien au fond de ce propos.
Son statut officiel d’ecclésiastique et doyen de la Cathédrale Saint-Patrick de Dublin donnait à Swift quelques compétences pour juger de la nature de l’âme, qu’il jugeait planocylindrique : “L’âme est de la nature d’un miroir planocylindrique ; un Dieu tout puissant a fait le côté plat de ce miroir et ensuite le démon a fait l’autre côté qui a une forme cylindrique. Le côté plat représente les objets au naturel et tels qu’ils sont véritablement ; mais le côté cylindrique doit nécessairement, selon les règles de la catoptique, représenter les vrais objets faux et les faux objets vrais. Que le cylindre étant beaucoup plus grand et plus large, reçoit et assemble sur sa surface une plus grande quantité de rayons visuels : que par conséquent tout l’art et le succès du mensonge politique dépend du côté cylindrique de l’âme.”
On en retiendra que selon lui, les platitudes sont divines alors que les volumes sont démoniaques. Une théologie technico-optique très personnelle et quasi-hérétique, qui n’était pas vraiment celle de son employeur. Mais passons. Après observation attentive de ce qui se passe à la surface non-plate du cylindre spirituel, il en a conclu que “le moyen le plus efficace pour combattre et détruire un mensonge est de lui opposer un autre mensonge. Le penchant de l’âme vers la malice est un effet de l’amour-propre ou du plaisir et de la satisfaction secrète que nous avons de trouver les hommes plus méchants, plus lâches, plus méprisables et plus malheureux que nous-mêmes : et la passion qui nous entraîne vers le merveilleux, procède de l’inactivité de l’âme ou de son incapacité à être mue par les choses vulgaires ou communes et y prendre le moindre plaisir. Le mensonge politique est l’art de convaincre le peuple, l’art de lui faire accroire des faussetés salutaires et cela pour quelque bonne fin. Il faut plus d’art pour convaincre le peuple d’une vérité salutaire que pour lui faire accroire et recevoir une fausseté salutaire.”
Bon, là, il est évident que Swift était né trop tôt pour connaître les ravages de la “téléréalité” qui a fait prendre aux âmes des électeurs (ou ce qui en tient lieu) de Donald Trump tant de grand plaisir aux “choses vulgaires ou communes” qu’il leur racontait qu’ils l’ont élu. Le merveilleux qui embrase les foules ne ressemble plus à qu’il était… mais demeure néanmoins au fond semblable : “Par mensonge merveilleux, j’entends tout ce qui passe les degrés ordinaires de vraisemblance. Par rapport au peuple, le merveilleux se divise en deux espèces : celui qui sert à épouvanter et à imprimer la terreur, et celui qui anime et encourage, qui sont, l’un et l’autre, extrêmement utiles lorsqu’on sait les employer dans les occasions où ils conviennent. Quant au mensonge dont on se sert pour jeter l’épouvante et imprimer la terreur : une de ses règles est qu’il ne faut pas montrer trop souvent au peuple des objets terribles, de peur qu’ils ne lui deviennent familiers et qu’il ne s’y accoutume. Il est absolument nécessaire qu’on serve une fois l’an, du Roi de France et du Prétendant pour épouvanter le peuple anglais, mais il fait après cela remettre les ours à l’attache jusqu’à un an.”
Les montreurs et dresseurs d’ours de Washington savent ce qu’il leur reste à faire. S’il n’était pas aussi désespérément inculte, on pourrait croire que Donald Trump a lu Swift (mais son “nègre” l’a probablement fait pour lui, nous le verrons plus loin) avant de se lancer dans sa mémorable campagne électorale qui a débuté par de simples “mensonges d’épreuve”. Selon Swift, “Un mensonge d’épreuve est comme une première charge qu’on met dans une pièce d’artillerie pour l’essayer ; c’est un mensonge qu’on lâche à propos pour sonder la crédulité de ceux à qui on les débite. Tels sont certains points de la créance des sectes hétérodoxes que l’on peut regarder comme des articles d’épreuve : proposez-les à quelqu’un, s’il y mord et s’il les gobe une fois, vous êtes sûrs qu’il digérera toute autre chose que vous lui proposerez.”
Pour être sûr que cette ingestion de mensonges soit aussi efficace que possible, il ne faut pas hésiter à se montrer familier et cool avec les gogos que l’on entend circonvenir : “Les mensonges de promesse que font les grands, les personnes riches et puissantes, les Seigneurs, ceux qui sont en place, se connaissent à la manière : ils vous mettent la main sur l’épaule, ils vous embrassent, ils vous serrent, ils sourient, ils se plient en vous saluant ; ce sont autant de marques qui doivent vous faire connaître qu’ils vous trompent et qu’ils vous en imposent. Vous reconnaîtrez de même leurs mensonges en matière de faits, aux serments excessifs qu’ils vous font à plusieurs reprises.”
Swift conseille quand même de ne pas trop exagérer : il attribue ainsi les insuccès des partis se disputant le pouvoir de son temps à “la trop grande quantité de mauvaises marchandises qu’ils veulent débiter tout à la fois : ce n’est pas le meilleur moyen d’en faire accroire au peuple que de vouloir lui en faire avaler beaucoup tout d’un coup ; quand il y a trop de vers à l’hameçon, il est difficile d’attraper des goujons.” Bon Prince et modérément machiavélique pour le coup, il conseille au parti “qui veut rétablir son crédit et son autorité s’accorde à ne rien dire et à ne rien publier pendant trois mois, qui ne soit vrai et réel, c’est le meilleur moyen pour acquérir le droit de débiter des mensonges les six mois suivants. Mais j’avoue qu’il est presque impossible de trouver des gens capables d’exécuter ce projet.” Aïe aïe aïe… Donald Trump et ses incessantes rafales de tweets intempestifs depuis son élection sont dans le viseur prophétique de Swift. Il exagère vraiment un chouïa.
Mais le sommet de L’art du mensonge politique est atteint à la fin de ce texte, dans une phrase qui semble avoir été écrite spécialement à l’attention de Trump, à la fois astrologiquement “super-marsien” et politiquement “super-menteur” : “Il n’y a point d’homme qui débite et répande un mensonge avec autant de grâce que celui qui le croit.” Peut-on réellement croire aux mensonges qu’on débite soi-même ? La réponse est à la fois “oui” et “non”, c’est une affaire de duo-duel, comme toujours avec la fonction marsienne. Nous allons aborder et approfondir ce passionnant sujet dans la section suivante. Mais avant, laissons une dernière fois la parole à Jonathan Swift : “La règle de la société doit être d’inventer chaque jour un mensonge, quelquefois deux et dans le choix de ces mensonges, il faut avoir égard et faire attention au temps qu’il fait et à la saison où l’on est : les mensonges pour épouvanter et imprimer la terreur font des merveilles et produisent de grands effets dans les mois de novembre et de décembre, mais ils ne font pas si bien et n’ont pas tant d’efficacité en mai et en juin, à moins que les vents d’Est ne règnent alors. Il faut qu’il y ait une peine ou amende imposée à quiconque parlera d’autre chose que du mensonge du jour.”
Dans la présentation que fait de cet ouvrage Jean-Jacques Courtine (Le Mentir Vrai, éd. Jérôme Millon 2007), celui-ci donne quelques conseils aux politiciens cherchant à se perfectionner dans l’art du mensonge : “soustraire les mensonges à toute vérification possible ; ne pas outrepasser les bornes du vraisemblable ; faire varier les illusions à l’infini” et enfin “instituer une véritable ‘sociétés des menteurs’ pour rationaliser la production de mensonges politiques.”
À l’issue d’une campagne électorale brutale, rentre-dedans, agressive, violente, vulgaire comme les U.S.A. n’en avaient encore jamais vu en dépit d’une longue expérience des outrances dans ce domaine, après avoir expédié au tapis ses adversaires Républicains puis Hillary Clinton sous ses insultes et ses coups de boutoir verbaux, Donald Trump a été élu président de son pays. Il a réussi cet exploit grâce à son franc-parler politiquement incorrect, son évocation en des mots crus de certains des maux majeurs qui affectent un grand nombre de ses compatriotes, ses prises de positions sans nuances… et l’utilisation quasi-systématique de son “mentir vrai”, c’est-à-dire de son aptitude à débiter sans hésiter et sans vergogne les mensonges les plus énormes et éhontés qui avaient toutes les apparences de la plus totale franchise et de la plus authentique sincérité. “Il n’y a point d’homme qui débite et répande un mensonge avec autant de grâce que celui qui le croit”, écrivait Jonathan Swift.
Avant d’aborder le cas de Donald Trump, je vous propose de prendre connaissance d’expérience personnelle : alors que je travaillais comme “nègre” et pigiste pour un magazine people qui avait pour seule ambition de sortir des numéros consacrés à des hagiographies de célébrités (dont cette revue publiait en plus une analyse astrologique !), j’ai eu l’occasion de me pencher sur le cas de Bernard Tapie. Je devais pour écrire cet article contacter des gens qui avaient travaillé de près avec lui, et qui pouvaient par conséquent me confier des détails inédits et vivants sur le fonctionnement psychologique du personnage dans sa sphère d’activité. Je n’ai pas réussi à trouver quiconque qui a travaillé sous ses ordres capable de m’en dire le moindre bien, ce qui ne faisait pas mon affaire de plumitif hagiographe. Mais dans mon enquête j’ai fini par tomber sur un commercial qui avait longtemps bossé avec lui à ses débuts, au moment où il s’envolait vers la gloire et le pognon.
J’ai interviewé ce type, qui m’a expressément demandé de respecter son anonymat (avec Tapie, on ne sait jamais…). Sous le couvert du secret, il m’a confié qu’en tant que commercial, il avait été bluffé par les talents de Tapie dans ce domaine et qu’il lui conservait une admiration totale dans ce domaine (pas du tout en tant qu’homme, mais en tant que professionnel), tant il avait appris de techniques de vente et de promotion à son contact. Jusque là, rien que de très normal : après tout, c’est ainsi que Tapie a fait fortune et qu’il est devenu l’idole d’une génération et même ministre d’un gouvernement socialiste. Mais il m’a aussi raconté maintes anecdotes qui décrivaient l’étrange et paradoxal “mentir vrai” qui était selon lui une caractéristique majeure du personnage - et qu’évoque Jonathan Swift à la fin de son ouvrage.
Dans le genre, l’une des situations les plus hallucinantes dont il a été le témoin direct a été celle-ci : Bernard Tapie avait un important rendez-vous d’affaires en province. Il s’y rend dans son jet privé en compagnie de mon interviewé. L’avion atterrit sur le tarmac désert à l’exception de quelques employés de l’aéroport. Il expédie son affaire, reprend place dans son jet sur un tarmac toujours aussi désert et l’avion s’envole pour Paris. Tapie se tourne alors, le sourire aux lèvres et gonflé d’autosatisfaction vers mon interviewé assis à côté de lui et lui lance quelque chose comme : “Tu as vu ? Toute cette foule pour m’accueillir à l’arrivée comme au départ ? Le député, le maire, le préfet, tous ceux qui comptent dans cette ville ? C’était vraiment formidable, non ?”
Mon témoin, qui avait pourtant l’habitude des régulières et souvent stupéfiantes manifestations du “mentir vrai” de Tapie, mais dans des circonstances moins extraordinaires, m’a confié que ce jour-là, il avait vraiment été sidéré. Le vendeur-bonimenteur qui croit lui-même à moitié à ses mensonges, m’a-t-il confié, il pouvait encore comprendre, même s’il avait très fréquemment été surpris par l’intensité avec laquelle Tapie exerçait son “mentir vrai”, qui allait au-delà des techniques de ventes “normales”. Il mettait alors cela sur le compte de la passion dévorante qui habitait cet homme. Mais là, sur le tarmac deux fois désert de l’aéroport, il avait halluciné en entendant Tapie débiter cordialement et innocemment son énorme mensonge à l’homme qui avait été directement témoin du fait que nulle foule d’officiels n’était là pour l’accueillir.
J’ai alors demandé à ce témoin s’il ne lui avait pas semblé que Tapie tenait des propos discrètement ironiques, ou encore si ses propos n’étaient pas l’expression d’une déception ou d’une rancœur. Il m’a dit que pas du tout. Il se souvenait très bien que Tapie était alors tout-à-fait jovial, complice et détendu, convaincu et heureux comme un enfant d’avoir reçu un excellent accueil de la part d’une foule. Il s’est alors dit que soit Tapie était complètement fou, soit il croyait vraiment à ce mensonge qu’il adressait à la seule personne qui ne pouvait absolument pas être dupe. Il a écarté la première hypothèse : selon lui, Tapie n’avait rien d’un fou. Restait alors la seconde : un “mentir vrai” au-delà de toute mesure. Déstabilisé par cette expérience et observant que les techniques d’achat et de vente de Tapie sentaient de plus en plus le soufre, il a cessé sa collaboration avec lui peu après. J’ajoute que ce type que j’ai interviewé m’a paru absolument digne de foi : vingt ans plus tard, il était toujours éberlué de ce qui s’était passé, et cela se sentait.
Avant de conduire cet entretien, j’avais déjà fait le Thème de Bernard Tapie, qui devait paraître dans le même numéro. Après l’entretien, j’ai commencé à m’interroger sur les rapports entre son Mars dominant et son habitude du “mentir vrai”, du mensonge “à bout portant”. J’ai d’abord été tenté de mettre ce phénomène entièrement sur le compte du carré Mars-Neptune dominant, et plus sur celui de Neptune que sur celui de Mars, ce qui pouvait rationnellement en être l’une des manifestations possibles, tout en ne demeurant qu’à demi satisfait de cette interprétation. Plus tard Françoise Hardy, qui avait eu l’occasion de rencontrer Tapie dans le cadre d’une interview pour l’émission d’astrologie qu’elle animait alors sur RMC, m’a confirmé que l’homme qu’elle avait eu en face d’elle lui avait semblé tout-à-fait correspondre à un profil “marsien” : franc, direct, rentre-dedans limite agressif, et du coup je me suis remis à cogiter sérieusement sur les rapports entre Mars et le “mentir vrai”.
Le problème, c’est que je n’étais encore jamais tombé personnellement sur d’autres cas aussi frappants… ou alors, que je m’étais fait avoir par ceux qui le pratiquaient avec un certain talent ? J’en suis donc provisoirement resté à cette constatation : étant donné que la fonction marsienne est celle qui prédispose le plus à la franchise sans détour, et qu’il existe une forme de mensonge qu’on peut appeler le “mentir vrai”, il est très probable que les “marsiens” soient plus que d’autres concernés par ce phénomène qui consiste à plus ou moins croire aux mensonges que l’on profère au moment même où on le fait. Cela d’autant plus que les premiers mensonges volontaires n’apparaissent pas avant le début de la deuxième année chez l’enfant, soit après le “stade marsien” (1 à 2 ans) de la théorie des âges planétaires, et par conséquent au début du “stade jupitérien”.
Le rapport avec Trump ? C’est simple : Tapie et Trump ont tous les deux un Mars angulaire à l’Ascendant, dissonant chez Tapie et consonant chez Trump. Tous les deux sont également des hommes d’affaires qui ont fait fortune grâce à leurs talents de vendeur-bonimenteur. Au plan social, la seule chose qui les différencie fondamentalement, c’est que l’un (Tapie) est un self-made man issu d’un milieu modeste, alors que l’autre est un fils à papa qui doit sa fortune au million de dollars que son géniteur lui a offert pour commencer sa carrière dans l’immobilier.
Bien sûr, il n’y a pas que Mars dans le Thème natal de Trump, même si c’est la seule planète angulaire et qu’à ce titre son rôle est particulièrement intéressant à évaluer et étudier d’un point de vue technique. Son Mars en Lion est aussi au sextile-trigone d’une conjonction Soleil-Uranus en Gémeaux opposée à la Lune en Sagittaire, ce qui constitue la configuration planétaire dominante.
Pour qui voudrait préserver la nature a priori franche, sincère et directe de la fonction marsienne, il est tentant de mettre les mensonges de Trump sur le compte de sa co-dominante “Représentation intensive” (Soleil-Uranus) en Gémeaux (abus de slogans percutants et simplificateurs en totale irretenue). Le même Aspect peut être en rapport avec un indéniable sens du spectacle et un besoin puissant et pressant de jouer les vedettes, de se mettre en scène comme un personnage exceptionnellement intéressant, etc. Si l’on ajoute à cela que Trump est devenu un expert en manipulation des médias et de leurs spectateurs grâce l’émission de téléréalité vulgaire et mensongère qu’il a animée pendant plus d’une dizaine d’années et qui était toute à sa gloire, on pourrait se passer d’accuser Mars d’être responsable de ses affabulations. Mais, après l’exposé du cas Tapie vous vous en doutez que ce serait trop facile : il faut frontalement aborder le mentir marsien.
Revenons pour commencer sur le stade que gouverne Mars dans la Théorie des âges planétaires, c’est-à-dire de 1 à 2 ans, 2 ans étant la durée de son premier cycle qui s’intercale entre les premiers cycles solaire (1 an) et jupitérien (12 ans). Voici ce qu’on peut dire de son rapport au langage durant cette période d’apprentissage : “L’enfant au stade marsien commence par relier deux mots (toujours le duo-duel) ayant trait dans l’ordre à la possession : ‘maman-chapeau’, puis au désir-besoin : ‘manger-banane’, puis à la localisation : ‘jouet-lit’, à l’attribution de qualité : ‘chat-petit’, etc. Pour comprendre ce que veut signifier l’enfant, il est indispensable de connaître directement le contexte concret à l’intérieur duquel ces ‘phrases binaires’ ont été émises. Pour le bébé de cet âge donc, le langage est inséparable du contexte dont il est l’expression verbale à un moment donné. Il est incapable de combiner les mots de telle sorte qu’ils produisent une signification sans aucun rapport avec la situation concrète qu’il perçoit. Autrement dit, il ne sait pas et ne peut pas faire du langage un lieu d’expression de l’imaginaire ou du mensonge. Il dit ce qu’il observe et fait ce qu’il dit, dans un jargon pas toujours compréhensible pour qui n’est pas en situation. À la limite, le langage n’est pour le bébé de cet âge qu’un instrument sonore qu’il peut pragmatiquement utiliser comme d’autres objets, quand il lui est impossible, pour une raison ou une autre, de partager et communiquer ses impressions ou sa compréhension des choses dans les faits. Phrases courtes, dépouillées, techniques, sans imagination, voulant bien dire, sans ambiguïté, ce qu’elles veulent dire : l’enfant au stade marsien ne triche pas avec le langage et ne se sert pas des mots pour tricher. Il n’accompagne sa description lapidaire des faits observés d’aucun commentaire, d’aucune analyse. Ni profond ni brillant, il parle vrai.”
L’enfant au stade marsien n’a donc pas les outils langagiers pour pouvoir mentir : ce n’est en moyenne qu’après deux ans qu’il dispose d’une vingtaine de mots, dont la combinaison ouvre la possibilité d’un imaginaire langagier et donc de mentir, ce qu’il commence en général à faire vers 2 ans 1/2 avec des phrases naïves du genre “c’est pas moi qui ai mangé le gâteau, c’est le chat”. Même si le chat est en fait innocent, c’est néanmoins un signe positif de développement cognitif, qui montre qu’il sait désormais inventer de petits scénarios. Ce n’est que beaucoup plus tard, après 7 ans environ, donc toujours durant le stade jupitérien de 2 à 12 ans, qu’apparaîtront les mensonges délibérément construits - et en cela beaucoup plus “pervers” du style “je n’ai eu que des bonnes notes en classe” (alors que c’est faux) ou encore “j’étais à l’école cet après-midi” alors qu’il a fugué.
L’adulte “marsien” garde la mémoire de ses premiers apprentissages du langage franc, simple et direct… mais depuis l’âge de deux ans, “marsien” ou pas, il a appris à mentir, comme tout le monde ou presque : le mensonge, au moins de politesse, est en effet consubstantiel à la bonne conduite de la vie en société, qui demande au minimum une certaine dose d’hypocrisie afin d’éviter les conflits permanents qui surviendraient si nous passions notre temps à nous dire franchement nos “quatre vérités” et les autres. A priori, le “marsien” est plutôt rétif à l’idée de mentir : dans son optique, le mensonge complique inutilement son existence et l’oblige à faire des efforts diplomatiques et des contorsions intellectuelles qui ne sont pas vraiment sa tasse de thé : il préfère appeler un chat, un chat, c’est plus facile et plus direct.
Mais si pour une raison ou pour une autre il développe une propension à mentir supérieure ou très supérieure à la moyenne, alors il adoptera de préférence le “mentir vrai”, si aucune autre tendance de son horoscope natal ne l’incite à préférer d’autres styles de mensonges plus sophistiqués. La fonction de Mars étant celle du duo-duel, le “mentir vrai” reflétera ce mode de fonctionnement. En mode “duel”, le menteur marsien sait parfaitement qu’il ment au moment où il le fait, mais en même temps, en mode “duo”, il fait corps avec ce mensonge qu’il profère. Il est franchement, sincèrement, totalement investi dans cette fausse énonciation qui est certes délibérée, mais avec laquelle il est en si parfaite union au moment où il la fait qu’il ne s’en dissocie pas, qu’il la considère comme l’expression exacte de ce qu’il ressent et veut dire au moment où il ment.
De ce fait, ce type de mensonge a tous les accents de la franchise et de la sincérité : il ne se perd pas en laborieuses circonlocutions, il n’essaie pas de se faire autre que ce qu’il est, il ment vraiment, à bout portant. Ce n’est qu’une fois le mensonge proféré qu’il se remet en mode “duel” et qu’il sait qu’il vient de mentir. Il peut ensuite, soit sortir une franche vérité, soit un nouveau mensonge, qu’il exprimera en mode “duo” avec la même sincérité impulsive et impensée. Le franc-parler devient ainsi le meilleur vecteur du mensonge - et le plus crédible si le mensonge n’est pas trop gros : comment douter d’une parole aussi franchement exprimée dans l’instantanéité du moment où elle sort de sa bouche ? L’effet est d’autant plus efficace si le marsien menteur alterne vérités et mensonges du même calibre sur le même ton, avec le même ton direct et sans apprêts. La franchise des vérités émises fait oublier la franchise des mensonges proférés, et l’on ne retient que la franchise à la fois apparente et réelle car le marsien croit à ses mensonges au moment même où il les débite.
“Il n’y a point d’homme qui débite et répande un mensonge avec autant de grâce que celui qui le croit”, écrivait Swift. C’est vrai chez Tapie comme c’est vrai chez Trump. Puisqu’il est question du nouveau président des U.S.A., il est temps de prendre connaissance du témoignage de Tony Schwartz, qui fut le “nègre” littéraire de Trump pour la rédaction de son best-seller Trump, The Art of deal (“Trump, L’art de la transaction”), qui s’est vendu à des millions d’exemplaires outre-Atlantique en 1987. Schwartz, qui était au départ subjugué par les talents de bonimenteur de Trump, a fini par devenir l’un de ses plus impitoyables critiques. Ses critiques, il les a gardées pour lui jusqu’au moment où le milliardaire a déclaré, au cours de la campagne pour les élections primaires Républicaines, que Tony Schwartz était “très déloyal” de prétendre avoir écrit seul ce livre, jurant que Schwartz n’en était que le coauteur et que c’est lui, Donald Trump, qui avait écrit seul la plupart des pages “…certains disent même que c’est le livre de business le plus vendu de tous les temps” a-t-il ajouté dans un accès de vantardise qui lui est coutumier. La maison d’édition a aussitôt démenti ce serment et confirmé que Trump n’en avait pas écrit une ligne.
Dans un élan de “mentir vrai” pas très crédible, Trump s’est peut-être auto-convaincu (au moment où il affirmait ce mensonge) d’avoir lui-même écrit ce livre de 372 pages, ce qui apparaît comme impossible étant donner les détails que donne Schwartz sur les facultés de concentration et la culture générale de Trump : “Quand j’ai écrit ‘Trump, the Art of the Deal’, j’ai dû abandonner la technique de travail habituelle qui consiste à poser des questions à la personne dont parle le livre, car Donald Trump se comportait comme un gamin de maternelle qui ne peut pas rester tranquille en cours. Il est impossible de le faire se concentrer pendant plus de quelques minutes sur un sujet qui ne concerne pas son autoglorification… Il est stupéfiant de voir à quel point ses connaissances sont superficielles.”
Mais le plus intéressant pour le sujet qui nous concerne, à savoir le “mentir vrai” du marsien Trump, se trouve dans ces déclarations de Tony Schwartz, au New Yorker du 18/07/2016 : “Chez lui, le mensonge est une seconde nature, presque une maladie ! Il a, plus que n’importe quelle autre personne, cette capacité à se convaincre lui-même que tout ce qu’il dit est vrai, ou à moitié vrai, ou, au moins, devrait être vrai. Les mensonges que j’ai passés sous silence dans la biographie que j’ai écrite pour lui sont anodins (le prix d’un achat, son lieu de naissance), financiers (pour doubler un concurrent ou évincer un partenaire) ou plus profonds (le mythe du self-made-man s’effondre lorsqu’on sait que c’est son père, Fred Trump, qui a lancé son fils), mais ils sont permanents…Quand il était attaqué sur ses mensonges ou ses approximations, Trump en remettait une couche et devenait agressif, ce qui n’est pas une qualité idéale pour un chef d’État.”
Dans ces lignes, Schwartz précise deux des caractéristiques majeures du fonctionnement d’un marsien pris dans la spirale du “mentir vrai”. D’une part, le fait que ses énoncés mensongers puissent combiner à la fois des éléments de vérité et des éléments de mensonge (une modalité du duo-duel), et d’autre part, que si ce qu’il affirme est faux, cela “devrait être vrai”, c’est-à-dire correspondre à l’idée qu’il se fait de la chose à propos de laquelle il ment (autre modalité du duo-duel marsien : il serait insupportable que le mensonge avec lequel le marsien fait vraiment corps en arrive à devenir non-incorporable à force de déni de réalité). La seule parade si ce scénario devient impossible dans les cas où ses mensonges sont clairement dénoncés et prouvés, que Schwartz décrit très bien, est alors la fuite en avant dans de nouveaux mensonges, qui permet de maintenir la dynamique de sincérités mensongères successives, accompagnée de réactions agressives.
Il ne faut pas sous-estimer ici le Signe dans lequel se trouve Mars, le Lion, ainsi que, plus généralement, les Signes dominants du Thème natal de Trump (Gémeaux, Lion, Sagittaire), mettent l’accent sur une grande faiblesse des capacités d’inhibition. Positivement, un Mars en Lion se caractérise par un dynamisme combatif et une ardeur tumultueuse qui permettent de se dégager brutalement de toute contrainte limitative et ainsi de triompher de situations apparemment bloquées (“Force d’excitation débloquante”) ; mais en négatif, la même position incite à en rajouter dans les gros effets de l’agressivité, avec une totale absence de subtilité dans une perpétuelle fuite en avant (“faiblesse d’inhibition différentielle”).
Mais tout n’est pas à mettre sur le dos du “mentir vrai” de Mars dans ces Trumperies. Comme on l’a déjà noté, Trump est aussi fortement marqué par le sextile de Soleil-Uranus à Mars, ce qui est l’indice d’une très haute conscience de lui-même liée à une quête d’autorité et d’admiration inconditionnelle qui chez lui prennent des dimensions alarmantes selon Schwartz : “Ce qui est problématique, c’est sa personnalité pathologiquement impulsive, égocentrique et obsédée par la publicité. Il n’y a pas un Trump privé et un Trump public…Tout ce qu’il veut, c’est de la reconnaissance extérieure, toujours plus. Les millions de personnes qui ont voté pour lui et croient qu’il représente leurs intérêts apprendront ce que tous ceux qui ont vraiment eu affaire à lui savent déjà : il se fiche complètement d’eux… S’il devait être briefé dans la ‘situation room’ (salle de crise de la Maison Blanche), je ne l’imagine pas rester concentré très longtemps… Sa nécessité d’être au centre des choses est aussi complètement compulsive. Trump s’est toujours shooté à la reconnaissance et il a réussi à augmenter la dose pendant quarante ans. La seule chose qui lui manquait était d’être candidat à la présidence des USA. S’il pouvait se présenter pour être empereur du monde, il le ferait.”
Ajoutons à son portrait astrologique le fait que les Signes solsticiaux (Gémeaux, Cancer, Sagittaire) sont les plus occupés, ce qui prédispose à faire de vastes synthèses (ici, entre le vrai et le faux) ou d’inextricables amalgames (plus aucune différence entre ce qui est vrai et ce qui est faux dans le “mentir vrai”). Ajoutons enfin que domine chez Trump les duos Soleil-Mars et Soleil-Uranus qui les “décideurs-commandeurs” et les “autoritaires-ambitieux”), et noue avons une idée assez juste de ce personnage. Un personnage qui n’en garde pas moins, en dépit de son pathologique “mentir vrai”, une bonne dose de réalisme et de perception des rapports de force réels. Le “menteur vrai” marsien sait qu’il ment tout en croyant à ses mensonges, et il est capable de revenir très rapidement à la réalité dès que les circonstances l’exige.
Pour finir, comment Donald Trump lui-même, en bon réaliste qu’il est, perçoit-il son “mentir vrai” ? Il ne le nomme bien entendu pas ainsi. Il préfère utiliser le terme paradoxal (Lion) et même ultraparadoxal (Gémeaux-Sagittaire) “d’hyperbole véridique” : “Je joue avec les fantasmes des gens. Les gens n’ont peut-être pas de grandes pensées par eux-mêmes, mais ils peuvent néanmoins être très excités par ceux qui en ont. C’est pourquoi une petite hyperbole ne fait jamais de mal. Les gens veulent croire qu’il y a quelque chose qui est le plus gros et le plus grand et le plus spectaculaire. J’appelle ça l’hyperbole véridique. C’est une forme innocente d’exagération - et une technique de promotion très efficace.”
Rappelons qu’une “hyperbole” est une “figure de style qui consiste à créer une exagération et permet d’exprimer un sentiment extrême, de manière à frapper les esprits” (Wikipedia). “L’hyperbole véridique” est donc pour Trump, qui en a fait sa marque de fabrique, une sorte d’exagération qui n’en est pas vraiment une, destinée à frapper les esprits des gogos dans une entreprise de promotion commerciale… ou politicienne. Ajoutons que Trump n’est certainement pas le créateur de cette expression, beaucoup trop savante et sophistiquée pour être de son cru. Elle a probablement été imaginée par Schwartz. Le livre de Trump est en effet émaillé de savantes références littéraires, philosophiques ou psychanalytiques qui ne peuvent en aucun cas être nées sous la plume du milliardaire, qui est d’une inculture crasse et ne s’intéresse à la chose écrite que s’il s’agit d’un contrat commercial et financier.
“J’ai mis du rouge à lèvres sur un cochon”, a dit Schwartz dans son interview du New Yorker en évoquant son boulot de “nègre” littéraire de Trump : “J’ai de profonds remords d’avoir contribué à faire de Trump quelqu’un de plus attirant qu’il n’est réellement et à lui avoir donné un public élargi. Je garderai cela en moi pour le reste de ma vie, il n’y a aucune façon de le réparer.”
L’une des plus grandes puissances du monde est désormais dirigée par un menteur inculte, cynique et agressif, sans foi ni loi. “Si Donald Trump gagne et obtient les codes nucléaires, il y a de très grandes chances que cela entraîne la fin de notre civilisation. Cela n’a rien à voir avec l’idéologie, Trump n’en a pas”, avertit Schwartz. Espérons qu’il exagère un peu, et même qu’il se trompe. Espérons que la haute hiérarchie militaire saura contrôler Trump l’incontrôlable. Espérons que son côté bonimenteur, marchand de tapis roublard partisan du troc et des rapports de force saura prendre le dessus dans les relations internationales. Espérons que son entourage, dont certains des membres sont bien pires que lui car ils ont, eux, de fortes croyances idéologiques et une vision du monde beaucoup plus structurée, aura une influence pas trop dangereuse sur lui.
“Il n’y a point d’homme qui débite et répande un mensonge avec autant de grâce que celui qui le croit”, écrivait Swift, qui sur sa tombe a fait graver l’épitaphe suivante, dont il est impossible qu’il ait confié la rédaction à un “nègre” capable de mettre du “rouge à lèvres sur un cochon” : “Ici repose la dépouille de Jonathan Swift, D.D., doyen de cette cathédrale, qui désormais n’aura plus le cœur déchiré par l’indignation farouche. Va ton chemin, voyageur, et imite si tu le peux l’homme qui défendit la liberté envers et contre tout.”
Pour conclure cette section, une précision s’impose : tous les “marsiens” qui mentent ne sont pas des “serial menteurs” comme Donald Trump ou Bernard Tapie. En sus d’être tous les deux “marsiens”, ces deux hommes sont par ailleurs aussi tous deux des vendeurs-bonimenteurs hors-pair qui ont fait fortune en grande partie grâce à leur bagout, ce qui n’est pas innocent. Est-ce parce qu’ils étaient basiquement des hypers-menteurs qu’ils ont réussi dans ce genre de métier dont la principale qualité qu’il réclame n’est pas la sincérité et la franchise, ou est-ce que c’est leur profession qui a amplifié une tendance au mensonge qui au départ n’avait pas de telles proportions ? Impossible de le savoir.
Toujours est-il qu’ils ne représentent que des cas extrêmes. Le tout-venant du menteur “marsien” est certes très performant dans le “mentir vrai”, mais il ne ment pas plus et pas moins que la moyenne. Rappelons qu’il est absolument impossible d’évaluer, en étudiant son horoscope natal, si un individu est un “serial menteur”. C’est une pathologie qui se développe sur des bases extra-astrologiques, et que certaines professions, comme le commerce ou la politique, ne peuvent qu’exacerber. Par contre et comme on l’a déjà souligné, il est parfaitement possible de prédire quel genre de menteur il peut devenir… mais pas à quelle fréquence.
Pendant la plus grande partie de sa campagne électorale, Donald Trump a été traité par la plupart des politiciens “normaux” et des médias comme un phénomène de cirque spectaculaire mais passager, comme une stupide et narcissique icône de la téléréalité qui serait sortie provisoirement de l’écran pour faire un petit tour dans la vraie vie avant de retourner d’où il venait. Il était impensable qu’un personnage aussi caricatural, vulgaire, agressif, grossier, brutal, mensonger et arrogant puisse finir sa course d’improbable outsider dans le bureau ovale de la Maison Blanche. Et l’impensable est arrivé.
Les commentateurs, journalistes et analystes politiques de tous les pays peu ou prou démocratiques ce sont alors demandé quel politicien pouvait être ou devenir le “Trump” de leur nation lors de prochaines élections. De leur côté, la plupart des politiciens populistes et/ou démagogues de gauche et surtout de droite et d’extrême-droite ont considéré avec envie et gourmandise la trajectoire météorique de cet OVNI qui avait réussi à se faire élire en dépit de tous les handicaps réels ou supposés dont on l’affublait. Sa stratégie, s’il en avait eu une, était-elle imitable et reproductible dans d’autres contextes culturels que celui des U.S.A. ?
Il ne faut certes pas trop individualiser le phénomène Trump. S’il est parvenu à se faire élire, c’est parce qu’il a su incarner certaines attentes populaires angoissées et réactionnaires “à l’estomac”. Les populistes et démagogues (boni-)menteurs de tout poil ont le vent en poupe un peu partout dans la période actuelle, et Trump n’en est qu’un des représentants, certes le plus caricatural mais aussi désormais le plus puissant.
D’un point de vue astrologique, il est néanmoins significatif et extraordinaire que ce soit un “marsien” adepte du “mentir vrai” qui incarne actuellement, au plus haut point et avec le plus grand pouvoir, le mensonge politicien. Trump n’est pas un penseur ni un idéologue. Il n’a pas de conceptions structurées et organisées, ni vision ni projet de société. C’est un pur homme d’action “marsien” que les faits tels qu’ils sont dérangent quand ils ne correspondent pas à ce qu’il en attend, et qui leur substitue quand ça l’arrange des “alternative facts” (“faits alternatifs”).
Cette expression est d’ailleurs devenue l’un des emblèmes du trumpisme. Elle a été forgée par Kellyanne Conway, conseillère de Trump, alors qu’elle répondait à un journalistes qui l’interrogeait sur l’importance de la participation publique lors de l’investiture du président, qui s’était déroulée la veille (rappelons que Trump avait affirmé que la foule qui y assistait était énorme, ce qui était manifestement faux pour tous les témoins de cet événement). Réponse de la très trumpiste Conway : “vous dites que c’est un mensonge […], notre porte-parole, Sean Spicer, a donné des faits alternatifs.” Ce à quoi le journaliste en question, Chuck Todd, avait rétorqué que “les faits alternatifs ne sont pas des faits. Ce sont des mensonges.”
Depuis cette expression est entrée dans le langage courant et définit les mensonges grossiers et brutaux qui caractérisent l’ère de la “post-vérité”. Voici comment le dictionnaire d’Oxford la définit : la “post-vérité” […] “fait référence à des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles.” Cela n’a rien de nouveau en soi : Jonathan Swift décrivait le même phénomène plus de deux siècles auparavant.
Ce qui est nouveau, c’est l’ampleur qu’a pris ce phénomène à l’heure d’internet et de ses médias sociaux qui diffusent en permanence de la désinformation, et où les opinions subjectives remplacent la plupart du temps les raisonnements objectifs, factuels et argumentés. Ce qui est nouveau et que Swift ne pouvait même imaginer, c’est que “Nous serons bientôt des prototypes de citoyens dont les monstres totalitaires du passé osaient à peine rêver. Jusqu’à présent, tous les dictateurs devaient âprement lutter contre la vérité. Mais par notre attitude, nous leur disons aujourd’hui que ces efforts ne sont plus nécessaires car nous avons développé un mécanisme cognitif capable de dépouiller la vérité de toute forme de signification. En tant qu’individus libres, nous avons fondamentalement et librement décidé que nous voulions vivre dans un monde de post-vérité” (Steve Tesich, dramaturge, romancier, inventeur en 1991 du concept de post-vérité).
D’un point de vue astro-sociologique, le fait que ce soit un “marsien” comme Trump, passé brutalement de la téléréalité à la présidence d’un des deux plus puissants pays du monde le temps d’une campagne électorale sur fond de “mentir vrai” et de “post-vérité”, en dit très long sur l’un des pires maux qui affecte actuellement une grande partie de la classe politique. Venant d’un “marsien”, c’est-à-dire un homme d’action avant tout sensible aux faits concrets et qui ne mâche pas ses mots, le mensonge grossier, brut de décoffrage, instantané et sans subtilité, devient l’expression d’un pseudo-réalisme court-termiste et agressif qui considère que tout est une question de rapport de force - y compris la vérité et le mensonge. Et ce pseudo-réalisme court-termiste est justement ce qui s’est installé comme la vision du monde collective qui s’est imposée après la disparition des grandes idéologies des XIXe et XXe siècle. Seule la néo-idéologie écologiste lui est désormais opposable… et justement, Trump est anti-écologiste.
La boucle est ainsi bouclée. Pour une partie de plus en plus importante de la masse de citoyens-consommateurs, il est devenu normal de mentir à tout bout de champ au nom du pseudo-réalisme court-termiste. En 2005, douze ans avant l’investiture de Trump, le philosophe étasunien Harry Frankfurt définissait dans son petit livre De l’art de dire des conneries cette nouvelle forme de discours trompeur postmoderne et post-idéologique comme du “bullshit” (“merde de taureau”), un concept qui mêle le boniment, le mensonge et la pure et simple connerie. Ce que la sociologue franco-israélienne Eva Illouz décrit comme “une forme de discours que l’on reconnaît au fait que son adepte ne se préoccupe ni de dire la vérité (ou du moins d’en avoir l’air) ni de mentir. Celui qui pratique l’art de dire des conneries n’a tout simplement pas le souci de la vérité et méprise autant les faits que l’histoire ou la logique” (Il n’y a pas de démocratie possible sans vérité, article paru dans le quotidien israélien Ha’Aretz).
Dans l’ère relativiste de l’individualisme moutonnier triomphant qui est actuellement la nôtre, on en est venu à considérer que la vérité objective n’est plus qu’une affaire d’opinion personnelle subjective, donc que chacun peut donc avoir l’impression d’avoir la sienne. L’impression seulement, car en réalité ces pseudo “opinions personnelles” sont modelées et conditionnées par le marketing politicien, tant il est vrai, comme le souligne Frankfurt, que “les faits qui nous concernent personnellement ne frappent ni par leur solidité ni par leur résistance aux assauts du scepticisme. Chacun sait que notre nature insaisissable, pour ne pas dire chimérique, est beaucoup moins stable que celle des autres choses. La sincérité, par conséquent, ce sont des conneries.”
L’art du mensonge tactique, circonstancié, à usage volontairement limité, qui ne devrait être qu’un outil amoral très souvent nécessaire à l’application d’une stratégie politique, s’est ainsi mué en vulgaire “bullshit”. Il est très difficile à un politicien classique prétendant accéder aux plus hautes marches du pouvoir de ne pas au moins occasionnellement mentir pour atteindre ce but. Pour parvenir à ses fins dans ce milieu ultra-concurrentiel, il doit au minimum avoir faire preuve de ruse et de dissimulation partielle de ses intentions. Le mensonge rôde dans ces parages et s’il n’y prend garde, de nécessité tactique il peut se transformer en stratégie permanente. Il faut une très grande force d’âme et des convictions chevillées au corps pour ne pas céder à cette tentation.
François Mitterrand, qui estimait comme Julien Freund que “celui qui n’envisage la relation du moyen à la fin en politique que sous l’angle moral se condamne à l’inaction et par conséquence à l’impuissance, parce qu’il est amené à s’enfermer dans la perpétuelle contestation. Il ne peut que refuser le monde ou le maudire”, a fini par se perdre et perdre le courant idéologique qu’il représentait (le socialisme) dans les petite et grands mensonges qui lui ont permis d’accéder au pouvoir politique suprême et de s’y maintenir pendant deux septennats.
“Une politique qui se borne à brasser des rêves les trompe tous. Une politique qui les ignore se trompe sur la nature de ceux qu’elle prétend conduire”, disait Mitterrand (France-Soir, 1970) dans le même registre méditatif sur la nature de l’action politique. Traduction : il faut savoir proposer une bonne dose de rêves, qui sont souvent des illusions irréalisables mais correspondent à d’irrationnelles attentes collectives, si l’on veut conquérir le pouvoir et le conserver afin de mettre en œuvre le programme idéologique pour lequel on est mandaté. Et des songes aux mensonges, il n’y a qu’un pas vite franchi.
Les mensonges de l’ex-président de la République Française étaient d’une nature différente de ceux d’un Donald Trump : Mitterrand n’était pas du tout “marsien” - Mars était même la planète la plus faiblement valorisée dans son ciel de naissance. Il ne mentait donc pas brutalement, à bout portant, sans recul comme un Trump stupide et inculte. Intelligent et cultivé, il le faisait en utilisant ses propres armes, celle de la séduction insidieuse, de la désinvolture calculée et de la ruse machiavélique, en accord avec une dominante Vénus-Mercure-Pluton. Répétons-le : le Thème natal d’un individu ne dit pas s’il est, a été ou sera un “serial menteur”, mais quel types de mensonges auront sa préférence compte tenu du fonctionnement psychologique qu’il doit à la configuration particulière de son ciel de naissance.
Ceci étant une fois de plus précisé, est-il possible d’être un homme politique parvenant à exercer le pouvoir sans mentir du tout, ou même en ne mentant qu’à la marge ? La réponse est “oui”… Mais c’est rare, tant l’univers politicien est un monde impitoyable où s’affrontent démagogues, opportunistes, affairistes et individus portés par de réelles convictions, et tant il faut de ruses à la sincérité de ces derniers pour parvenir à triompher des mensonges que les autres n’hésitent jamais à se livrer.
De ce point de vue il n’est pas indifférent de constater que si François Mitterrand est parvenu à exercer le pouvoir suprême, c’est en triomphant de son principal concurrent dans son propre camp : Pierre Mendès-France. Homme de solides convictions, politicien intègre, il déclarait publiquement qu’il n’avait “jamais rien détesté autant que l’imposture, le mensonge et la démagogie” (Choisir, conversations avec Jean Bothorel, Stock, 1974). Il a presque toujours mis cette forte parole avec ses actes, certes en se trompant souvent, mais qui ne se trompe jamais ? Il se trompait par exemple, comme François Mitterrand à la même époque, quand il affirmait en 1954 que “L’Algérie, c’est la France, et non un pays étranger… On ne transige pas quand il s’agit de défendre la paix intérieure de la nation, l’unité et l’intégrité de la République”, alors que l’Algérie n’était rien d’autre qu’une colonie, donc un territoire étranger occupé. Il s’agissait donc d’un mensonge d’État largement partagé et qu’il assumait pleinement. L’État produit en effet ses propres mensonges que ceux qui conduisent ses affaires se doivent de perpétuer, qu’ils les croient ou pas, et la raison d’État peut par ailleurs obliger les politiciens les plus sincères à mentir quand ils sont au pouvoir.
Mendès-France n’a exercé le pouvoir suprême, qui était à cette époque (1954–1955) la présidence du Conseil de la IVe République, et n’a tenu que sept mois à ce poste avant d’en être chassé par une coalition de démagogues menteurs. Élu sur la promesse de mettre fin à la guerre d’Indochine et de régler le problème de la colonie algérienne, il a rapidement réussi dans le premier cas et échoué dans le second en refusant de mentir à la fois aux colonialistes et aux anti-colonialistes qui ont fini par faire front contre sa politique marquée par la sincérité et la franchise…
Il est très probable que d’autres individus nés sous le même ciel que Mendès-France aient été de fieffés menteurs. Mais lui ne l’était pas. Il n’y a pas de déterminisme astral du mensonge en politique ou dans d’autres domaines publics ou privés. Il se trouve qu’il a choisi le camp de la sincérité et de la vérité. Résultat : Mendès-France n’a exercé le pouvoir suprême que 7 mois, contre 14 ans pour Mitterrand, dont il a été obligé par solidarité idéologique de soutenir les candidatures à la présidence de la République en 1965 (échec) et 1981 (réussite). En politique, la vertu doit souvent s’incliner devant le vice. Mais elle existe quand même, et Mendès-France en fut une éminente figure. De tels hommes politiques existent toujours aujourd’hui, c’est certain. Mais pourront-ils encore accéder au pouvoir, ne serait-ce que sept mois ? À l’heure du bullshit mensonger de plus en plus généralisé et de l’absence (très probablement provisoire) de colonnes vertébrales idéologiques, rien n’est moins sûr…
On peut pourtant se consoler : “Lorsqu’on songe à l’aveuglement des masses dans leurs besoins serviles, l’on ne peut que se réjouir du nombre raisonnable de tyrans”, écrit l’astrologue Jean-Pierre Nicola, mais il poursuit sur un ton nettement moins réconfortant : “N’avez-vous jamais ressenti le bonheur d’une foule à se doter d’un crétin, d’un escroc ou d’un névropathe, si la chose est présentée comme ‘il faut’ ? Ces êtres figurent parmi les plus aptes à provoquer l’applaudissement qui est, pour le modeste, un geste de puissance permise. (…) Nous avons des ‘guides’ à la mesure de nos suffisances. Quel peuple voudrait d’un sage ou du meilleur ?”
Platon, dans son ouvrage Le Politique, rêvait de ce genre de sage et de meilleur sous la forme d’un “roi-philosophe” gouvernant par le Savoir, la Raison et la Vertu une société immuable et strictement hiérarchisée. Plus tard, dans Les Lois, il abandonna cette conception autocratique pour lui préférer un plus collectif “Conseil Nocturne” voué à l’étude de l’astronomie, laquelle à son époque était confondue avec la théologie. Les corps célestes étaient en effet considérés par Platon comme des dieux vivants. Ils avaient des corps de feu indestructibles et leurs âmes à l’intellect divin dirigeaient leurs mouvements circulaires, réguliers et rassurants par leur permanence. Selon Platon, les lois de la Cité dérivaient de cet intellect planétaire, et devaient donc s’y conformer sous la férule de son “Conseil Nocturne”…
Les sages membres de ce “Conseil Nocturne” platonicien (et heureusement resté platonique) ressemblaient donc fort à des astrologues… Mais pas d’anachronisme, ce n’en étaient pas : du temps de Platon (VIe siècle avant J.C.), le monde hellénistique n’avait pas encore incorporé le savoir astrologique babylonien, et Platon ignorait par conséquent tout de l’astrologie. N’empêche : sa conception théologique de l’astronomie se rapprochait d’une conception astrologique du monde, au sens ou le “logos” (la parole, le langage et par extension la rationalité) était placé sous la gouverne des astres en rotation.
Deux siècles plus tard, cette conception théologique de l’astronomie était toujours partagée par Aristote qui, lui, connaissait l’existence de l’astrologie mais la rejetait : “Une tradition venue de l’antiquité la plus reculée et transmise à la postérité sous le voile de la fable nous apprend que les astres sont des dieux et que la divinité embrasse toute la nature ; tout le reste n’est qu’un récit fabuleux imaginé pour persuader le vulgaire et pour servir les lois et les intérêts communs. Ainsi on donne aux dieux la forme humaine, on les représente sous la figure de certains animaux ; et mille inventions du même genre qui se rattachent à ces fables. Si l’on sépare du récit le principe lui-même, et qu’on ne considère que cette idée, que toutes les essences premières sont des dieux, alors on verra que c’est là une tradition vraiment divine.” Par ailleurs, l’idée d’un “Conseil Nocturne” astronomico-théologique lui était étrangère : il lui préférait, pour gouverner la Cité, une démocratie modérée dont étaient exclus les esclaves et les barbares (les étrangers).
Le gouvernement de la Cité en fonction d’un “astrologos” non-astrologique a donc bien été imaginé par Platon. Pour lui, la Cité terrestre devait se conformer aux lois astronomico-divines. Amusons-nous un peu : serait-il souhaitable qu’un néoplatonicien et postmoderne “Conseil Nocturne”, authentiquement astrologique celui-là, se substitue à nos assemblées politiciennes démocratiques, gangrénées par les menteurs, affairistes, opportunistes et démagogues de tout poil, pour y remettre un peu d’ordre céleste ? Rien n’est moins sûr.
D’abord parce que l’astrologie est divisée en tant de courants contradictoires - c’est une véritable tour de Babel - qu’il serait impossible aux membres de ce néo-Conseil Nocturne de se mettre d’accord sur quoi que ce soit à propos des règles d’administration de la Cité. Ensuite parce que les astrologues ne sont pas plus sages que les scientifiques, les théologiens et les politiciens. Ils le sont même encore moins pour la plupart, et ce sont toujours les pires et les plus ignares d’entre eux qui ont été en cour auprès des princes, rois et empereurs au cours de l’Histoire. Enfin, ils sont eux aussi (très) sujets au mensonge, même si, comme le reconnaissait Voltaire qui détestait l’astrologie, “un astrologue ne saurait avoir le privilège de se tromper toujours”. Ce en quoi, en affirmant péremptoirement une contrevérité fondée une généralisation abusive à base d’ignorance, il se trompait et trompait délibérément autrui. Donc il mentait.
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Sous le ciel de Jarnac, un Scorpion nommé François Mitterrand
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Ce livre est la première et pour l’instant la seule astro-biographie consacrée à l’étude du caractère et de la vie d’un individu à partir de son Thème astrologique natal et des transits planétaires qui ont jalonné et structuré son fonctionnement psychologique et sa destinée. La carte du ciel du premier Président socialiste de la République Française, François Mitterrand, y est longuement étudiée dans le moindre de ses détails, dans un langage simple et accessible. Les étapes majeures du parcours de ce Scorpion Ascendant Balance né sous une influence dominante de Vénus, Mercure et Pluton y sont analysées à la lumière des cycles et intercycles planétaires qui les fondaient et les accompagnaient.
Que vous vous intéressiez ou non à la politique en général ou à François Mitterrand en particulier, cet ouvrage clair et pédagogique est indispensable pour comprendre en profondeur et toucher du doigt comment s’exerce l’influence astrologique et comment elle détermine le caractère et les grands moments d’un parcours individuel. Cet ouvrage, facilement lisible pour un non-spécialiste, propose dans sa dernière partie une présentation des bases astrologiques qui fondent cette étude.
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